Pédagogique

La rétention d’information au XXIe siècle

Toutes les disciplines exigent que les étudiantes et étudiants maîtrisent certaines connaissances de base. Dans un monde hyperconnecté, les personnes étudiantes doivent-elles encore apprendre par coeur? Comment? Et surtout, quoi? En sont-elles seulement encore capables? Trois textes à ce sujet m’ont interpellé.

Paul Hanstedt est professeur de littérature et directeur fondateur du Harte Center for Teaching and Learning à la Washington & Lee University en Virginie. L’essentiel de son message est de réduire la quantité de matière transmise aux étudiantes et étudiants, de façon à ce qu’ils puissent la mettre en application et la mieux retenir. De son point de vue, le personnel enseignant est « accro » (addicted) au fait de « passer de la matière » (content coverage) essentiellement parce qu’il est rassurant de se donner l’impression qu’on a fait beaucoup de bon travail… Il rappelle cependant que « content covered is not the same as content learned ».

D’après l’un de ses collègues, il faudrait couper au moins le quart de la matière prévue à un syllabus afin de permettre aux personnes étudiantes de « pratiquer les habiletés requises pour répondre aux attentes ». Et certaines de ces habiletés sont aussi fondamentales que la lecture et la rédaction de niveau universitaire, la pensée critique, la capacité à résoudre des problèmes complexes, le fait de se tromper et de corriger, etc.

Hanstedt rappelle que…

« […] [M]any of the problems our students will be challenged with 10 years into the future don’t exist now.

All of which means that if a university education is going to be worthwhile, some substantial part of it must attend to preparing students for confusion, uncertainty, and frustration. We need to make space in our classes to allow students to stumble, to step back, to reconsider, re-hypothesize, reattempt. »

Michelle D. Miller est professeure de sciences psychologiques à la Northern Arizona University. Elle rappelle que les personnes étudiantes retiennent l’information contextualisée (« À quoi ça va me servir la semaine prochaine? ») et celle qui vient avec une importante charge émotive. Les étudiants et étudiantes sont moins susceptibles de retenir « information they don’t understand or that they simply don’t care about ».

Miller remet en question une perception généralisée à l’effet qu’une personne enseignante doit choisir entre demander aux personnes étudiantes de retenir des faits OU de développer leurs habiletés intellectuelles de haut-niveau. Selon elle, la combinaison des deux est possible:

« According to some […] new findings, memory and thinking are far more intertwined than many of us have been led to believe. For example, when students have formed a more solid base of knowledge—such as through retrieval practice—they are more able to engage in processes like inference and extension, not less. »

Son texte devient particulièrement intéressant lorsqu’elle s’intéresse aux rapports entre mémoire et technologies: « …[W]hen we assume we will be able to access a particular fact online, we’re less likely to commit it to memory. It is as if the mind, constantly seeking efficiencies, refuses to put in the effort to remember when there is a reliable backup in the form of technology. » Pourtant, elle convient que « [j]ust about any field of study or practice has a body of bedrock facts, knowledge that may exist online but that is highly impractical to stop and search for when you need it. »

Elle se fait toutefois rassurante à l’effet que « …the decrements technology wreaks on memory are temporary and limited. There’s little reason to believe that things like smartphones create lasting, widespread cognitive impacts, even when we use them more than we should. » Au contraire, elle estime que les applications technologiques peuvent soutenir la mémorisation de faits, notamment aux moyens de jeux et de quizz qui favorisent la pratique de récupération (retrieval practice).

De tels jeux, « encouragent également les étudiants à s’exercer pendant de petits moments d’inactivité – un modèle dont nous savons qu’il renforce la mémoire bien mieux que la classique session de “bourrage de crâne” (cramming) de plusieurs heures. » [notre traduction].

Selon Miller les technologies numériques ne sont ni une panacée ni une menace à la mémoire humaine. Par exemple, elles sont plus efficaces que les humains au niveau de la « mémoire prospective » (se souvenir d’une action à faire plus tard). Miller suggère aux personnes enseignantes et étudiantes de ne pas hésiter à se servir d’outils tels que des calendriers, des alertes, des minuteries, des listes à cocher, etc. On peut ainsi libérer de l’espace et du temps de mémorisation qui pourra alors être consacré à développer des habiletés intellectuelles de haut-niveau.

Enfin Nathan Pritts, professeur de rédaction et de cinéma au Global Campus de l’Université d’Arizona, suggère de discuter avec les personnes étudiantes de l’importance de la lecture dans nos cours et des façons de lire des textes universitaires. « Have a conversation with your students about how academic and instructional reading materials require a different level of attention. If you expect students to take notes and engage in active reading, tell them—and show them how to do it. » Pritts développe cette idée de lecture active et de lecture attentive (close reading) en encourageant les personnes étudiantes à surligner, encercler, lire une seconde fois et… appliquer la méthode SQ3R qui lui semble éprouvée en contexte universitaire.

Les lettres SQRRR représentent les actions de survoler, questionner, lire (read), réciter et réviser.

  • « Survoler signifie avoir un aperçu de l’information. Avant de lire un texte, les personnes étudiantes doivent le parcourir ou le feuilleter et lire les titres en gras qui divisent le texte en différentes sections.
  • Questionner: Ils devraient également remplacer les titres de chapitre par une question comportant les mots qui, quoi, où, quand, pourquoi ou comment.
  • Lire: Étant donné que les personnes étudiantes lisent pour obtenir des informations sur lesquelles ils devront s’appuyer plus tard, soit en classe, soit pour acquérir des compétences pour la vie, ils doivent développer un système pour noter les informations au fur et à mesure qu’ils les lisent.
  • Réciter: Après avoir lu une section du texte, les personnes étudiantes peuvent réciter ce qu’ils ont appris en silence. La récitation est une sorte d’autotest qui renforce l’information.
  • Réviser: Enfin, les étudiants et étudiantes passent en revue les informations les plus importantes en revenant en arrière et en examinant ce qu’ils ont souligné, marqué ou surligné. On peut leur suggérer de relire ou de taper leurs notes manuscrites. Après avoir lu le texte assigné, résumer les principaux points ou idées suggérés par le texte. L’objectif est de se faire une idée de ce qui est important dans le texte. »
[Traduit avec www.DeepL.com/Translator (version gratuite), puis ajusté.]

Enfin, Pritts suggère de faire de la lecture une activité plus dynamique et collaborative qui développe une communauté d’apprentissage. Il s’agit d’annoter et de surligner un document PDF partagé à toute la classe, en encourageant les personnes étudiantes à répondre aux annotations, à des questions que vous avez posées, à diverses invitations à partager leurs propres expériences.

« …Collaborative annotations engage students in critical reading, critical thinking, writing, and collaboration. It can help ensure that students think more critically about the material under consideration while increasing retention. Students feel more engaged by the process as they can literally see their instructor and peers at work together, and this boosts their confidence in their ability to analyze particularly complex material. »

Conclusion de Pritts qui, me semble-t-il, vaut aussi pour Miller et Hanstedt:

« Nous ne pouvons pas simplement demander à nos étudiants de lire le contenu du cours [NDLR: encore moins de le mémoriser] sans leur donner des instructions explicites sur la manière de le faire. En fait, au-delà de cela, nous devons à nos étudiantes et étudiants un soutien stratégique dans toute activité qui a une incidence sur les résultats d’apprentissage du cours. Avec un peu de planification, les personnes enseignantes peuvent facilement intervenir pour aider les personnes étudiantes à lire dans leurs cours. » [Traduit avec www.DeepL.com/Translator, puis ajusté; notre emphase].

Sources:

Hanstedt, Paul, « If Content Is King, Maybe It’s Time for a Little Regicide? », The Teaching Professor, 11 juillet 2022

Miller, Michelle D., « Memory (Still) Matters: What Teachers Need to Know about Building Knowledge in a Technological World », The Teaching Professor, 24 janvier 2022

Pritts, Nathan, « How to Power Up Active Reading, Retention and Engagement », The Teaching Professor, 11 juillet 2022

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

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