La translittératie, abordée à deux reprises dans l’Éveilleur (ici et ici) se définit en trois cultures de l’information auxquelles se rattachent trois formes de littératie et de compétences :
- info-média : littératie médiatique et compétences éditoriales,
- info-doc : littératie informationnelle et compétences organisationnelles,
- info-data : littératie informatique et compétences opératoires.
Le projet TRANSLIT de l’Agence nationale de la recherche (ANR) vient de faire publier chez Routledge Public Policies in Media and Information Literacy in Europe, un ouvrage qui a analysé les politiques publiques en éducation aux médias (EMI) dans 28 pays de l’Union européenne (EU) selon les quatre dimensions-clés de la gouvernance d’internet :
- la définition et son périmètre (notions et valeurs)
- le secteur public et les outils de la mise en œuvre (documents-cadres, procédures de décision)
- le système scolaire et ses ressources, formations, budgets et évaluations (programmes)
- les acteurs en dehors du système scolaire, avec leurs initiatives et bonnes pratiques (processus multi-acteurs).
Les auteurs du livre identifient trois positions que peut prendre le secteur public :
- développement, cadre politique fort et complet, avec schéma de gouvernance assumé où l’état est moteur de la coordination et de la mise en œuvre;
- délégation, cadre politique permettant un certain nombre de stratégies mixtes, avec un soutien possible qui permet aux autres acteurs (secteur associatif, ONG…) de mettre en œuvre des activités (avec un financement restreint);
- désengagement, cadre politique limité, peu impliqué, surtout en ce qui concerne la mise en œuvre des actions et les autres acteurs sont souvent laissés à leurs propres initiatives en matière de compétences médiatiques et numériques.
L’étude révèle une grande hétérogénéité dans les politiques des 26 pays, ce qui met en évidence des tensions à prendre en compte afin de mieux mettre en œuvre une logique de gouvernance multi-acteurs en démocratie :
- définition étroite vs définition large
- intervention vs désengagement
- centralisation vs régionalisation
- subsidiarité vs directives européennes
- fragmentation vs unification
- délégation au secteur civique vs délégation au secteur privé
Dans l’ensemble, les résultats confirment bien l’existence d’une gouvernance de l’éducation aux médias, à l’information et au numérique en Europe. Elle se caractérise par une coordination assez lâche entre acteurs du secteur public et une mise en œuvre horizontale par les acteurs des secteurs privé et associatif, avec une relation légère mais réelle à l’UE, reflétée notamment dans la mise en place et le financement de « bonnes » pratiques.
Les 8 chapitres du livre :
- Mapping Media and Information Literacy (MIL) policies: new perspectives for the governance of MIL – Divina Frau-Meigs, Irma Velez, Julieta Flores-Michel
- Definitions and values of Media and Information Literacy in a historical context – Christine W. Trültzsch-Wijnen, María Francesca Murru & Tao Papaioannou
- Legal frameworks for Media and Information Literacy – María-del-Mar Grandío, Sirin Dilli & Brian O’Neill
- Training and capacity building in Media and Information Literacy – Julian McDougall, Nurcay Turkoglu & Igor Kanižaj
- The role of non-governmental actors in Media and Information Literacy: a comparative media systems perspective – Marijana Matović, Kristina Juraitė, Alfonso Gutiérrez
- Evaluation and funding of Media and Information Literacy – Piermarco Aroldi, Miguel Vicente, Norbert Vrabec
- Good practices and Emerging trends trends in Media and Information Literacy – Conceicao Costa, Viktorija Car & Sofia Papadimitriou
- The double bind of Media and Information Literacy: A critical view on public policy discourses about MIL – Kirsten Drotner, Divina Frau-Meigs, Sirkku Kotilainen & Niina Uusitalo
Assurément, un livre qui pourrait inspirer nos dirigeants politiques, notamment en éducation.
Source: Frau-Meigs, Divina. Piloter et coordonner le développement de la “littératies numérique”. The Conversation. 15 octobre 2017.