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Visioconférence, un moindre mal environnemental ?

Nos usages numériques ont fortement progressé depuis l’arrivée de la pandémie dans nos vies il y a 12 mois. Nos heures en visioconférence se sont démultipliées, entre autres pour réaliser nos formations à distance. À quel point devons-nous nous inquiéter des impacts environnementaux de ces nouvelles pratiques ?

Une réponse possible est celle véhiculée par La Presse, le dimanche 21 février 2021, dans un article au sous-titre sensationnaliste : « Vidéoconférences polluantes ». Ce court texte synthétise les résultats d’un article scientifique paru dans « Resources, Conservation & Recycling[1] » : « The overlooked environmental footprint of increasing Internet use ». Cette recherche offre des références récentes sur les impacts environnementaux de quelques usages numériques[2] et met en particulier l’accent sur :

  • l’importance d’élargir l’étude des impacts environnementaux du numérique au-delà de la seule empreinte carbone, en particulier en incluant les impacts en termes d’usage des terres et de l’eau,
  • la réduction possible des impacts environnementaux par des décisions technologiques collectives et individuelles (exemple : diminuer la qualité d’image d’un visionnement sur Netlfix d’élevée à standard réduit de 86 % les impacts environnementaux).

Les questionnements sur les impacts environnementaux des outils numériques et des technologies de l’information et de la communication (TIC) ne datent pas d’hier. Des collègues publiaient déjà dans L’éveilleur sur ces sujets en 2010[3],  2011[4][5], 2015[6] et 2019[7].

Bien évidemment, la progression des usages numériques en 2020 fut significative :

  • 63 % des adultes québécois ont reconnu passer plus de temps devant les écrans consécutivement à la pandémie, 93 % des adultes québécois déclarant avoir eu un usage quotidien d’internet, en progression de 8 % par rapport à 2019[8];
  • les Français ont passé 15 % d’heures supplémentaires sur le web en 2020 par rapport à 2019[9];
  • le nombre d’usagers de l’application de visioconférence Zoom est passé de 10 à 200 millions entre décembre 2019 et mars 2020[10].

Comparer les impacts créés et ceux éliminés

Pour autant, s’il est essentiel d’avoir des réflexions dès maintenant pour limiter au maximum les impacts environnementaux de cette croissance numérique appelée à se poursuivre[11], il est également crucial de comparer les impacts environnementaux qui sont évités par ces mêmes usages numériques. Dans mon cas,

  • je pourrais faire approximativement 174 h de visioconférence avant d’équivaloir aux émissions de gaz à effet de serre des 130 km nécessaires pour aller faire ma journée de travail à l’Université en voiture et revenir chez moi[12]
  • je pourrais passer approximativement 330 jours en visioconférence sans aucune interruption avant d’équivaloir aux émissions de gaz à effet de serre des 11000 km aller-retour en avion nécessaires pour participer à un congrès scientifique à Paris[13].

Conséquence des confinements, la baisse des émissions mondiales de CO2 dues au secteur des transports explique d’ailleurs, pour la plus grande part, la baisse des émissions mondiales en 2020 de 7 %[14]. En incluant les transports évités, mais également les bâtiments qu’ils n’auraient pas à construire, l’Arizona State University estimait qu’un accès amélioré à ses diplômes par la formation à distance permettrait de réduire les émissions de CO2 de 30 tonnes,comme le rapportait Marc Couture en 2015[15].

Répondre au besoin de se voir

Il peut être pertinent de ne pas systématiquement avoir toutes les caméras allumées lors d’une conférence en visioconférence et ainsi diminuer considérablement nos impacts environnementaux (une baisse potentielle de 96 % selon l’article de « Resources, Conservation & Recycling »). Par contre, comme l’ont justement partagé des enseignants du Cégep Édouard-Montpetit dans cette vidéo, les caméras sont des alliées cruciales pour des relations pédagogiques significatives et la réussite de nos étudiants lors de formations à distance. Dépasser les effets médiatiques pour se questionner sur l’équilibre délicat entre les impacts humains et les impacts environnementaux de nos choix technologiques demeure assurément d’une grande actualité.


[1] Accessible via le Service des bibliothèque et archives de l’Université

[2] Visionnement de vidéos en continu (streaming), visioconférence, médias sociaux, messagerie, jeux vidéo et autres navigations

[3] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/3099/telepresence-ou-videoconference/

[4] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/8741/benefices-de-la-visioconference-a-montpellier/

[5] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/9425/vert-pale-ou-vert-fonce-limpact-environnemental-des-tic/

[6] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/21209/la-formation-en-ligne-permettrait-lappui-au-developpement-durable/

[7] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/33639/lempreinte-carbone-de-la-video-en-ligne/

[8] https://transformation-numerique.ulaval.ca/wp-content/uploads/2020/12/netendances-2020-portrait-numerique-des-foyers-quebecois.pdf

[9] https://www.mediametrie.fr/sites/default/files/2021-02/2021%2002%2017%20CP%20Ann%C3%A9e%20Internet%202020.pdf

[10] https://blog.zoom.us/a-message-to-our-users/

[11] En juin 2020, un rapport du Sénat français estimait la croissance à 60 % d’ici 2040 si rien n’est fait pour la limiter.

[12] Calculer avec l’outil du Fonds d’Action québécois pour le développement durable et les données présentées dans l’article de « Resources, Conservation & Recycling »

[13] Idem.

[14] https://www.globalcarbonproject.org/carbonbudget/20/files/France_LSCE_GCB2020.pdf

[15] https://leveilleur.espaceweb.usherbrooke.ca/21209/la-formation-en-ligne-permettrait-lappui-au-developpement-durable/

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Serge Piché

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