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Rapport du Conseil supérieur de l’éducation sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016

Le Conseil supérieur de l’éducation CSE) vient de publier son Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016 intitulé Remettre le cap sur l’équité.

Comme son titre l’indique, le rapport décrit des dérives du système d’éducation qui « mettent en péril la justice sociale ». Le conseil fait état d’un système d’éducation à plusieurs vitesses, qui « entraîne des inégalités de traitement au bénéfice des plus favorisés [emphase du texte original] ».

Au lieu d’atténuer les inégalités sociales, le fonctionnement du système scolaire québécois contribue donc en partie à leur reproduction.

Le CSE renchérit :

L’éducation devrait permettre à tous ceux qui en ont la capacité de développer, à un moment ou l’autre de leur vie, ces compétences essentielles à leur autonomie. Or, il semble que le système « échappe » une proportion plus importante d’élèves ou de personnes de milieux défavorisés, ce qui perpétue le cycle de la pauvreté et de l’exclusion sociale. En outre, comme l’expérience scolaire antérieure conditionne le rapport au savoir et l’accès à la formation continue, les enfants qui ne réussissent pas à développer leurs capacités à l’école risquent d’en subir les séquelles toute leur vie. Au bout du compte, toute la société y perd.

Le CSE blâme la venue de la concurrence entre les établissements pour une partie des iniquités qu’il constate.

Les effets pervers de la concurrence en éducation

La logique de quasi-marché qui s’est installée en éducation n’est pas étrangère à cette situation. Nous sommes devenus des consommateurs de services, lesquels sont adaptés à nos préférences individuelles. Malheureusement, les familles ne sont pas toutes égales devant ce jeu de l’offre et de la demande. En outre, les inégalités de traitement sapent les efforts consentis par ailleurs pour encourager la persévérance et lutter contre le décrochage. [Emphase du texte original]

Cette concurrence se joue à plusieurs niveaux et mène de facto au regroupement des élèves de même profil scolaire ou socio-économique, alors que le contraire serait plus avantageux : « de nombreuses recherches ont montré que les groupes hétérogènes sont à la fois les plus efficaces et les plus équitables ».

Ces regroupements d’élèves font partie d’un cercle vicieux où les parents qui le peuvent inscrivent leurs enfants dans des écoles plus sélectes et les enseignants qui le peuvent quittent les autres écoles pour aller y enseigner. La perception tend donc à se confirmer par les actions qu’elle engendre.

La concurrence est aussi en recrudescence entre les élèves, avec de nombreux effets pervers à long terme, non pas seulement pour les individus concernés, mais pour la société en général.

L’école devient ainsi un sprint à remporter par les plus rapides et non un marathon à terminer chacun à son rythme. L’idée que certains ne termineront pas la course même s’ils en auraient la capacité est pourtant incompatible avec la mission de l’école obligatoire, qui est de permettre à chacun de développer son potentiel, quel que soit ce potentiel.

Le CSE sait que cela demande des changements en profondeur.

Passer d’une école qui met les élèves en concurrence (la forme scolaire actuelle) à une école qui favorise la collaboration, la prise de risques et le développement des capacités (un cadre éducatif) ne se fera pas uniquement par l’ajout de ressources, mais également par des changements dans les façons de faire.

Le CSE souhaite que l’on recentre le système d’éducation sur une notion de réussite plus intégrée, qui comprend le développement du potentiel de chaque élève grâce à une expérience éducative de qualité, qui va au-delà de simplement instruire, en assumant pleinement son rôle de développement de l’autonomie, de socialisation et de qualification.

Il veut aussi voir l’accès aux projets et programmes particuliers ouvert à tous en fonction de leur profil plutôt que de les réserver aux élèves performants et à ceux dont les parents ont les moyens de payer.

Autre proposition intéressante : faciliter les parcours différenciés comme moyen de contrer le décrochage. Le CSE juge que le secondaire est orienté sur la préparation aux études post-secondaires, et qu’il gagnerait à offrir des alternatives mieux adaptées aux élèves qui se destinent à des métiers. Le CSE parle de « développer tous les types de potentiel ». Plus loin, il explique comment le système actuel peut dévaloriser ces élèves qui ont un potentiel certain, mais pour qui l’école actuelle ne répond pas à leurs besoins :

[…] les différences naturelles de rythme, d’intérêt et de talent sont traitées comme des retards à combler. Pour sortir de cette logique, il paraît essentiel de valoriser toutes les missions de l’école : reconnaître la diversité des personnes, valoriser différents types de parcours et évaluer sans classer prématurément permettront de qualifier davantage de jeunes. [Emphases du texte original]

Le conseil propose 4 orientations pour rétablir l’équité dans le système scolaire :

  • sortir de la logique de déficience et de compensation;
  • concentrer les efforts et les moyens là où ils auront les plus grandes retombées pour un maximum de personnes (i.e. au préscolaire et pendant la scolarité obligatoire);
  • s’attaquer fermement aux causes de la pauvreté;
  • se donner des indicateurs pour mieux connaître l’évolution du système éducatif en matière de justice sociale.

Le conseil conclut en brossant un portrait de l’ampleur des changements que ses propositions impliquent.

Toutefois, un ajout de ressources ne sera pas suffisant pour empêcher que certaines iniquités se perpétuent. Le fonctionnement même de l’école instaure une culture de concurrence entre les élèves dès le début de la scolarité obligatoire et crée précocement une hiérarchie qui pèse lourdement sur le destin scolaire des enfants. Pourtant, l’école doit permettre à chacun de développer son potentiel, quel que soit ce potentiel. Pour mettre en place un cadre éducatif différent, il sera nécessaire de travailler aussi sur les croyances, les valeurs et les a priori théoriques sur lesquels reposent des pratiques enracinées dans une tradition qu’il est temps de remettre en question. C’est de cette façon que les changements requis pourront prendre solidement racine dans le milieu scolaire et dans la société.

Source

Conseil supérieur de l’éducation (2016) Remettre le cap sur l’équité : Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016. Sommaire. http://www.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/CEBE/50-0494Sommaire.pdf

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Éric Chamberland

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