Une recherche qui tombe à point alors que l’on est en droit de s’interroger sur la façon dont les communications électroniques influencent les rapports entre étudiants et enseignants.
… Les résultats obtenus auprès de 753 enseignantes et enseignants de partout au Québec permettent de constater qu’une moyenne
annuelle de 12,67% d’entre eux ont subi de la cyberintimidation entre 2015 et 2017. Ces chiffres s’expliqueraient en partie par une utilisation croissante des réseaux sociaux autant par les enseignantes et enseignants que par leurs élèves. Ces nouveaux moyens de communication permettent aux élèves et aux parents d’entrer en contact plus facilement avec l’enseignante ou l’enseignant surtout lorsque son profil est public permettant ainsi d’accéder à ses informations personnelles. (Extrait du résumé, p.1)
Comparativement, d’autres recherches menées au début des années 2010 laissaient plutôt entrevoir une proportion de 5 % d’enseignants ayant subi ce type de harcèlement. C’est ce qui fait dire aux auteurs de l’étude que le phénomène serait en croissance, ne serait-ce que par la plus grande disponibilité de la technologie.
Alors que 80% des répondants à la présente étude étaient des femmes, notons que 88% des personnes cyberintimidées étaient des femmes [ce qui correspond à ce qui est souvent observé dans la littérature scientifique]. « Selon la présente étude, les femmes sont deux fois et demie plus à risque que les hommes de subir de la cyberintimidation. » (p. 30)
45,67% des répondants oeuvraient au primaire et 35,56% au secondaire. Les autres répondants se répartissaient entre le préscolaire, la formation professionnelle et l’éducation aux adultes. « Chez les répondantes et répondants cyberintimidés, 21% sont issus du préscolaire, 19% viennent du primaire, 22% travaillent au secondaire, 24% sont issus de la formation professionnelle et 14%, de la formation aux adultes. » (p.14)
Alors que la cyberintimidation est souvent le fait de parents au primaire, ce sont des élèves qui intimident dans 60 % des cas au secondaire et dans 66 % des cas en formation professionnelle. [Notons qu’il arrive aussi que la cyberintimidation soit également le fait de collègues ou de membres de directions d’école mais dans des proportions plus faibles.] Dans 43,26% des cas le véhicule utilisé pour intimider était un mur Facebook (celui de l’enseignant ou celui d’un parent ou d’un élève), alors que l’on a eu recours au courriel dans 39,01% des cas et à la messagerie Facebook dans 27,66% des cas. 73 % des répondants cyberintimidés affirment connaître l’identité de l’intimidateur.
Une autre dimension intéressante de l’étude, c’est qu’on a demandé aux enseignantes et enseignants de préciser le type d’intimidation qu’ils vivaient. « Les types les plus fréquents sont la diffusion de rumeurs qui est survenue dans 20% des cas, l’utilisation de surnoms blessants et/ou dérangeants (15,52%), le partage de photos où l’enseignante ou l’enseignant apparaît sans son consentement (15,52%) et la tentative de contact anonyme (13,66%). » (p.16; notre emphase)
Des enseignants (en de très faibles proportions) se sont faits intimider souvent ou à répétition, certains ont reçu des menaces de mort ou d’attaques physiques, des menaces pour leurs biens à au moins une occasion. De la cyberintimidation à caractère sexuel a aussi été signalée.
Enfin, l’étude tente de déterminer si le niveau d’habileté des uns et des autres avec les technologies joue un rôle dans la présence de cyberintimidation.
Il est difficile d’établir une relation de causalité entre les cas de cyberintimidation et les habiletés technologiques, mais la méconnaissance des réseaux sociaux autant de la part du personnel enseignant, des élèves et de leurs parents représente certainement un facteur de risque. Plusieurs types de cyberintimidation pourraient être contrés si les enseignantes et enseignants prenaient le temps de sécuriser leurs informations sur Facebook et s’ils évitaient d’ajouter des personnes inconnues. De cette façon, les élèves et leurs parents ne pourraient accéder aux informations personnelles de l’enseignant. Ils ne pourraient pas non plus communiquer avec lui par sa messagerie privée.
Bien que la causalité soit difficile à établir, on y voit un facteur de risque suffisant pour que plusieurs des recommandations formulées à la fin de l’étude y touchent.
- Inciter les enseignants et enseignantes à sécuriser leurs informations personnelles sur leurs réseaux sociaux (photos, vidéos, profil, etc.) de façon à ce que les élèves, les parents des élèves, les collègues et la direction n’y aient pas accès.
- Inciter les enseignants et enseignantes à n’ajouter à leurs réseaux sociaux que des personnes dont ils connaissent l’identité.
- S’assurer que les élèves utilisent les outils technologiques en salle de classe à des fins académiques exclusivement. [NDLR: Bonne chance…]
- Enseigner la nétiquette aux élèves dès le primaire afin de les sensibiliser, entre autres, au partage de photos et de vidéos prises en contexte scolaire.
Source: Villeneuve, Stéphane et al., Évaluation de l’ampleur du phénomène de la cyberintimidation envers le personnel enseignant du primaire et du secondaire : habiletés technologiques en cause?, Service aux collectivités – UQAM, Centrale des syndicats du Québec, Fédération autonome de l’enseignement, juin 2018, 54 p.