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Pour une meilleure compréhension du numérique

La définition du numérique qui suit est tirée d’un article faisant état des résultats d’une recherche sur 3 ans réalisée par la chercheuse Divina Frau-Meigs, professeure des sciences de l’information et de la communication, Université de Sorbonne Nouvelle, Paris 3 dans le cadre du projet ANR TRANSLIT.

Le numérique peut […] se définir comme un agencement multimodal complexe des trois littératies associées aux trois cultures de l’information (médiatique, informationnelle et informatique).

Pour Frau-Meigs, ces trois cultures de l’information et ces trois littératies sont les suivantes.

Cultures de l’information Littératies (ou compétences)
infomédia (information-communication) compétences éditoriales et critiques (écrire, publier et diffuser)
info-doc (documentation) (chercher, vérifier et naviguer)
info-data (informatique, dont le codage) (coder, designer, participer)

La combinaison des trois cultures et des trois littératies équivaut, toujours selon Frau-Meigs, à la translittératie.

En voici une schématisation :

Ces compétences seraient plus faciles à développer si elles se vivent dans des projets collaboratifs, projets qui tendent […] à se développer à la fois sur le mode DIY (do it yourself) et SIWO (share it with others) comme le confirment les observations de terrain.

Le numérique

…fabrique des modes de socialisation (individuation, partage, participation) et de réinvention de la « polis » (au sens de « cité ») et du politique en constante évolution. Il génère aussi des modes d’employabilité (connaissances, qualifications, comportements) et de préparation au monde du travail (en amont de la professionnalisation), ce qui relève des prérogatives de l’école.

C’est dans ce dernier élément que prend son sens l’étude (rapport disponible ici) de Frau-Meigs, qui basée sur l’observation de jeunes de 15 à 18 ans en milieux scolaire et périscolaire et dont l’objectif principal visait à identifier les compétences engagées par les élèves comme par les formateurs dans leur construction de connaissances infocommunicationnelles. 

Ces résultats viennent alimenter

un vaste mouvement de réflexion sur les cultures de l’information et les compétences des jeunes dans « le numérique », un terme bien difficile à définir tant il fait l’objet de configurations diverses. Ces configurations ne sont pas neutres et engagent des contenus d’apprentissage autour des « éducations à » autant que des « identités » professionnelles dans et hors l’école.

Le tableau suivant présente des résultats de l’étude sur quelques éléments relatifs au numérique.

  En situation scolaire En situation périscolaire
Représentations Le numérique est perçu comme une technologie, sans prise en compte de la réalité des modes cognitifs.

Sentiment d’expertise central

Le numérique est perçu comme lien social dans une société numérique.

Sentiment d’expertise peu présent et surtout pas central

Pratiques L’hybridation et la contamination des modèles d’activités et des références entre numérique et « papier » (arborescences, codes couleurs, indexation, références culturelles) teintent les pratiques. La médiation des projets et des dispositifs plus ou moins forte parce que le lien entre les trois cultures de l’information et les compétences attenantes n’est ni optimisé, ni anticipé
Interactions Les interactions ressemblent à celles d’une communauté de pratique : codéveloppement et coconstruction des connaissances et circulation d’expertises respectives. Les interactions se traduisent en un cumul de compétences et on note une prépondérance à la recherche en espace ouvert, sans jugement ou évaluation des comportements.
Réutilisation des compétences numériques La réutilisation des compétences numériques dépend fortement de l’attitude des enseignants, encourageante ou pas, et de l’accompagnement qu’ils peuvent mettre en place pour diminuer le stress causé chez beaucoup d’élèves par le sentiment d’incompétence. Ceci est en rupture par rapport au présupposé des compétences des digital natives : être connecté ne suffit pas à être compétent. La réutilisation des compétences numériques dépend de la force des représentations scolaires : plus elles sont faibles et plus la créativité s’exprime et plus les pratiques multimodales se manifestent.

Pour Frau-Meigs, [l]e numérique affecte donc largement l’habitat scolaire traditionnel même si celui-ci a encore des difficultés à s’approprier des dispositifs médiatiques et informatiques en mode agile.  Et les compétences requises pour bien vivre dans la société numérique d’aujourd’hui et de demain ne sont pas encore suffisamment conscientisées, ni cartographiées, ni référencialisées (sic).

À noter : le projet ANR TRANSLIT est réalisé en partenariat avec la Chaire UNESCO – Savoir devenir à l’ère du développement numérique durable.

Source: Frau-Meigs, Divina.  Les compétences numériques ne s’improvisent pas!  The Conversation.  5 octobre 2017.

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Sonia Morin

2 Commentaires

  • Juste wow! On savait que les compétences numériques étaient un enchevêtrement complexe d’informatique, de compétences communicationnelles et d’habiletés de recherche… Je suis ébloui et ravi que quelqu’un travaille à tenter de les démêler…

  • Très intéressant. Je suis depuis un bon moment les écrits d’Alan Liu qui se penche sur certaines des questions soulevées par Mme Frau-Meigs, surtout en lien avec les compétences en lien avec la lecture numérique (sujet qui me passionne d’abord par intérêt personnel, mais bon…).

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