Nouvelle venue dans le paysage universitaire canadien, Quest University figure inévitablement en tête des résultats à l’enquête NSSE (National Survey of Student Engagement) pour la satisfaction de ses étudiants. Les résultats de l’enquête menée au printemps 2011 sont éloquents: 58% des étudiants de dernière année considèrent que leur formation les a bien outillés pour résoudre des problématiques concrètes et complexes, contre 21% dans les autres universités canadiennes.
Fondée par David Strangway (ancien recteur de l‘University of British Columbia), l’université privée installée dans la petite ville de Squamish compte actuellement 350 étudiants et vise atteindre sa pleine capacité avec 650 étudiants d’ici quelques années. Pour s’y incrire, chaque étudiant doit défrayer des frais de scolarité évalués à près de 28 000$ par année. Elle dispense un seul programme de formation générale, un « Art and science degree » composé d’un tronc commun de 16 cours de base et d’une spécialisation multidisciplinaire qui prend la forme d’un projet individuel d’envergure dont la réalisation s’étend sur deux ans. Le profil de formation visé cible le développement de la pensée critique, des habiletés de base en communication et en recherche ainsi qu’une perspective internationale et éthique. Elle affiche clairement sa volonté de mettre de l’avant une formation généraliste actualisée, se présentant comme « A 21st-century liberal arts university ». Sa première cohorte d’étudiants a obtenu son diplôme en avril dernier.
Ce qui distingue le programme de Quest University de ses concurrentes: s’inspirant du Block Plan mis en place au Colorado College il y a plus de 40 ans, elle propose une formule où tous les cours sont offerts de façon intensive, à tour de rôle, plutôt que d’être échelonnés en parallèle tout au long de chaque trimestre. Chaque cours se déroule ainsi sur trois semaines (18 jours de classe), un peu à la manière des écoles d’été. De façon générale, l’horaire prévoit trois heures de temps de classe par jour pour ensuite laisser place à la recherche, la lecture, le travail de groupe, la rédaction… On veut clairement briser l’image de la formation magistrale souvent associée aux programmes de formation dits généralistes ; les documents promotionnels vantant les mérites du programme ne manquent d’ailleurs pas de mettre de l’avant les voyages d’études, les expériences sur le terrain, les approches pédagogiques novatrices et diversifiées qu’un tel calendrier rend possible. Cette flexibilité sur le plan pédagogique semble appréciée autant des étudiants que des professeurs, dont plusieurs sont invités à y enseigner en marge de leurs activités dans une université plus conventionnelle. Les impacts positifs sur le climat de la classe, sur la relation étudiant-professeur, sur la motivation et sur la discipline personnelle des étudiants qu’impose une telle formule sont également soulignés.
L’expérience – et le succès – de Quest suscite évidemment de l’intérêt; on apprend ici qu’Algoma University, en Ontario, envisage adopter à son tour la formule du Block Plan pour l’ensemble de ses programmes. Or, le rapport d’un groupe de travail interne sur le sujet fait état non seulement des avantages, mais également des fortes résistances qui se font entendre face à un tel projet, notamment en raison des coûts supplémentaires engendrés et des difficultés d’allier la disponibilité qu’exige une formation de ce type avec le travail ou les obligations familiales des étudiants. Des réserves sont également émises par des responsables de programmes qui craignent qu’une formule intensive ne convienne pas aux formations où les lectures occupent une grande place et où l’on craint la surcharge.
Le rapport souligne néanmoins que certaines institutions (on y cite l’University of Northern British Columbia) envisagent une implantation plus localisée, dans le cadre d’un programme plutôt qu’à l’échelle de l’institution. À cet égard, les exemples d’adoption d’une formule similaire se font plus nombreux; à l’UdeS seulement, certains programmes offerts à temps plein (notamment en médecine, en génie électrique et informatique, en sciences infirmières) ont déjà adopté un mode de fonctionnement qui s’en rapproche afin de faciliter la mise en place d’approches pédagogiques novatrices. Par ailleurs, dans un registre différent, bon nombre de programmes de formation continue offerts à temps partiel ont également opté pour une formule de cours offerts de façon intensive la fin de semaine. Dans ce cas, un tel choix est clairement dicté par les contraintes de disponibilité des étudiants visés, pour la plupart des professionnels en exercice.
Dans un contexte où la compétition est féroce et où les institutions se cherchent des créneaux distinctifs, on peut penser que de tels réaménagements de l’horaire type risquent de se répandre, et ce en dépit des ajustements nécessaires sur le plan administratif. Pour Quest, le jeu en a clairement valu la chandelle; ailleurs, reste à voir dans quelle mesure les institutions jugeront que les bénéfices en valent le coût.
Sources:
Ken MacQueen, “The student’s Quest”, Macleans on campus, 24 février 2011.
“L’Université Quest: une université privée d’arts libéraux à flanc de montagne“, Reportage de l’émission « Ailleurs, c’est ici », Première chaîne de Radio-Canada, 15 juillet 2008.
Annie Prud’homme Généreux, directrice du département de biologie, y présente l’université Quest.
“Survey confirms Quest’s ‘leading position’: Helfand”, Squamish Chief, 31 octobre 2011.
Scott Dobson-Mitchell, “Canadian university considers radical change”, Macleans on campus, 1er décembre 2011.
Michael Purvis, “Block plan proposal hasn’t lost its lustre, says Algoma U president”. The Sault Star, 11 novembre 2011.
Cette formation sous forme de cours intensifs et successifs (plutôt qu’en cours parallèles suivis tout au long d’un trimestre) fait des petits, du moins du côté des “community colleges” américains:
“One course at a time”, Inside Higher Ed, 24 avril 2012.
http://www.insidehighered.com/blogs/confessions-community-college-dean/one-course-time