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Plaidoyer pour des cours interdisciplinaires permettant des « vues d’ensemble »

Puzzle of Complexity

Le professeur d’histoire Steven Mintz dont nous apprécions le blogue « Higher Ed Gamma » depuis plusieurs années se livre à une longue apologie d’un type d’activité pédagogique peu usité.  Il évoque l’idée de cours interdisciplinaires thématiques « abordant des questions importantes sur une large période de temps ».  Approchant sa retraite de l’enseignement universitaire, Mintz offrira bientôt trois cours de ce type, dont il précise les contenus en détails dans son article:

  • L’histoire de la vie privée (History of Private Life),
  • Le libéralisme et ses opposants (Liberalism and Its Enemies), et
  • Le développement des sensibilités modernes (The Making of Modern Sensibilities).

« Chaque cours utilisera largement des textes fondamentaux (primary texts) et se concentrera sur les changements de valeurs, d’émotions, de comportements et de perspectives au fil du temps », explique-t-il  (traduit avec DeepL.com).

Mintz admet s’être inspiré d’écoles d’été de deux semaines offertes à la fin des années 1990 et au début des années 2000 à propos de l’esclavage.  Ces cours s’attardaient davantage sur l’histoire de ce phénomène dans l’antiquité classique et le monde non occidental que sur l’esclavage américain d’avant la guerre civile.  Réunissant divers conférenciers invités, « [c]es séminaires abordait l’esclavage sous un angle très large, intégrant des perspectives anthropologiques, démographiques, ethnographiques, littéraires, médicales, psychologiques et sociologiques. Ils ont également accordé une attention particulière au genre, à la sexualité et au travail. » (traduit avec DeepL.com, puis ajusté)

Le professeur Mintz suggère d’autres thèmes qui pourraient faire l’objet de tels cours offrant des « vues d’ensemble »: l’histoire mondiale des pandémies, les causes et les conséquences de la guerre depuis l’Antiquité jusqu’à nos jours, la mobilité humaine à travers les siècles ou les origines et la persistance des inégalités.  Il déplore que plusieurs sujets qui bénéficieraient d’approches interdisciplinaires ne soient pas davantage enseignés: les distorsions cognitives, les sophismes logiques et les préjugés inconscients ; la prise de décision éthique dans des contextes complexes ; la narration, le récit et le design dans toutes les disciplines ; la pensée systémique ; les méthodes de recherche transdisciplinaires; de même que pour des sujets spécialisés comme les études sur l’Anthropocène, la science de la complexité, les études sur les catastrophes, les humanités environnementales, les études sur le futur, l’interaction homme-machine et la communication scientifique.

Briser les silos

« Contrairement à un cours de survol universitaire classique, un cours « vue d’ensemble » ne se limite pas à un seul domaine d’étude. Il franchit intentionnellement les frontières qui réduisent souvent notre vision, qu’elles soient disciplinaires, géographiques, méthodologiques ou temporelles.  Ces cours offrent aux personnes étudiantes la possibilité de s’attaquer à des questions profondes qui transcendent les cultures, les domaines académiques et les époques. Ils offrent une perspective comparative sur les forces qui ont façonné le monde moderne, afin d’aider les personnes étudiantes à percevoir l’interconnexion de différentes traditions intellectuelles et la pertinence des idées historiques et des théories universitaires relativement aux questions contemporaines. […]  Il s’agit du type de cours qui non seulement offre une perspective globale, mais fournit également aux personnes étudiantes les outils nécessaires pour comprendre et naviguer à travers les complexités de notre monde interconnecté. » (traduit avec DeepL.com, puis ajusté)

Bien conscient des défis que présentent de tels cours, Mintz répond à plusieurs arguments souvent évoqués pour ne pas les offrir…

  1. La plupart des membres du personnel enseignant n’ont pas l’expertise nécessaire pour enseigner ce type de cours: de tels cours visent à aborder de grands thèmes ou de grandes questions et ne demandent donc pas d’expertise dans un domaine spécifique. « L’objectif est d’initier les personnes étudiantse aux grandes idées, en s’appuyant sur les points forts de la personne enseignante et en les complétant par des lectures soigneusement choisies. »
  2. La plupart des personnes étudiantes de premier cycle n’ont pas les connaissances de base nécessaires pour bénéficier de ce type de cours: Il s’agit surtout de stimuler la curiosité des personnes étudiantes. « Même sans connaissances approfondies, ces thèmes généraux peuvent motiver les personnes étudiantes à s’engager et à apprendre davantage. »  Mintz se souvient de sa frustration en tant qu’étudiant du « manque de vues d’ensemble de haut niveau et de formation interdisciplinaire dont [il] avai[t] profondément besoin ». En outre, explique-t-il, « les cours généraux peuvent servir de point d’entrée ou de complément à des cours plus spécialisés. »
  3. Ces cours sont trop superficiels pour être utiles: « La profondeur […] peut également [être atteinte par] l’exploration des implications profondes de thèmes plus larges. […] L’objectif est de comprendre les liens, les tendances et les changements au fil du temps, ce qui peut être profondément significatif. En mettant l’accent sur la pensée critique, la synthèse et la capacité à établir des liens entre différents domaines de connaissance, ces cours développent des compétences essentielles pour une éducation équilibrée. »  Pour lui, « [l]es cours à vues d’ensemble favorisent la flexibilité cognitive en encourageant les personnes étudiantes à penser au-delà des disciplines et des périodes de temps. Cette compétence précieuse renforce leur capacité à innover et à s’adapter, même dans des domaines spécialisés. »
  4. Les étudiants bénéficieraient davantage de cours étroitement ciblés, dispensés par des experts de leur domaine: De tels cours ne s’opposent pas à des cours plus spécialisés. « …[I]ls les complètent plutôt en fournissant un contexte et un cadre plus large dans lequel les étudiants peuvent situer les connaissances spécialisées […]. Dans un monde de plus en plus interconnecté, il est essentiel de comprendre le contexte général. »

Pour Steven Mintz, les universités doivent offrir ce genre de cours qui permettent des « vues d’ensemble ».  Il les considère essentiels afin de donner aux personnes étudiantes une compréhension holistique de problèmes complexes, comme ceux auxquels font face nos sociétés modernes. « Ces cours offrent un antidote à la fragmentation des connaissances dans l’éducation moderne, permettant aux personnes étudiantes de relier divers domaines et d’acquérir une compréhension globale des sujets qui ont un impact sur notre monde dans différents contextes. » (traduit avec DeepL.com)

Source: Mintz, Steven (21 octobre 2024), Breaking Free From Silos – The Case for Big Picture Classes in Higher Education, blogue Higher Ed Gamma, Inside Higher Ed.

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

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