Nés après 2010, les Alpha auront 20 ans en 2030. Ils n’entreront donc pas tout de suite à l’université, mais il peut être intéressant de commencer à mieux les connaître. Si l’on a l’impression que les étudiants actuels sont davantage anxieux que ceux d’avant, cela ne semble pas sur le point de changer… “ils sont aussi nés dans un contexte d’insécurité et de crise économique qui génère une anxiété transmise par leurs parents” (2018b), explique Wided Batat, docteure et professeure-chercheure en marketing, fondatrice de B&C Consulting Group. De même pour Rémy Oudghiri:
” La principale caractéristique de cette génération, c’est qu’elle vit dans un monde sans utopie. La dernière en date était celle d’Internet avec l’utopie du ” village global ” , mais la génération Alpha est en rupture avec la génération précédente sur ce point” […]. Ils ne font pas de projection, ils sont pragmatiques, veulent du concret et leur philosophie est celle du “Ici et maintenant”.
Par extension, ils veulent des signes concrets et dans leur rapport aux marques, des résultats, de la transparence et des réponses rapides à leurs attentes. Leur rapport au monde est sérieux. “À eux de sauver la planète et de réparer le monde, générant une certaine dystopie […]. D’ailleurs, ces jeunes incitent les marques iconiques à changer, comme McDo et Coca-Cola qui ont lancé sur le marché des gammes de produits plus responsables. Le défi des marques pour les séduire sera de les aider à inventer une nouvelle utopie” (Rémy Oudghiri. sociologue, DG adjoint du cabinet Sociovision, cité dans Levin, 2018a; emphases dans l’original)
On peut penser qu’ils voudront donc une université qui leur permet de se rêver dans l’avenir, tout en offrant encore des expériences très pratiques. Mais encore faudra-t-il capter leur intérêt: “…[L]a difficulté consiste à les toucher et à les engager. Le problème émergeant en termes de relation client est celui de la pénurie d’attention. Ils sont moins sensibles aux messages publicitaires classiques, ils veulent des messages plus courts, plus incisifs et plus personnalisés. ” (Lanvin, 2018a; notre emphase).
Par ailleurs, la communication s’effectue désormais essentiellement par messageries et assistants vocaux: “...[C]es jeunes […] ont délaissé les échanges par mails, jugés par assez interactifs, les applications sont bien plus que des plateformes conversationnelles. Elles intègrent des infos et notifications en temps réel. Largement adoptés, WhatsApp et Facebook Messenger ont progressé deux fois plus vite que la plateforme principale de Facebook….” Ils sont très friands d’avis des autres avant de faire des choix et fréquenteront beaucoup les espaces virtuels où ils peuvent obtenir cette validation:
Quel est le sens de ces nouveaux modes de communication? C’est la recherche de l’authenticité, de l’honnêteté et de la personnalisation du conseil. Cela n’empêche pas l’automatisation de certains échanges simples, mais il faut de l’humain sur la dimension conseil. (Levin, 2018a)
Toutefois, ils seront très fidèles lorsqu’ils adoptent une marque, un produit et (on peut le penser) une institution universitaire:
“…Est-ce que la marque est cool et parle mon langage? C’est un critère de jugement sur la sympathie et la proximité qu’elle peut susciter. Les jeunes consommateurs soutiennent une marque, si elle est transparente dans sa communication et si elle instaure une sorte de connivence. […] À partir du moment où ils font confiance à une marque, ils se considèrent comme un membre de la famille, un allié. Ils ont une approche émotionnelle de la marque – leur meilleure amie – et non rationnelle. Du coup, toute déception est amplifiée. Une fake news concernant la marque sur les réseaux sociaux peut les déstabiliser et il se sentent trahis.” (Wided Batat, citée dans Levin, 2018b)
Paradoxalement, les technologies leur permettent d’avoir un lien plus concret avec le réel. On peut penser que la formation hybride (ex: classe inversée) a encore de bonnes années devant elle :
“…[U]n pied dans le réel et un pied dans le virtuel. Ils veulent vivre la même expérience de marque sur le net et en boutique. En magasin [en classe?], le jeune doit se sentir comme chez lui pour revenir avec des amis. […]Les technologies doivent permettre de dépasser l’aspect fonctionnel et social pour offrir une dimension plus expérientielle, créative et immersive grâce par exemple à la réalité augmentée. […]
“Il faut les éduquer à l’usage des données. Ils sont naturellement méfiants, mais ils recherchent une popularité sur le web et donc vont devoir s’exposer. Ils adorent poster leurs vidéos sur Youtube, par exemple. L’usage de la data [sic] devrait être une matière enseignée dans les écoles. Et au-delà, cela doit être un échange inter-générationnel.” (Wided Batat, citée dans Levin, 2018b)
Des réactions à ces articles n’ont pas manqué de souligner que les divers traits de personnalité évoqués pour les Alpha ressemblent étrangement à ceux de générations précédentes. Wided Batat met d’ailleurs en garde: “Les marques doivent prendre le temps d’étudier les jeunes en profondeur dans leur culture de consommation et non pas dans leur tranche d’âge. Cette segmentation n’est plus valide car elle engendre de la myopie segmentationnelle.” (2018b)
Sources:
Levin, Marie-Juliette, “Les Alpha : une génération à ré-enchanter“, RelationClientmag.fr, 20 juin 2018a
Levin, Marie-Juliette, “La génération Alpha met l’expérience et l’émotion au coeur de sa consommation“, RelationClientmag.fr, 20 juin 2018b