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Quatre bonnes raisons de ne pas intégrer Facebook à son enseignement (colloque AQPC)

« Aller trouver les jeunes là où ils sont », c’est-à-dire sur Facebook, Twitter ou autres réseau social… Est-ce vraiment une bonne idée sur le plan pédagogique? Invitée à répondre à la question, Nicole Gallant, directrice de l’Observatoire Jeunes et Société de l’INRS est catégorique : ce n’est pas parce qu’ils y sont qu’il faut y aller. Bien au contraire; non seulement cela n’apporte-t-il rien à l’apprentissage, mais cela peut même se révéler contre-productif.

Prenant la parole à l’occasion du 31e colloque de l’Association québécoise de pédagogie collégiale, la chercheuse a présenté des données issues de différentes enquêtes confirmant ce dont on se doutait : les jeunes passent non seulement beaucoup de temps en ligne, mais également beaucoup de temps à utiliser des outils réseautage social. Elle appelle cependant à la prudence face à ces chiffres qui renvoient, rappelle-t-elle, à une réalité difficile à sonder.  Les difficultés méthodologiques liées à l’étude de ces phénomènes font que le portrait exact se trouve sûrement plus nuancé que ce que les chiffres peuvent laisser penser.

Elle signale cependant les résultats d’une enquête menée sur Facebook à partir des contenus des « walls »personnels d’étudiants anglais où les auteurs ont recensé ce qui s’y disait en lien avec l’éducation; on y trouve essentiellement des critiques, des informations pratiques, des demandes de soutien moral… mais rien sur l’apprentissage. La raison en est simple : les réseaux sociaux en ligne sont des espaces ludiques pour ces étudiants, et non des espaces de formation.

De là, Nicole Gallant nous présente ses raisons de ne pas utiliser Facebook (ou tout autre média social grand public) à des fins pédagogiques.

1. Facebook est un espace ludique… donc distrayant : Malgré l’image de génération multitâche qu’ils entretiennent volontiers, les étudiants reconnaissent qu’ils apprennent mieux lorsqu’ils « ferment » les TIC, d’où l’importance de soutenir des stratégies de cloisonnement entre le web ludique et le web d’apprentissage.

2. Facebook est un espace ludique… où on ne veut pas voir s’imiscer ses professeurs :  Bien qu’on entende souvent le contraire, il existe bel et bien un espace « public » et un espace « privé » pour cette génération; le contrôle qu’ils exercent sur la frontière délimitant la sphère publique de la sphère privée est important pour eux. La présence (non sollicitée) de professeurs et de collègues de classe peut donc être perçue, si elle leur est imposée, comme un envahissement de leur espace privé.

3. Facebook est un espace ludique… qui ne change pas le rapport à l’apprentissage : La chercheuse établit une distinction claire entre apprentissage formel et informel. Elle insiste sur le besoin qu’ont les jeunes d’un espace de socialisation, d’apprentissage informel entre pairs… On utilise Facebook pour apprendre des choses, bien sûr, mais autrement que dans un contexte d’enseignement formel. Si cet espace se trouve envahi et « structuré » à des fins de formation, les jeunes iront ailleurs.

4. Facebook est un espace spécifique… Ce n’est pas tout le monde qui y va : Par choix idéologique, commercial, personnel, plusieurs étudiants ne sont pas sur Facebook. L’utiliser dans sa classe, c’est l’imposer.

Sa solution : avoir plutôt recours aux sites et espaces dédiés à l’apprentissage, dont les fonctionnalités sont plus performantes et mieux adaptées à des fins d’enseignement/apprentissage. La période de questions a également donné lieu à une nuance, suite à l’intervention d’un participant relatant son utilisation en classe d’un réseau social (LinkedIn) afin de préparer les étudiants à s’en servir à des fins professionnelles. Dans un tel cas, où l’utilisation du réseau social représente en soi une compétence visée, son utilisation s’en trouve du même coup justifiée.

Quelques pistes :

(2010) Centre francophone d’informatisation des organisations (CEFRIO), «L’explosion des médias sociaux au Québec», vol. 1, no 1. (voir notamment les données pour la tranche d’âge 18-34 ans) . Nous avions déjà évoqué la parution de ce rapport ici.

Le site DEVOTIC, La déconnexion volontaire aux TIC, issu d’un programme de recherche dédié au recensement et à l’étude des différentes formes de déconnexions aux technologies de l’information et de la communication financé. Le projet réunit cinq centres universitaires (dont l’Université d’Ottawa).

(2009) Selwyn, Neil. « Faceworking : exploring students’ education-related use of Facebook », Learning, Media and Technology, vol. 34, no 2, juin 2009, p. 157-174.

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Catherine Vallières

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