C’est ce que je retiens principalement de cette intéressante entrevue que m’a signalé Sonia et que le professeur Marcel Lebrun de l’Université catholique de Louvain a accordé à Sophie Blitman du Educpros.fr.
Pour Lebrun, avec le numérique le savoir est désormais externalisé; « disponible au bout des pouces», dira-t-il. De ce fait,
« Le fait que la plupart des ressources soient disponibles sur Internet modifie les rôles de l’enseignant et de l’étudiant, entre lesquels les frontières s’estompent : en allant chercher des informations autour de lui, dans la société, l’étudiant acquiert un savoir que l’enseignant n’a pas forcément, ce qui place celui-ci dans une position d’apprenant. Voilà pour moi le vrai sens de “l’apprentissage tout au long de la vie”, que l’on confond trop souvent avec la seule formation continue.» (Blitman, 2014; emphases dans le texte original)
Le temps et l’espace mental libérés parce qu’on n’a plus à enseigner de faits, permet de mettre l’accent sur les compétences transversales que Lebrun qualifie aussi de « démultiplicatrices: rechercher de l’information, s’organiser en équipe, communiquer le résultat de son travail, conduire des débats, interagir sur les réseaux sociaux… Apprendre à apprendre en somme.
Les manières d’enseigner doivent aussi changer: le pédagogue évoque l’apprentissage collaboratif, l’évaluation par les pairs, la classe inversée. Pour lui, « Evoluer est une nécessité car le cours magistral a vécu. Les étudiants ne viennent plus pour écouter quelqu’un.» (Blitman, 2014) Pourtant, on continue à former les futurs maîtres en amphithéâtres, incohérence que souligne Lebrun. De même, le modèle des xMOOC – essentiellement transmissif – ne lui semble pas particulièrement innovateur.
Enfin, Lebrun insiste sur le fait que d’ajouter des outils technologiques à l’enseignement sans avoir une profonde réflexion sur ce qu’on veut en faire ne nous fera pas beaucoup avancer: « Si l’on dote les étudiants d’outils numériques sans leur donner les moyens de leur émancipation, on risque d’évoluer vers une société où l’humain se demandera où est sa place. » (Blitman, 2014; emphases dans le texte original)
Source: Blitman, Sophie, « Marcel Lebrun : “L’écart entre collaboration et aliénation numérique est étroit”», Educpros.fr, 26 novembre 2014