Qu’est-ce que l’innovation sociale et comment l’évaluer?

Ma collègue Valérie-Claude Lessard de Transfertech Sherbrooke m’a suggéré ces des extrants du Projet outils d’évaluation en innovation sociale, disponibles sur le site du Réseau Québécois de l’innovation sociale (RQIS). Notons que le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) est un membre du RQIS et un des coporteurs de ce projet.

En plus d’un glossaire en ligne (qui nous a servi à préciser plusieurs des termes de cette dépêche), on y trouvera à télécharger :

• une revue de la littérature et des pratiques sur l’évaluation des innovations sociales (en version synthétique (21 p.) ou détaillée (85 p.!));
• une grille de caractérisation d’un projet avec un potentiel d’innovation sociale (en version synthétique (6 p.) ou détaillée (9 p.));
• une grille d’évaluation du niveau de maturation d’un projet d’innovation sociale (en version synthétique (5 p.) ou détaillée (8 p.));
• un schéma du cycle de vie d’une innovation sociale;
• un tableau sur les approches évaluatives en fonction du niveau de maturité d’un projet d’innovation sociale.

Par innovation sociale, on entend…

« …une nouvelle idée, approche ou intervention, un nouveau service, un nouveau produit ou une nouvelle loi, un nouveau type d’organisation qui répond plus adéquatement et plus durablement que les solutions existantes à un besoin social bien défini, une solution qui a trouvé preneur au sein d’une institution, d’une organisation ou d’une communauté et qui produit un bénéfice mesurable pour la collectivité et non seulement pour certains individus. La portée d’une innovation sociale est transformatrice et systémique. Elle constitue, dans sa créativité inhérente, une rupture avec l’existant » (RQIS 2011 : 10). Néanmoins, ce caractère novateur est relatif. Si l’innovation sociale « implique une rupture ou une discontinuité des pratiques mises en œuvre avec les pratiques habituelles d’un milieu, […] [s]es pratiques peuvent ne pas être nouvelles, mais [constituer] un nouvel usage de pratiques passées » (Longtin et al. 2021 : 11).

Les innovations sociales sont caractérisées de différentes façons, selon :

1. La nature du projet d’innovation
   • L’objectif de répondre à une aspiration, à un besoin ou à un problème non répondu
   • Le caractère novateur en rupture avec les pratiques habituelles du milieu preneur
   • La cohérence de l’hypothèse de solution visée
2. Le processus du projet d’innovation
   • Des porteuses et des porteurs
   • Un ancrage social dans un milieu preneur
   • Des ressources identifiées ou mobilisées
   • Une action collective mobilisant des acteurs complémentaires
   • L’implication des usagers et usagères et des parties prenantes dans la délibération et la prise de décision
   • Des apprentissages collectifs dans le cadre d’expérimentation
   • Une appropriation par les milieux preneurs
   • Une stratégie de diffusion et d’institutionnalisation
3. Les impacts sociaux visés par le projet d’innovation
   • Des impacts sociaux jugés « positifs »
   • Le développement de biens et services inclusifs
   • La durabilité des impacts sociaux
   • La visée de transformation des rapports sociaux

Un projet d’innovation sociale peut se trouver à différentes phases de maturité de son cycle de vie:

1. Émergence: « Les acteurs concernés se regroupent… […]  » et « élaborent une stratégie novatrice qui contribuera à trouver une solution aux problèmes, à répondre aux besoins ou à réaliser leurs aspirations soit en » produisant « un nouveau produit ou service, en adaptant une stratégie déjà existante ou en adoptant des pratiques par un processus de transfert de connaissances » (Longtin et al. 2021 : 24, inspirée de Rolin et al. 2017 : 19).
2. Expérimentation: « Les acteurs mettent à l’épreuve une innovation auprès de ses premiers utilisateurs, l’appliquant dans un projet pilote en collaboration avec des preneurs afin de l’évaluer, obtenir une rétroaction et l’adapter à leurs besoins. L’expérimentation peut prendre deux formes principales, formelle ou informelle » (Bouchard et al. 2016 : 144-145)
3. Pérennisation et changement d’échelle:
   • Pérennisation: Les actrices et acteurs concernés mettent en place des stratégies visant à assurer la pérennité d’un projet ayant un potentiel d’innovation sociale. La pérennisation du projet vise « [l]e maintien des effets positifs du changement introduit », notamment à travers « [s]on institutionnalisation », son inscription dans les habitudes et « le renforcement des capacités » (Cantin et Cormier 2014 : 16).
   • Changement d’échelle: Il « consiste, dans certains cas, à unir les forces d’organisations similaires ou complémentaires pour décupler leur potentiel d’action. […] Dans d’autres cas, il consiste à exporter un modèle gagnant ou un savoir-faire reconnu, ce qui évite aux communautés d’avoir à réinventer la roue. […] » (Bellemare et al. 20 17 : 8).
4. Institutionnalisation (facultatif): « vise à reconnaître et à formaliser de nouvelles règles issues de l’appropriation des pratiques novatrices par les acteurs afin de les rendre durables et prévisibles […] » (Longtin et al. 2021 : 32). Elle « est le fruit d’un processus de négociation d’arrangements institutionnels entre l’État et les réseaux représentants les diverses parties prenantes (ex. entreprises privées, organisations communautaires, entreprises d’économie sociale, mouvements de citoyens, syndicats, etc.)… » (Longtin et al. 2021 : 32).
   
   Quand à l’évaluation de projets d’innovation sociale, elle dépend justement du niveau de maturité d’un tel projet:

1. L’émergence d’une innovation sociale pourrait nécessiter une évaluation des besoin, une analyse des parties prenantes et du système d’acteurs ou une évaluation de la pertinence théorique du projet.
2. L’expérimentation de cette innovation gagnera parfois à traverser une évaluation de la cohérence du projet à expérimenter, une évaluation des ressources, des activités, de l’implantation, du processus ou de la mise en oeuvre.
3. La pérennisation et le changement d’échelle d’une innovation sociale profiteront à l’occasion d’une évaluation de la stratégie de pérennisation ou de changement d’échelle, d’une évaluation des ressources, des activités, de l’implantation ou du processus. Par ailleurs l’appropriation étendue de l’innovation pourrait bénéficier d’une évaluation de la mise en oeuvre, de l’efficacité, de l’efficience, de l’impact ou de la pertinence réelle.
4. L’institutionnalisation d’une innovation pourrait tirer parti d’une évaluation de son impact ou d’une évaluation de sa pertinence réelle.

Les approches et méthodes d’évaluation utilisées varieront selon le type d’évaluation requis, qu’il s’agisse d’approches formatives, sommatives, évolutives ou habilitantes, de cartographies des milieux, de méthodes de recueil de données qualitatives, quantitatives, d’études de marché, d’analyses coûts-bénéfices, d’études avant/après, d’analyse de changements, etc. Le tableau sur les approches évaluatives en fonction du niveau de maturité d’un projet d’innovation sociale précise les approches et méthodes recommandées selon les objets à évaluer à chaque niveau de maturité d’un projet.

Source

Réseau québécois de l’innovation sociale (2022), site Projet outils d’évaluation en innovation sociale, Québec. https://www.rqis.org/innovation-sociale/projet-doutils-devaluation-en-is/ (consulté le 2 avril 2023).