Pédagogique

Rendre l’apprentissage ardu pour le favoriser… Où faut-il s’arrêter?

Je résumais en 2012 un article abordant le concept de cognitive disfluency, qui consiste à augmenter le niveau de difficulté de consulter une source d’information, dans le but que les apprenants soient forcés de se concentrer davantage pour comprendre l’information fournie. La perception de difficulté de la tâche entraînerait un traitement de l’information plus en profondeur, même si la difficulté n’est pas inhérente à l’information présentée, mais plutôt à sa forme.

Il semble que le concept ait été proposé en 2007 par les chercheurs Alter et Oppenheimer avec le concours de collègues (Alter et. al. 2007. Overcoming intuition: Metacognitive difficulty activates analytic reasoning. Journal of experimental psychology, 136, 569-576.), puis développé dans d’autres articles.

Une façon de faire toute simple pour susciter le disfluency effect est de présenter un texte dans une police, ou couleur ou un style de caractères dont la lisibilité laisse à désirer. Le texte lui-même n’est pas changé, donc pas plus difficile à comprendre. Mais parce qu’il est difficile à lire, l’attention plus grande que l’on doit porter à sa lecture améliore l’apprentissage.

Dans les dernières années, de nombreux articles ont rapporté des résultats contradictoires quand à l’effet de disfluency : tantôt fort, tantôt faible, ou nul, voire même inverse (apprentissage réduit). Un numéro spécial de Metacognititon and Learning en avril 2016 portait d’ailleurs exclusivement sur le disfluency et démontrait encore une fois des résultats contradictoires.

Une étude originale publiée en août 2016 s’est intéressée à l’impact du niveau de disfluency comme explication de ces résultats variés. L’hypothèse est que l’effet varie selon le niveau de disfluency induit : pas assez de disfluency et l’effet n’est pas provoqué; trop de disfluency et la difficulté supplémentaire finit par entraver la compréhension. Il faut donc trouver le juste milieu.

Bien que les auteurs admettent certaines limites de leur étude appelant à une certaine prudence et à répliquer les expériences dans des conditions expérimentales améliorées, les résultats confirment une partie de leur hypothèse : trop ou pas assez de disfluency a l’effet prévu, mais « juste assez » de disfluency n’a pas permis d’obtenir de meilleures performances que le groupe contrôle.

Bref, un sujet qui demande encore de la recherche supplémentaire avant de se traduire en recommandations claires…

Source

Seufert, Tina, Wagner, Felix, & Westphal, Julia. (2016). The effects of different levels of disfluency on learning outcomes and cognitive load. Instructional Science, 1-18. doi:10.1007/s11251-016-9387-8

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