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Que valent les thèses des étudiants dirigés par un professeur reconnu coupable d’inconduite en recherche?

L’article de Pierre Barthélémy, Le scandale Stapel, ou comment un homme seul a dupé le système scientifique, relate une histoire de fabrication de données par un professeur de psychologie sociale néerlandais (Diederik Stapel).

Selon les enquêteurs, qui ont analysés les 137 articles de Stapel publiés entre 1993 et 2011 :

  • 55 contiennent des données inventées ou trafiquées. L’analyse statistique fait peser de très forts soupçons sur une dizaine d’autres travaux, mais l’absence des données originales ne permet pas d’aller plus loin.
  • 31 études ont fait l’objet d’une rétractation dans les revues où elles sont parues.

La fraude est d’ampleur et pose un grand nombre de questions sur le contexte dans lequel vivent les chercheurs, et l’article s’y attarde.

Par contre, ce qui m’interpelle plus particulièrement, c’est ce passage de l’article :

Mais il y a plus grave : Diederik Stapel a fourni de fausses données pour les thèses de dix étudiants qu’il supervisait, dont le travail est donc définitivement entaché. Selon les commissions d’enquête, aucun des co-auteurs de ses articles ou de ses thésards n’a été complice de cette fraude massive.

Je veux bien croire que les étudiants sont innocents, mais que valent les thèses qu’ils ont produites?  Si on peut vraisemblablement supposer que l’apprentissage de la démarche de recherche (un des objectifs de formation du doctorat) a été atteint par ces étudiants, la production de nouveau savoir valide (un autre objectif du doctorat), quant à elle, est particulièrement problématique.  Les thèses sont publiques.  Mais dans le cas de fraude, ne devraient-elles pas subir le même sort que les articles frauduleux : être l’objet d’une rétraction?  Il s’agit ici d’éviter qu’elles perpétuent des savoirs erronés, qu’elles induisent en erreur d’autres chercheurs, d’autres étudiants parce qu’ils s’en seront servi comme bases à d’autres projets de recherche qui un jour se révéleront fausses.

L’inconduite en recherche d’un professeur lèse tout le monde scientifique, ses étudiants compris.

Source – Barthélémy. Pierre.  Le scandale Stapel, ou comment un homme seul a dupé le système scientifique.  Le Monde.  9 décembre 2012.

 

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À propos de l'auteur

Sonia Morin

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