Pédagogique

D’étudiants à enseignants: la meilleure posture pour apprendre (classe RENVERSÉE)

Ces dernières années, je vous ai longuement parlé de la «classe inversée» et beaucoup moins de la «classe renversée», une approche doublement à l’envers.

Contrairement à l’approche de «classe inversée», qui déplace le magistral hors de la salle de classe pour y faire entrer des activités de plus en plus collaboratives, plus intégratives, la «classe renversée» change également la posture des apprenants et du professeur en inversant leurs rôles.

« Cette méthode particulièrement originale a été imaginée, il y a 4 ans, pour un cours de génétique moléculaire destiné à des étudiants de 3e année de licence en biologie. L’enseignement pleinement magistral y est abandonné au profit d’une méthodologie co-élaborative dont le but est de sortir les apprenants d’une certaine passivité pour les mettre en situation active d’apprentissage. Le changement de posture est bilatéral. D’une part, les étudiants passent de l’état de « consommateurs » à celui constructeurs du savoir… Ils vont bâtir le cours sans qu’aucun document ne leur soit fourni. D’autre part, l’enseignant passe de la production et de la transmission du cours à l’accompagnement de ses étudiants dans la construction de leur savoir… jusqu’à jouer le rôle d’élève! »

Ce renversement se concrétise à différents moments, notamment dans la production du matériel pédagogique, dans la prestation de cours et dans les évaluations:

La production du matériel de cours par les étudiants

“…Les équipes qui fonctionnent de manière autonome peuvent interagir entre-elles lors des séances de travail. Les chapitres du cours sont élaborés par les étudiants selon un protocole précis avec un livrable préétabli et calibré. Le travail attendu est à la fois collectif et individuel. Chaque étudiant doit participer avec son groupe à la construction de plusieurs chapitres et assimiler ceux réalisés par les autres. Cette pédagogie est pleinement collaborative. Elle se passe dans une grande salle avec plusieurs postes de travail amovibles (tables sur roulettes permettant d’aménager l’espace différemment, chaises et tabourets, postes informatiques fixes, paperboard et post-its, tableaux mobiles avec feutres à encre délébile, matériel de projection, portables et tablettes des étudiants, tableau interactif, Wi-Fi avec un très bon débit…) pouvant accueillir chacun un groupe. Elle utilise un ensemble de plateformes et outils informatiques (Google Drive, Facebook, Moodle, Twitter…), ce qui permet aux étudiants de publier leurs travaux « dans le cloud » accessible par tous.”

Prestation d’enseignement par les étudiants

“…[P]ourquoi ne pas demander aux étudiants de dispenser le contenu du cours qu’ils ont construit eux-mêmes, une bonne façon de vérifier leur niveau d’apprentissage ? Il leur est ainsi demandé de « monter sur l’estrade » et de faire le cours. Cela permet au professeur de se rendre compte de la compréhension des contenus des chapitres par ses étudiants, notamment sur les fondamentaux. Le professeur devenu « élève » va jouer le rôle du candide. Tout le monde se met en cercle autour de lui. Les étudiants volontaires de chaque groupe font le cours au tableau. Ils présentent les parties les plus importantes de leur chapitre. Il ne leur est accordé que 10 à 15 minutes. C’est le temps des explications. Puis vient celui des questions pendant lequel l’enseignant « étudiant » ne se prive pas d’interroger ses « professeurs » comme s’il ne comprenait pas ce qui lui est expliqué. L’échange qui s’instaure permet de faire une mise au point en terme de compréhension de ce qui est produit dans chaque chapitre, de trier avec discernement entre ce qui est fondamental et accessoire, de corriger des erreurs quand elles sont de nature à empêcher la progression dans l’acquisition des connaissances. Bien sûr, il est possible de temps en temps pour le professeur de reprendre sa posture « normale » et de compléter, corriger ou réexpliquer certaines notions du cours.”

L’évaluation:

“…La classe renversée suppose que l’on inverse les rôles aussi pour les évaluations. Il est alors demandé aux étudiants de construire eux-mêmes les interrogations écrites ou les devoirs à faire à la maison, mais à destination du professeur. Chaque équipe formulent des questions et en construit les barèmes. Ce sera au professeur d’y répondre et de rendre sa copie à l’ensemble de la classe. […] L’intérêt de cette « interrogation inversée » est le suivant. Si la question est bien construite, avec un barème cohérent, (en d’autres termes, si elle peut être utilisée à l’examen), alors le professeur y répond de son mieux. Il obtient alors une très bonne note. Le travail est fini pour l’équipe qui a rédigé la question. Si au contraire, la question est mal construite, avec un barème mal adapté (ce qui arrive lorsqu’une équipe ne prépare pas suffisamment bien ce travail) et quelle est donc inutilisable pour l’examen, alors le professeur y répond de manière incomplète ou même incorrectement. Il obtient alors une mauvaise note. Mais dans ce cas, le travail des étudiants n’est pas fini car ils doivent lui fournir le corrigé. […] Au final, l’ensemble des questions produites par les étudiants dans ces exercices fournissent de la matière utilisable pour l’examen.

Pour les intéressés ou les curieux de pédagogie active, Jean-Charles Cailliez nous présente sa «classe renversée» dans un ouvrage intitulé : «La classe renversée. L’innovation par le changement de posture».  Cette innovation fait aussi l’objectif d’un doctorat de June Srichinda, encadrée par l’équipe de Marcel Lebrun et Mariane Frenay à l’Université Catholique de Louvain.

S’il est vrai qu’une bonne façon d’apprendre consiste à enseigner, les professeurs, chargés de cours, formateurs seraient tous d’éternels étudiants! Et vous, qu’apprenez-vous lorsque vous enseignez?

Source: Caillez, Jean-Charles, «La meilleure façon d’apprendre c’est d’enseigner,… et pourquoi pas en classe renversée?», blogue ÉducPros, 17 avril 2018.

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Veilleuse pendant plus de 10 ans, mes recherches et sujets d'intérêt tournaient autour des multiples usages de la vidéo à des fins d'enseignement et d'apprentissage. Je resterai, même à la retraite, fidèle lectrice de ce blogue qu'est L'Éveilleur!

À propos de l'auteur

Francheska Gaulin

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