Formation continue Pédagogique

Comment rejoindre les personnes enseignantes, selon Maryellen Weimer?

À la suite de mon article de novembre 2024 où je rapportais la vision de la professeure Maryellen Weimer de l’évolution de l’enseignement universitaire sur 30 ans, j’ai cherché d’autres articles où cette ancienne éditrice du bulletin Teaching Professor partage ses expériences.  Elle a été interviewée en 2020 par l’équipe éditoriale du Wabash Center Journal on Teaching, une revue pédagogique consacrée à l’enseignement de la théologie et l’étude des religions.  Il reste qu’elle exprime plusieurs points de vue qui transcendent les disciplines et où l’on se demande surtout « Comment rejoindre les personnes enseignantes pour leur parler de pédagogie universitaire, voire pour qu’elles écrivent à ce sujet ? »  Une grande dame, à n’en point douter.  Points saillants:

  • Selon elle, il y a des sujets qui rejoignent toutes les personnes enseignantes.  Elle dit n’avoir encore jamais rencontré de personnes enseignantes qui n’étaient pas intéressées par des façons de favoriser la participation en classe, d’offrir de la rétroaction qui améliore la performance, de favoriser l’intégrité académique, de faire en sorte que les personnes étudiantes arrivent en classe mieux préparées.
  • Dans la mesure du possible, elle tente (a tenté) de présenter des approches pédagogiques (teaching strategies) qui reposent sur les théories de l’apprentissage ou qui sont appuyées par la recherche.
  • Au-delà des approches pédagogiques, elle constate que les personnes enseignantes sont particulièrement friandes de méthodes d’enseignement (teaching techniques).  Weimer explique qu’elle tente toujours de proposer des méthodes qui reposent au moins en partie sur des données probantes.  Elle donne l’exemple des tests éclairs donnés en début de cours pour vérifier si les personnes étudiantes ont pris connaissance de la matière.  Dans l’article « The (Mostly) Unmarked Quiz » de Reid Locklin (2019), il est question de tels tests, mais les personnes étudiantes sont évaluées sur les notes qu’elles prennent pendant les échanges qui suivent le test (plutôt que sur leurs réponses initiales au test lui-même).  Lors de ces échanges, on compare les pours et les contres des réponses possibles.  Cette méthode repose sur les conclusions de recherches en psychologie cognitive sur l’apprentissage soutenu par les tests (test-enhanced learning) et elle favorise la rétention à long terme.
  • Pour Weimer, un changement de paradigme s’est opéré pendant les années 1990, alors que les personnes enseignantes se sont mises à s’intéresser davantage à l’apprentissage qu’à l’enseignement.  Or, la recherche démontre qu’un enseignement de qualité favorise l’apprentissage. « Pretty much across the board the interest now is in learning and the kind of teaching that promotes it. »  Cependant, elle estime que la majorité du personnel enseignant a encore une compréhension assez superficielle de la science de l’apprentissage.  Elle reste optimiste du fait que le corps professoral sait comment trouver des données probantes et les évaluer.
  • Pour encourager la rédaction d’articles où des personnes enseignantes partagent leurs expériences d’utilisations de certaines méthodes d’enseignement proposées par des collègues, elle suggère de les inciter à répondre aux questions suivantes en 700 mots:
    • Comment cette méthode a-t-elle adaptée au contenu de votre cours ?
    • Quelle a été la réaction des personnes étudiantes ?
    • Cette méthode a-t-elle eu des effets bénéfiques inattendus ?
    • Avez-vous des conseils à donner à d’autres personnes désireuses de l’utiliser ? [traduit avec DeepL.com, puis ajusté]
  • Elle parle du défi intellectuel que constitue la vulgarisation: « Je pense que les personnes enseignantes craignent qui si elles écrivent de manière claire et accessible, ce ne soit trop facile et pas assez savant.  Je crois qu’il s’agit d’une fausse idée. Lorsque j’écris un condensé de sept cents mots d’un article de recherche de vingt pages, je m’efforce de faire un résumé précis de l’article en question en utilisant un langage simple et direct. Croyez-moi, c’est une tâche intellectuellement difficile. Je transpire à grosses gouttes sur ces condensés de recherche et je les rédige depuis des années. Ils ne sont pas faciles à écrire. » [traduit avec DeepL.com, puis ajusté]
  • Weimer parle d’un article de William Cerbin (2018) qui affirme que nous devrions cesser de débattre des vertus de l’apprentissage actif par rapport à l’enseignement magistral.  Le fait est que les cours magistraux sont les plus répandus.  Cerbin [et Weimer] considère qu’il serait préférable que nous nous penchions sur la recherche et que nous découvrions les façons dont nous pouvons utiliser les cours magistraux pour promouvoir l’apprentissage.  Cerbin explore trois domaines dans lesquels la recherche identifie des actions que les personnes enseignantes peuvent entreprendre avant, pendant et après le cours et qui favorisent un meilleur apprentissage. [traduit avec DeepL.com, puis adapté]
  • Elle cite plusieurs journaux scientifiques de qualité qui touchent à la science de l’apprentissage: Scholarship of Teaching and Learning in Psychology, Teaching Sociology, Teaching of Psychology et le Journal of Management Education. Bien qu’il s’agisse de périodiques disciplinaires, elle considère qu’on y trouve des articles facilement transférables à d’autres disciplines.  Quand aux journaux qui traitent d’enseignement de manière plus large, elle nomme le Journal on Excellence in College Teaching, ainsi qu’Active Learning in Higher Education et Assessment and Evaluation in Higher Education, deux publications britanniques qui traitent de stratégies dans ces domaines respectifs.
  • Weimer constate que le lectorat des journaux touchant l’enseignement et l’apprentissage est très restreint.  Elle n’a jamais trouvé de journaux sur le sujet ayant plus de 10 000 abonnés.  Même les meilleurs articles sont rarement téléchargés plus de 300 à 400 fois. « Je pense que l’une des leçons que nous devrions avoir apprises maintenant est que les revues scientifiques ne sont pas un moyen particulièrement efficace de diffuser des informations sur l’enseignement et l’apprentissage. » [traduit avec DeepL.com, puis ajusté]
  • Outre les publications qui s’appuient sur de la recherche empirique (et qui sont revues par les pairs), Weimer croit qu’il faut donner accès à des ressources variées sur l’enseignement et l’apprentissage, parce que les connaissances dans ce domaine sont très éclectiques et individuelles. « …I wish we’d open up the definition of what counts as scholarly.  […] Our thinking about scholarly work on teaching and learning is too narrow and exclusive, I believe. » Outre les données probantes et les méthodes d’enseignement, l’éditrice retraitée pense qu’il faut aussi offrir des essais qui remettent en question les (pré)conceptions de l’enseignement et de l’apprentissage.
  • « Je pense qu[e les personnes enseignantes] ont également besoin d’essais inspirants. L’enseignement est une profession qui demande beaucoup d’énergie. Je pense que beaucoup de personnes enseignantes sont fatiguées. Elles enseignent beaucoup et l’enseignement devient parfois une corvée implacable. Elles doivent pouvoir lire quelque chose qui leur rappelle pourquoi elles font ce métier ». [traduit avec DeepL.com, notre emphase]
  • Il est question du fait que la rédaction de textes réflexifs a un impact intéressant sur les personnes qui les écrivent, autant que sur les personnes lectrices.  Weimer donne l’exemple d’un texte qui traite d’avoir reçu une mauvaise évaluation de l’enseignement (Haave, 2019):
    • « …[C]es récits personnels ont une grande valeur pour ceux qui les lisent car ils constituent des modèles opérationnels de réflexion critique. L’ouvrage de Donald Schön, The Reflective Practitioner (1992), est devenu l’un des sujets à la mode dans l’enseignement supérieur, mais je ne pense pas que les personnes enseignantes aient bien compris ce que cela signifie de réfléchir de manière critique à son enseignement. Il s’agit d’une confrontation profonde et personnelle, souvent à partir d’une expérience vécue. Celles qui lisent [de tels récits] y trouvent un exemple de la manière de procéder, mais elles apprennent aussi de [cette] expérience [particulière].  Peu de personnes enseignantes réagissent de manière constructive aux évaluations négatives des personnes étudiantes. Voici un exemple d’une manière différente et plus constructive de traiter les commentaires négatifs des personnes étudiantes » [traduit avec DeepL.com, puis ajusté; nos emphases]
  • À propos du rôle d’éditrice: « Je trouve que les personnes enseignantes ont besoin de beaucoup d’encouragements, d’être tenues par la main et d’édition. Elles ont également tendance à dévaloriser ce qu’elles font. Si, par exemple, elles ont développé des moyens très créatifs pour amener les personnes étudiantes à confronter la façon dont elles se sont préparées à un examen avec les résultats qu’elles ont obtenues, je leur dirai: « Oh, il faut que tu écrives là-dessus! ». Elles répondront: « Non, ce n’est qu’une chose simple, pas grand-chose. Personne ne publiera ça ». [traduit avec DeepL.com, puis ajusté; nos emphases]
  • Elle cite deux livres à propos de l’enseignement qui semblent important dans le monde anglophone: « The Courage to Teach de Parker Palmer (2017), qui est vraiment un livre étonnant avec un contenu fabuleux mais qui est aussi bien écrit. Il a une voix, il est personnel, mais il a aussi de la substance. C’est un livre qui vous fait réfléchir à l’enseignement comme vous ne l’avez jamais fait. What the Best College Teachers Do (2012) de Bain est un autre exemple de livre superbement bien écrit. Je pense que le genre de choses qui rendent lisibles les écrits savants sur l’enseignement et l’apprentissage n’est pas sorcier, ce qui signifie qu’ils peuvent être appris ».  [traduit avec DeepL.com, puis ajusté]
  • À propos du fait que les discussions sur l’enseignement et l’apprentissage ont avantage à être interdisciplinaires:
    « …[L]orsqu’il s’agit de promouvoir l’intégrité académique, on peut s’adresser à toutes les disciplines. Si nous étions capables de mieux répertorier ces sujets [transversaux], il me semble que nous pourrions faire le lien avec d’autres domaines. La collaboration et les échanges interdisciplinaires devraient faire partie des activités de développement professionnel de tout membre du personnel enseignant. Il est parfois très utile de parler à quelqu’un qui enseigne quelque chose de totalement différent de ce que vous enseignez. Non pas parce que vous allez faire ce qu’ils font, mais parce qu’en voyant comment la connaissance se déploie dans son domaine, vous pouvez comprendre comment la connaissance est transférée dans votre domaine. J’ai toujours travaillé dans cet espace entre les disciplines, qui ressemble souvent à un no man’s land. Nous ne sommes pas très doués pour franchir les frontières. » [traduit avec DeepL.com, puis ajusté; notre emphase]
  • Comment encourager la rédaction de textes sur l’enseignement et l’apprentissage alors que cela est rarement reconnu pour fins de promotion ?
    • « …[N]ous n’avons toujours pas défini de normes très claires sur ce qui constitue un bon travail de recherche sur l’enseignement et l’apprentissage. Les membres des comités de promotion et de titularisation n’ont pas l’habitude d’évaluer de telles productions et il est donc facile de tomber dans l’utilisation de normes disciplinaires au lieu de penser à l’enseignement et à l’apprentissage comme des phénomènes à part entière qui devraient être évalués selon des critères qui correspondent à leurs propres caractéristiques et particularités.  […] Le manque de récompense et de reconnaissance n’est pas un phénomène nouveau et cela n’a pas empêché les personnes enseignantes de travailler dans ce domaine. Elles écrivent depuis longtemps sur l’enseignement et l’apprentissage. Je pense que l’on encourage les enseignants [à écrire sur la pédagogie] en s’appuyant sur leur engagement en faveur de l’enseignement et de l’apprentissage des personnes étudiantes.  Si vous demandez à un membre du corps enseignant s’il est intéressé par l’amélioration de son enseignement, vous n’obtiendrez peut-être pas une réponse enthousiaste. Mais si vous lui demandez: « Vous intéressez-vous à l’importance et à la qualité de l’apprentissage des personnes étudiantes ? », il est difficile de dire non. Si vous encouragez les gens à écrire sur l’enseignement et l’apprentissage parce que cela va améliorer l’apprentissage des personnes apprenantes et leur efficacité en tant que personne enseignante, je pense que cela les motivera. » [traduit avec DeepL.com, puis ajusté; nos emphases]

Source: Weimer, Maryellen, Pearson, Thomas, Gallagher, Eugene V., Kwok, Pui Lan (2020), « Conversation with Maryellen Weimer », The Wabash Center Journal on Teaching, vol.1, no.1, pp. 47-58.

Un guide sur les travaux d'équipe conçu avec des personnes étudiantes
Redevenir « immigrants numériques »...
+ posts

À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

Laisser un commentaire