Le gouvernement canadien mise sur la formation pour contrer les effets de la pandémie sur le marché du travail. Mais comment savoir quelles formations offertes correspondent aux emplois en demande ?
Une nouvelle étude de l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) explique qu’il est pressant de créer un système d’information complet qui relie les compétences acquises par le biais de programmes de formation et d’éducation à celles qui sont recherchées sur le marché du travail.
Dans cette étude, Tony Bonen (Conseil de l’information sur le marché du travail) et Matthias Oschinski (Université de Toronto) expliquent que les employeurs, les fournisseurs de formations et les organismes gouvernementaux de tous les niveaux doivent conjointement mettre en place un mécanisme pancanadien de mise en correspondance des possibilités de formation et d’emploi.
De nombreux employeurs s’attendent à faire face à des pénuries de compétences lorsque la production reprendra à plein régime après la pandémie. Le défi est simple : même si les individus et les entreprises désirent développer les compétences requises pour prospérer dans notre économie en constante évolution, ils n’ont pas les outils nécessaires pour identifier ces compétences et savoir où ils peuvent les acquérir.
« Pour combler ces lacunes, nous devons développer un système canadien complet qui relie – ou, en termes techniques, «cartographie» – les compétences recherchées sur le marché avec celles qui peuvent être acquises grâce à des programmes de formation et d’éducation. »
Dans leur article, les auteurs offrent quelques aperçus sur la manière dont cette tâche difficile, mais vitale, peut être accomplie. Pour eux, toutes les parties prenantes doivent agir ensemble : employeurs, prestataires de formation et agences gouvernementales de tous les niveaux.
“Quelles sont les options de formation disponibles pour que j’apprenne à utiliser XYZ au travail?” Voilà la question toute simple à laquelle il est pratiquement impossible de répondre présentement souligne l’article.
« Pour aider les individus à trouver les bons cours, nous devons mettre en correspondance les informations fragmentées existantes sur les offres de cours avec les compétences spécifiques requises pour un emploi qui sont comprises à la fois par les employeurs et les demandeurs d’emploi. (…) En fin de compte, la taxonomie doit refléter le langage du monde réel que les gens utilisent pour parler des compétences. »
En s’appuyant sur des statistiques, l’étude soulève également le manque d’accès à la formation – en particulier pour les moins favorisés. Selon l’OECD, Workforce Innovation to Foster Positive Learning Environments in Canada, les possibilités de formation pour les travailleurs ont tendance à être limitées et inégalement réparties. Le Conference Board of Canada démontre que les travailleurs peu qualifiés et plus âgés sont moins susceptibles de recevoir une formation que les autres groupes.
« Environ un tiers seulement des travailleurs canadiens reçoivent une formation en milieu de travail non formelle liée à l’emploi qui dure en moyenne 49 heures par an – bien en dessous de la moyenne de l’OCDE de 58 heures. »
Dans leur article, les auteurs font mention de certaines initiatives qui sont en cours ailleurs dans le monde :
- Singapour a lancé l’une des plates-formes les plus complètes, MySkillsFuture, en 2017.
- La plate-forme Skills for Jobs de l’OCDE permet aux individus de choisir leur profession actuelle et la profession cible souhaitée, puis fournit des informations détaillées sur les compétences nécessaires pour effectuer la transition de carrière.
- Le Conseil européen a lancé son programme Upskilling Pathways en 2016, ciblant les adultes peu qualifiés dans toute l’Union européenne.
- Aux États-Unis, les demandeurs d’emploi peuvent obtenir des informations sur les compétences professionnelles grâce au programme My Next Move.
Tous ces projets suggèrent un effort soutenu de la part des principaux acteurs gouvernementaux.
Pour le développement d’une cartographie, Tony Bonen et Matthias Oschinski proposent 3 phases :
- phase 1 : configurer une base de données des programmes et prestataires de formation et d’éducation (définir la portée, créer l’architecture de données et rassemblez les données). La base de données devra inclure des options d’éducation et de formation provenant de la plus grande variété de sources possibles.
- phase 2 : développer un système de classification – ou taxonomie – des compétences et autres exigences de l’emploi qui reflète la façon dont les chercheurs d’emploi et les employeurs pensent et parlent des compétences grâce à des consultations approfondies avec des utilisateurs potentiels.
- phase 3 : faire le lien entre les programmes de formation et les compétences au moyen d’indicateurs pour mesurer les compétences et autres exigences de travail décrites dans la taxonomie. « Faire correspondre les attentes aux résultats est au cœur de l’exercice de cartographie et doit être à la fois précis et crédible. »
Bonem et Oschinski concluent en insistant sur cinq principes clés pour cartographier efficacement le système d’éducation et de formation et les compétences.
- Les indicateurs de compétences liés aux programmes d’éducation et de formation ne seront efficaces que s’ils sont exacts et pertinents.
- Les taxonomies communes des compétences devraient être utilisées pour faciliter les connexions avec d’autres ressources d’information sur les compétences.
- Toutes les informations pertinentes non liées aux compétences doivent être mises à disposition, y compris le fournisseur, l’emplacement du programme, la durée, le coût, l’engagement en temps, la flexibilité des arrangements, etc.
- Les données doivent être ouvertes et accessibles pour faciliter le développement de la plus grande variété de plates-formes (sites Web, applications mobiles, outils de recherche, etc.) pour répondre aux besoins des différents utilisateurs.
- Les informations doivent être à jour.
Sources :
Bonen, tony et Schinski Matthias, Mapping Canada’s Training Ecosystem: Much Needed and Long Overdue, Institut de recherche en politiques publiques, 6 janvier 2021
OECD, Workforce Innovation to Foster Positive Learning Environments in Canada.
The Conference Board of Canada, Canadian Employers’ Investment in Employee Learning and Development Continues to Rise, janvier 2018