Pédagogique Tendances sociétales

Débats en classe: des divisions hommes-femmes à prévoir?

Texte très pertinent de Marie-Hélène Proulx dans le magazine L’actualité. Alors que l’on savait qu’une certaine polarisation idéologique – notamment alimentée par les chambres à échos des réseaux sociaux – rendait les discussions en classe plus complexes, la journaliste rapporte une tendance observée dans plusieurs pays (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Corée du sud, Chine) : au sein de la génération Z (15-35 ans), les jeunes hommes tendent politiquement de plus en plus vers la droite, alors que les jeunes femmes se campent généralement davantage à gauche.

Par exemple, « [l]es données de Gallup montrent qu’aux États-Unis, les femmes âgées de 18 à 30 ans sont aujourd’hui 30 points de pourcentage plus libérales que leurs homologues masculins. Cet écart idéologique entre les sexes est cinq fois plus important qu’en 2000, et plus important qu’à n’importe quel moment de l’histoire des sondages. » (Reeves, 2024, traduit avec Deepl.com)

Cette tendance s’observe aussi au Canada et Québec, mais avec des échantillons « très modestes »: « [S]elon le groupe Angus Reid, 43 % des hommes canadiens de 18 à 34 ans […] ont l’intention de voter pour le Parti conservateur du Canada (PCC) au prochain scrutin, contre 30 % des filles de leur âge. Les jeunes hommes sont aussi deux fois plus nombreux à avoir une opinion positive du chef du PCC, Pierre Poilievre (50 % contre 27 %) ».

Au Québec, la professeure Valérie-Anne Mahéo, titulaire de la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires (Département de science politique, Faculté des sciences sociales, Université Laval) remarque un « penchant à gauche beaucoup plus important chez les jeunes femmes de 18 à 29 ans ― du moins lors des scrutins de 2014 et de 2018. Un écart idéologique qui se traduit aussi aux urnes, puisque depuis 2018, « les jeunes femmes choisissent davantage Québec solidaire, tandis que les jeunes hommes appuient plus fortement la CAQ ».

Par ailleurs, Yannick Dufresne, directeur du Centre d’analyse des politiques publiques à l’Université Laval, constate qu’« [à] peine 15 % des filles et des gars s’identifient au centre sur le plan idéologique, une perte de 30 points de pourcentage en 20 ans, alors que 40 % des jeunes hommes se disent désormais de droite, contre 20 % au début des années 2000. » Inversement, les jeunes femmes « n’ont jamais été aussi nombreuses à se dire de gauche dans l’histoire du Québec, la proportion atteignant presque 60 % » (Proulx, 2025).

Mise en garde de la professeure Mahéo: « Ce sont des polaroïds ; il faudra plus de données dans le temps pour faire la preuve d’un phénomène susceptible de restructurer la politique au Québec et ailleurs au Canada, au-delà du feu de paille ou d’un possible effet de contagion sociale après les élections américaines ».

Selon Richard V. Reeves, président de l’American Institute for Boys and Men, qui signait un article sur le même sujet dans le Time Magazine en avril 2024, « [c]e qui est peut-être le plus troublant ici, c’est la montée de la pensée à somme nulle en ce qui concerne le genre. [Aux États-Unis], [q]uelque 38 % des hommes républicains, par exemple, sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle « les progrès réalisés par les femmes dans la société l’ont été aux dépens des hommes ». Les calculs à somme nulle de ce type, non seulement en ce qui concerne le sexe, mais aussi la race ou l’immigration, peuvent conduire à l’équivalent politique d’une guerre de tranchées… » (traduit avec Deepl.com, notre emphase).

« Dans un environnement politique à somme nulle, le simple fait d’attirer l’attention sur les problèmes des garçons et des hommes peut être perçu comme une manière de minimiser les défis permanents auxquels sont confrontées les filles et les femmes. […] De nombreux hommes américains ont l’impression que leurs préoccupations – en matière de santé mentale, d’éducation, de travail et de vie familiale – ne sont pas suffisamment prises au sérieux [par la classe politique]. Et ils n’ont pas tout à fait tort… » Importance du taux de suicide, décrochage scolaire, stagnation des revenus des ouvriers masculins, etc.

« Alors que les jeunes femmes se sentent concernées par un large éventail de questions, allant de l’environnement aux droits reproductifs, les jeunes hommes ne sont tout simplement pas aussi engagés. […] En plus de se tourner vers la droite, les jeunes hommes se détournent complètement de la politique. Ce n’est pas surprenant lorsque la gauche progressiste offre un silence retentissant sur les questions masculines et que la droite réactionnaire propose une rhétorique enflammée mais pas de véritables solutions. Désenchantés, beaucoup se contentent de hausser les épaules. » (traduit avec Deepl.com, notre emphase).

« Dans une société, on vote des projets de loi, on forge des politiques publiques, alors ça peut devenir très compliqué si on est trop divisés pour se parler. On a besoin de rester en lien les uns avec les autres, même si on ne pense pas tous de la même manière, afin de dégager assez de consensus pour vivre et utiliser nos ressources ensemble. »
(Pre Valérie-Anne Mahéo, Université Laval)

Dans plusieurs articles passés de L’éveilleur, nous avons évoqué l’importance de réintroduire les débats contradictoires en salle de classe afin de réapprendre aux jeunes générations l’art des désaccords constructifs. De telles divisions au sein des jeunes d’une même génération nous apparaissent militer encore davantage en ce sens.

Sources:
Proulx, Marie-Hélène (29 janvier 2025), Politique : les femmes d’un bord, les hommes de l’autre, L’actualité, Montréal.

Reeves, Richard V. (6 avril 2024), The Global Gender Divide We Really Should Be Talking About, Time Magazine, New York City.

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Jean-Sébastien Dubé

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