Je prends connaissance des résultats d’un sondage effectué le 19 mai dernier par le groupe EDUCAUSE sur le thème en titre. Les répondants, membres de diverses communautés virtuelles affiliées au service, représentaient 142 institutions d’enseignement universitaire à travers le monde, dont une majorité d’institutions américaines, mais aussi des représentants d’Australie, du Canada, de l’Équateur, de la Finlande, de la France, du Japon et du Qatar.
Dans ce sondage, on souligne d’entrée de jeu que la pandémie a forcé les universités à prendre un virage rapide afin d’adapter leur offre de formation à de l’enseignement dispensé à distance. L’ingéniosité démontrée par les institutions pour faire rapidement la transition ne fait pas de doute. Par contre, cela ne veut pas dire que cette transition s’est effectuée sans heurts. Certains choix ont dû se faire dans l’urgence et sans nécessairement baser la prise de décision sur l’analyse rigoureuse des données disponibles.
En préparation de la rentrée de l’automne qui se pointe à l’horizon, l’analytique des données se présente comme une solution intéressante pour aider à mieux informer les directions d’établissements ainsi que les responsables de programmes et ainsi orienter les choix à faire, notamment en ce qui concerne les besoins en termes d’outils à privilégier. Elles pourraient aussi orienter les choix en termes de soutien et de formation à l’utilisation des technologies mises à la disposition des enseignantes et enseignants, ainsi que des étudiantes et étudiants qui doivent composer avec cette nouvelle réalité. D’ailleurs, les domaines où la demande pour l’analyse des données a le plus augmenté seraient plus généralement l’utilisation des différentes technologies, ainsi que le contenu et la conception des cours dans les environnements numériques d’apprentissage (ENA).
Paradoxalement, la gestion de la réussite des étudiantes et étudiants pendant la pandémie pouvait entrer en conflit avec la protection de leur vie privée: les personnes interrogées ont indiqué un intérêt accru de la part de certaines facultés pour avoir accès à des données ciblées – un accès qui pourrait sortir du cadre des politiques institutionnelles existantes en matière de protection de la vie privée. Ces éléments de données comprennent des informations d’identification personnelle, la recherche de contacts, le comportement des professeures et professeurs, ainsi que les données de géolocalisation.
Dès lors, la question de l’utilisation éthique des données en lien avec les intentions pédagogiques devient un enjeux majeur. Quel exemple donnons-nous aux étudiantes et étudiants lorsque nous portons atteinte à leur vie privée en suivant leur activité pas à pas dans différents systèmes mis à leur disposition et ce, même avec l’objectif d’optimiser la livraison de leur formation? L’analytique des apprentissages laissée entre les mains d’intervenantes et d’intervenants qui ne sont pas bien formés à son usage peut s’avérer hasardeuse. A priori, les données devraient parler d’elles-même et servir à informer sur les possibilités d’actions à prendre.
Face aux besoins croissants en matière de données et aux préoccupations éthiques reliées, les professionnelles et professionnels de l’analyse doivent faire partie du processus décisionnel au niveau stratégique dans leurs institutions respectives. Comme l’a fait remarquer avec éloquence l’un des répondants…
[This emergency] may set the standard for using analytics in higher education decision-making; it is therefore important we all help set the appropriate standards.
À lire!
Source: Kim Arnold, Linda Feng, Marcia Ham et Andy Miller. EDUCAUSE COVID-19 QuickPoll Results: Student Success Analytics. EDUCAUSE Review, 28 mai 2020.