En septembre dernier, Affaires universitaires publiait une lettre d’opinion de la professeure Lynn Bosetti de la UBC qui faisait état de ses travaux de recherche sur l’incivilité en milieu de travail universitaire avec son collègue le professeur Try Heffernan de l’Université La Trobe en Australie. Ils ont mené une enquête auprès de 20 doyens d’universités australiennes.
« Nous ne nous attendions pas à l’ampleur de l’intimidation et de l’incivilité provenant de leurs collègues professeurs qui ont été rapportées, ni au poids mental et émotionnel qu’elles occupaient dans leur esprit. Pas moins de 80 % d’entre eux ont déclaré être régulièrement la cible d’« intimidateurs intelligents », ce qui accentue encore davantage la charge émotionnelle du travail administratif. »
– professeure Lynn Bosetti
Au cours de ces dernières années, nous avons présenté plusieurs dépêches touchant aux exigences de la tâche professorale au niveau de la santé mentale, qu’il s’agisse d’anxiété chez les personnes enseignantes, de difficultés à conjuguer carrière universitaire et parentalité ou d’abus interpersonnels camouflés sous prétexte de liberté académique…
« Les doyens qui affrontent les agresseurs risquent de provoquer des débats sur la liberté universitaire. Ils hésitent à faire appel à l’administration supérieure, de peur d’être considérés comme faibles et incompétents. La plupart d’entre eux souffrent en silence, incapables de discipliner leurs subordonnés pour des comportements qui ne violent pas techniquement les codes de conduite. »
D’après la professeure Bosetti, « [l]’incivilité peut côtoyer l’intimidation, mais elle est plus insidieuse, car elle se manifeste dans les interactions quotidiennes. Ces types de comportements sont reconnus comme faisant partie de la majorité des lieux de travail, ce qui rend l’incivilité difficile à catégoriser et à combattre par des politiques. »
« Combien de fois sommes-nous restés mal à l’aise devant des échanges entre collègues se transformant en attaques personnelles virulentes et en agressions improductives? Plutôt que de dénoncer cette conduite inappropriée, nous la tolérons, voire la sanctionnons par notre silence. Par notre inaction, nous permettons à une culture toxique de se développer », demande-t-elle.
Bosetti et Heffernan formulent les recommandations suivantes pour lutter contre cette culture de l’incivilité:
- Les dirigeants universitaires doivent élever au rang de priorité le fait de privilégier une culture organisationnelle sûre et respectueuse…
- Pour être efficaces, les politiques doivent avoir une règle de tolérance zéro, sans exception…
- Les professeurs, les employés et les étudiants doivent connaître les politiques et les normes de respect au travail pour qu’elles s’intègrent ensuite aux normes culturelles…
- Les enquêtes d’opinion des employés sur leurs conditions de travail et la culture organisationnelle doivent être considérées avec le même sérieux qui est accordé aux évaluations de l’enseignement par les étudiants…
Source: Bosetti, Lynn, « L’incivilité est la nouvelle forme d’intimidation dans le milieu de l’enseignement supérieur », Affaires universitaires, 21 septembre 2021