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Raconter de bonnes histoires pour valoriser les universitaires à l’ère post-vérité

Dans une dépêche du 19 novembre dernier en lien avec la consécration du mot “post-vérité” (post-truth) comme expression de l’année par le Oxford Dictionary, je m’interrogeais sur ce qu’il faudra enseigner aux étudiants maintenant que pour une partie de la population les faits semblent moins attrayants que les appels à l’émotion et les fausses nouvelles. Du moins, c’est ce que semblerait démontrer les résultats de la récente campagne présidentielle américaine:

“Comment former nos étudiantes et étudiants à être des professionnels, des chercheurs, des décideurs et des acteurs de changement  dans une telle conjecture informationnelle?  Nous voulons en faire des citoyens critiques, bien sûr, mais aussi influents.  Devront-ils apprendre à mieux enrober la vérité pour qu’elle devienne plus attrayante que le mensonge? (Dubé, 2016)”

Apparemment, je ne suis pas le seul à me poser ce genre de questions puisque David Baker, directeur des communications interactives à l’Oregon State University, signait hier un papier sur le sujet dans le Inside Higher Ed.  Dans “In Post-Fact America, Stories Still Win – How to make facts sexy again“, il y affirme…

As communicators, we face the daunting task of convincing society to invest in our fact-based institutions amid soaring costs and dwindling resources. We’re asking citizens to trust us with their children’s best years. We’re asking public servants to believe our data and make sound policy based upon it.

But we’re somehow falling short.

[…]

Our job is to make facts sexy again. And the best way to do that is by telling great stories.

[…]

Our scientists are real people. And their data shows the impacts that real communities face when facts are ignored and destructive practices flourish. Our job is to use our skills to defend fact, to celebrate knowledge and to challenge our audiences to not only think about the greatest issues our world faces, but to feel them as well.

So in an era when facts are under assault, and in a profession where brand messaging matrices have watered down the honesty and grace of language, let’s return to the use of vivid images and the telling of emotional stories that are still grounded in the knowledge that drives our endeavor. (Baker, 2016)

Baker et son équipe suivent une équipe de professeurs de leur institution qui travaillent à préserver quelques unes des colonies de coraux restantes dans un documentaire intitulé Saving Atlantis.  L’argument de Baker est qu’il est possible de faire appel à l’émotion pour mieux faire connaître les travaux universitaires, plutôt que de ce limiter aux seules données.  Ainsi,

For example, in telling [this] story there’s no reason to exclude the moment a faculty member tells that a bleached reef “smells like death,” and then show the despair and resolve in her eye when she ponders whether her son will ever get to see the healthy reefs she’s been fortunate to explore. There’s no reason not to show the next morning, when after Skyping her toddler from halfway around the world she wakes up before dawn to lug heavy dive tanks to the end of the dock ready to collect one more chart full of data with hope that this can help save a small corner of this reef for him to someday witness. (Baker, 2016)

L’intérêt de cet article est bien sûr la discussion qu’il engendre.  Si plusieurs lecteurs soutiennent la position de Baker, d’autres s’insurgent puisqu’ils estiment que ce serait précisément la tendance généralisée à s’appuyer sur des histoires qui aurait permis à Trump et ses émules de triompher…

Didn’t the shift from analytical scholarship to narrative, pioneered within the academy, help open the door through which Trump stormed? If a good story trumps facts, then facts are irrelevant, and Trump told what his supporters thought were good stories. Long before he arrived on the scene, we discarded the lessons of the enlightenment, replacing logic and empiricism with socially constructed reality and privileged narratives, and Trump has shown us where that leads. (Mike_Masinter, en réaction à Baker, 2016)

Baker et les partisans des récits captivants rétorquent que l’Histoire de la Raison et des Lumières comptent aussi leur lot de supercheries et d’abus…  Personnellement, ce débat me semble d’une grande urgence: Comment parler de l’importance de la quête pour la connaissance et de l’université au plus grand nombre pour que nos institutions restent pertinentes?

Source: Baker, David, “In Post-Fact America, Stories Still Win – How to make facts sexy again“, Inside Higher Ed, 15 décembre 2016

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Jean-Sébastien Dubé

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