Les nombreux mouvements de personnel autour de moi m’ont amené à me demander si le phénomène appelé aux États-Unis The Great Resignation n’aurait pas également affecté l’enseignement supérieur…
Quelques chiffres offerts par le quotidien britannique The Guardian en début d’année permettent de mieux comprendre l’ampleur de la situation aux États-Unis à la fin novembre 2021:
- Il y avait alors 10.6 millions d’emplois disponibles.
- 6.9 millions de personnes étaient sans emploi.
- On comptait donc 1.5 emploi par personne disponible.
- Le nombre de personnes démissionnaires avait atteint le record de 4.5 millions.
Pour expliquer cet exode, la presse a fait grand cas d’employés des secteurs tertiaires qui souffraient d’épuisement professionnel ou de personnes plus âgées prenant avantage d’un marché boursier haussier et optant pour des retraites anticipés (par exemple dans cet article du journal Les échos). Le Guardian indique toutefois que les raisons de quitter son emploi seraient plus variées. Les raisons principales de démissionner seraient…
- Le manque de services de garde adéquats,
- Les inquiétudes concernant la santé associées à la Covid (exacerbées par l’apparition du variant Omicron),
- La recherche de meilleures opportunités de travail,
- Le désir de se lancer à son compte,
- L’espoir d’un salaire plus élevé.
Ce phénomène toucherait notamment les femmes mères de famille, obligées d’assurer la garde d’enfants malades ou contraints à la maison par les fermetures d’écoles épisodiques:
« Mothers with college degrees and telework-compatible jobs were more likely to exit the labor force and more likely to be on leave than women without children. [Misty Heggeness, an economist at the US Census Bureau] also found that teachers are most likely to leave the labor force as compared to their counterparts in other industries. » (Kamal, 2022)
Enfin, le Guardian mentionne que les secteurs économiques les plus affectés par les démissions massives restent les loisirs et l’hôtellerie, la vente au détail et les soins de santé.
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Dans le contexte mouvant du travail en situation d’urgence sanitaire, Caroline Menard et Stéphane Rochereau de Brio Boutique de management interpellent les gestionnaires quant à la « complexification de l’environnement de travail » (désormais en présence ET à distance) et au besoin criant de « mobiliser les équipes afin d’encourager l’appartenance à l’organisation dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre » (notre emphase).
Selon eux, « Ceux qui croient que la pandémie a entraîné une transformation dans les milieux de travail n’ont pas un portrait tout à fait juste de la situation : le mouvement était en effet déjà en branle bien avant cela, la crise sanitaire n’ayant fait qu’accélérer les choses. » « La crise actuelle a servi de catalyseur pour accélérer un processus de transformation, autant pour les gens que pour les organisations. »
« On commençait à parler d’empathie avant la pandémie; aujourd’hui, ça fait partie intégrante du futur du travail », ajoute-t-elle. Pour répondre « à des besoins de culture, mais aussi à des besoins fondamentaux des humains tout en conciliant la vie de famille » (Ludmilla Manson, directrice en chef, Gestion du changement organisationnel, à Investissements PSP)
Menard et Rochereau sont d’avis qu’il faut désormais des leaders capables…
- « d’insuffler une direction claire et ambitieuse, porteuse de sens, qui fera évoluer les approches stratégiques »;
- de « mobiliser le potentiel autour du changement en se concentrant sur les aspects humains de la transformation, afin de susciter l’engagement des équipes »;
- de « transformer l’action, pour se doter de moyens de mettre en œuvre la transformation et le renouvellement en continu des pratiques ainsi que des modes de fonctionnement ».
Les organisations comme les employés se questionnent sur leur raison d’être. « La pandémie a amené nos employés à se poser beaucoup de questions fondamentales, comme : “pourquoi je me lève chaque matin?” » expose Ludmilla Manson. Le lieu de travail ne doit alors pas être simplement un lieu de travail, «mais aussi un lieu où la spontanéité a toute sa valeur».
Pour y arriver, il faut faire de son entreprise [ou de son institution] un lieu qui donne l’occasion à chacun d’exprimer son unicité, de mettre à contribution ses forces, et qui invite ainsi à donner le meilleur de soi-même. En d’autres mots : rassembler les employés autour d’une mission collective inspirante, soutenue par une culture forte.
Mais qu’en est-il du milieu spécifique de l’enseignement supérieur?
Ray Schroeder est Senior Fellow de la University Professional and Continuing Education Association (UPCEA) et professeur émérite (Senior Fellow) pour la formation en ligne à l’Université de l’Illinois à Springfield (UIS). Ayant lui-même supervisé, dirigé et développé des équipes en enseignement supérieur pendant près de 50 ans, il réfléchit aux causes de la Grande démission…
…[I]t appears that many workers realize that they want more than money out of their careers. We have known that for a long time in higher education. On average, our salaries at universities are somewhat lower than most of business and industry. Yet many workers happily forgo the extra money for the knowledge that they are making a difference in the lives of students, in the well-being of society and in the advancement of knowledge.
Il évoque une étude où la satisfaction au travail permettrait une amélioration de la productivité jusqu’à 12 %, alors que l’insatisfaction pourrait résulter en une baisse de productivité allant jusqu’à 10 %. Il prodigue les conseils suivants aux gestionnaires du milieu universitaire:
- N’engagez pas le CV, mais plutôt la personne. « Les employés peuvent acquérir beaucoup plus facilement des connaissances que des valeurs personnelles et des motivations intrinsèques. »
- Écoutez davantage ; professez moins. « Au lieu de répéter sans cesse aux membres du personnel comment faire quelque chose, ou pourquoi le faire, laissez vos actions parler plus fort que les mots. »
- N’oubliez pas que la diversité est la source de l’innovation et de la croissance. « Les perspectives supplémentaires apportent de nouvelles idées et la compréhension de nouveaux marchés, tant pour la recherche que pour les services. »
- Encouragez et faites progresser ceux que vous supervisez. « J’ai toujours partagé les enquêtes annuelles sur les salaires et les offres d’emploi avec les membres du personnel pour leur rappeler leur valeur et les possibilités qui s’offrent à eux.»
- Le développement professionnel chaque mois de chaque année est essentiel. « Investissez dans votre équipe à chaque occasion. Les conférences, les certificats, le temps consacré à des intérêts secondaires et autres sont autant de moyens de soutenir l’avancement de l’équipe. »
- N’oubliez pas que vous faites partie d’une équipe. « Personne n’a le monopole des bonnes idées. Être superviseur ne vous rend pas “plus égal” que ceux que vous supervisez. Nous faisons tous partie de la même équipe, avec des objectifs communs, et nous devons nous soutenir mutuellement de toutes les manières possibles. »
Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite)
Sources:
Kamal, Rashida, « Quitting is just half the story: the truth behind the ‘Great Resignation’ », The Guardian, 6 janvier 2022
Le Billon, Véronique, « La « Grande Démission », le mouvement qui inquiète aux Etats-Unis », Les échos, 21 octobre 2021
Menard, Caroline et Stéphane Rochereau, « Leaders, êtes-vous prêts à affronter le futur du travail? », Gestion-HEC Montréal, 19 janvier 2022
Menard, Caroline et Stéphane Rochereau, « Le futur du travail est déjà là », Gestion-HEC Montréal, 22 décembre 2021
Schroeder, Ray, « Leadership in the Time of the Great Resignation », Inside Higher Ed, 14 janvier 2022