15 chercheurs du réseau des universités du Québec ont sondé, “[e]ntre le 27 avril et le 5 juin 2020”, “2754 étudiants et employés universitaires” sur différents aspects de leur santé psychologique au moyen d’un questionnaire en ligne pour l’étude Les conséquences de la pandémie sur la santé globale des populations universitaires. Il appert que le stress occasionné par la pandémie s’est traduit par de la détresse psychologique chez 42 % des personnes sondées.
Les étudiants sont toutefois davantage fragilisés que les employés, avec des taux de détresse avoisinant les 60 %. Ils sont plus enclins que les employés à vivre des symptômes apparentés à la dépression majeure, au trouble d’anxiété généralisée ou au trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Comparativement aux employés (5,8 %), les étudiants (13,4 %) sont également plus nombreux à avoir eu au moins une fois des idées suicidaires dans le mois ayant précédé notre enquête. Ce niveau de détresse rapporté par les étudiants est préoccupant, d’autant plus que ces derniers cumulent davantage de problèmes psychologiques que les employés.
Les femmes, les étudiantes et étudiants handicapés seraient plus affectés par ces manifestations, « [d]e plus, la situation économique des étudiants semble avoir un impact sur l’émergence, voire l’importance, des manifestations ». De même, « [l]es personnes ayant une identité de genre “autre” ont des niveaux de bien-être significativement plus faibles que celles qui s’identifient comme “femme” ou “homme”. »
Situation alarmante au collégial
De même, la la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) dévoilait cette semaine les résultats préliminaires de son enquête « Derrière ton écran »:
- “6215 personnes étudiantes du collégial ont répondu à l’enquête;
- De celles-ci, 64 % des personnes répondantes considèrent que leur état de santé psychologique s’est détérioré depuis le début de la crise. De ce nombre, 86% attribuent comme cause l’isolement liée aux mesures de confinement et 73 % l’attribuent à la charge de travail;
- 19 % considèrent ne pas avoir suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins actuellement, une augmentation marquée de 9% depuis le début de la crise…”
De son côté, le Portail du réseau collégial du Québec présente un portrait d’intervenantes et d’intervenants psycho-sociaux du réseau collégial. À travers différents témoignages d’aides pédagogiques individuels (API) et psychologues, on évoque la récente étude mené par le professeur Simon Larose de l’Université Laval pour le Conseil supérieur de l’éducation (Transition vers le collégial : quand la COVID s’en mêle, Actualités, 20 octobre 2020):
« 20 à 30 % des étudiantes et étudiants collégiaux consomment davantage d’alcool et de drogues depuis le début de la crise sanitaire. Le stress est particulièrement prévalent dans la région de Montréal et dans les programmes d’études liés à la santé. En général, les garçons semblent les plus affectés par la situation »
Anne-Marie Nantel, conseillère en orientation au Cégeps St-Jean-sur-Richelieu rappelle que “[l]es jeunes ne sont pas si technos que l’on pourrait le croire […]. Il a fallu donner beaucoup de support technique aux étudiants en début d’année pour qu’ils se sentent à l’aise avec les plateformes virtuelles comme Teams et Zoom. Pour plusieurs étudiants, s’adapter à une pluralité de technologies, c’est extrêmement difficile. » Par ailleurs, « [i]ls reçoivent une foule d’information virtuellement pour les choix de cours, pour les remises de travaux et jusqu’aux changements d’heure de la cafétéria. Plusieurs étudiants ont de la difficulté à trier toutes ces informations-là et à s’organiser. Trop c’est comme pas assez. Ça les décourage beaucoup. »
Des lueurs d’espoir
Heureusement, le Portail du réseau collégial du Québec nous apprend qu'”[u]ne variété impressionnante de projets a été mise en place dans le réseau collégial pour offrir de l’aide préventive aux étudiants”. Voici notamment ceux mis en place aux cégeps St-Jean-sur-Richelieu et Bois-de-Boulogne:
- offre d’un encadrement pédagogique aux étudiants, particulièrement à ceux de première année;
- contact par un intervenant des étudiants à risque d’échec pour leur proposer du soutien technique, psychologique, en orientation et autres;
- ateliers thématiques pour favoriser leur bien-être pendant les études à distance;
- groupe d’étudiants et d’employés formés pour identifier et soutenir les étudiants en détresse psychologique;
- etc.
D’après Anne-Marie Nantel, « Nous sommes agréablement surpris. Les étudiants et étudiantes veulent s’accrocher. On constate moins d’abandons de cours qu’à pareille date l’an dernier. » Elle explique que « [l]es demandes en orientation sont en hausse cette année. […] Les étudiants se questionnent plus tôt dans leur parcours sur le sens de la vie, sur leur avenir et sur leurs choix professionnels. […] Déjà en première session, ils veulent savoir pourquoi ils font ces études-là et dans quels programmes ils pourront aller à l’Université. Je ressens un désir des étudiants et étudiantes de se définir un chemin. Il y a une préoccupation de se choisir une carrière rapidement.»
La FECQ quant à elle recommande de…
- prendre acte de la surcharge de travail liée aux études et de travailler à la diminuer celle-ci;
- d’organiser des activités de socialisation afin de briser l’isolement des personnes étudiantes,
- que soit offert un minimum d’enseignement en présentiel pour tous les membres de la population étudiante.
Enfin, les chercheurs de l’étude Les conséquences de la pandémie sur la santé globale des populations universitaires soulignent que « le soutien social et la spiritualité s’avèrent au sein de notre étude des facteurs de protection de la santé, il nous semble que ces pistes devraient être exploitées pour la consolidation des services en place au sein des communautés universitaires ».
Il y a lieu de s’interroger sur les façons dont les universités – institutions d’enseignement et non de santé mentale – accueilleront leurs futurs étudiantes et étudiants ayant vécu ces situations de stress au collégial. Il y a aussi lieu de se demander comment elles pourraient soutenir leurs futurs diplômés et diplômées, citoyens et citoyennes devant composer avec les traumatismes subis pendant la pandémie.
Sources:
Bergeron-Leclerc, Christiane, Ariane Blackburn et Danielle Maltais, “La détresse des étudiants universitaires est bien réelle“, La Conversation, 19 novembre 2020
Fédération étudiante collégiale du Québec, “Impacts de la COVID-19 sur la condition étudiante : La FECQ dévoile un rapport préliminaire alarmant” (communiqué), Ameq en ligne, 24 novembre 2020
Prioleau, Élise, “Des étudiants surchargés et en réflexion identitaire“, Portail du réseau collégial du Québec, 25 novembre 2020