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À quoi sert le Département de l’éducation américain?

Nous ne comptons pas forcément prendre l’habitude de suivre la politique américaine et ses impacts sur le monde de l’enseignement supérieur, mais comme certains choix et idéologies venus du sud de la frontière ont tendance à influencer nos propres institutions…

Difficile d’ailleurs d’ignorer les craintes des milieux universitaires américains face à une éventuelle fermeture du Department of Education par l’administration Trump. A priori, le Président ne peut décider de fermer ce ministère seul, car il doit obtenir l’appui du Congrès. Toutefois, comme c’est actuellment le cas pour l’Agence américaine pour le développement international (USAID) réduite à sa plus simple expression, le pouvoir exécutif peut décider de limiter le financement et le nombre d’employés des organismes fédéraux. Mais à quoi sert donc ce ministère fondé en 1979 par Jimmy Carter, du moins en ce qui concerne les colleges et universités aux États-Unis?

(Note historique: Ce n’est pas la première fois que les républicains tentent de fermer ou de limiter grandement l’influence de ce ministère qu’ils considèrent comme une bureaucratie inutile. L’objectif serait de donner le contrôle complet de l’éducation aux gouvernements des États. Ce fût le cas dès 1980 alors que Reagan en avait fait une promesse de campagne, puis en 1996 sous Bill Clinton qui avait bloqué une initiative conservatrice. (Gary, 2025))

Katherine Knott du Inside Higher Ed résume en 5 points les fonctions et responsabilités du Department of Education relativement à la formation supérieure:

  • accorde des milliards de dollars de subventions et de prêts;
    • 100 milliards de dollars en prêts et 30 milliards en bourses Pell, permettant à 6 millions de personnes étudiantes à faible revenu d’accéder à la formation supérieure.
    • Plusieurs groupes de réflexion républicains souhaitent que cette fonction soit prise en charge par le Département du Trésor.
  • fait respecter les droits civils des personnes étudiantes;
    • « Le Bureau [des droits civils] a reçu 22 687 plaintes au cours de l’année fiscale 2024, et l’administration Biden prévoyait que ce nombre atteindrait près de 24 000 en 2025. » On rapportait notamment de la discrimination basée sur le genre et les handicaps.
    • Plusieurs groupes de réflexion républicains souhaitent que cette fonction soit prise en charge par le Département de la Justice.
  • gère plusieurs programmes de subventions, notamment aux établissements qui accueillent traditionnellement des personnes étudiantes racisées ou vivant avec un handicap. Plusieurs de ces institutions pourraient fermer sans ce financement;
  • collecte des données sur les effectifs étudiants et les établissements;
    • C’est possiblement le principal (seul?) rôle que conserverait l’organisme, selon certains penseurs répulicains.
  • supervise les collèges et les universités: aux États-Unis, les colleges et universités sont accrédités par des organismes privés… qui doivent être reconnus par le gouvernement fédéral, notamment pour l’obtention de certaines subventions.

John Johnston du eCampus News présente d’éventuelles conséquences de la disparition de cette dernière fonction et du financement qui s’y rattache:

« …L’absence de contrôle fédéral laisserait un trou béant dans l’application de la réglementation. Le Département de l’éducation a toujours veillé à ce que les établissements universitaires respectent des normes de qualité de base tout en protégeant les droits des personnes étudiantes. Aujourd’hui, en l’absence d’un organisme national de réglementation, l’enseignement supérieur risque de se retrouver dans un système disparate où certains États respectent des normes académiques rigoureuses tandis que d’autres les affaiblissent. […]

Au-delà des perturbations immédiates, les conséquences à long terme du démantèlement du Département de l’éducation pourraient créer des divisions encore plus profondes au sein de l’enseignement supérieur [américain]. L’une des plus grandes menaces est la disparité croissante entre les établissements d’élite bien financés et les établissements plus petits, en particulier les universités publiques régionales et les community colleges, qui servent de tremplin éducatif à des millions de personnes étudiantes. Sans les subventions fédérales et les structures de financement qui soutiennent ces établissements, nous pourrions assister à des fermetures généralisées, ce qui limiterait encore davantage l’accès à l’éducation pour les personnes étudiantes qui dépendent d’options éducatives locales et abordables.» (Johnston, 2025; traduit avec DeepL.com; nos emphases)

Sources:
Danilova, Maria (10 février 2025), Le département de l’Éducation dans le viseur de l’administration Trump, La presse, Montréal

Gary, Alissa (12 février 2025), What You Need to Know as Linda McMahon Goes Before Congress, The Chronicle of Higher Education, Washington D.C.

Johnston, John (11 février 2025), The unthinkable becomes reality: Higher ed in the wake of the Department of Education’s dismantling, eCampus News, Gaithersburg, Maryland.

Knott, Katherine (7 février 2025), 5 Ways the Education Department Affects Higher Ed, Inside Higher Ed, Washington D.C.

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

2 Commentaires

  • Excellent article. Cela répond à plusieurs questions que je me posais en lien avec le fonctionnement des juridictions américaines dans la gestion de l’éducation et de l’enseignement supérieur. Merci de continuer de nous éclairer sur les grands enjeux!

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