Je m’intéresse depuis un moment aux espaces d’apprentissage physiques innovants, à comment les technologies changent la salle de classe traditionnelle. C’est dans ce cadre que nous avons maintes fois écrit sur les salles d’apprentissage actif ou les salles médiatisées. Mais qu’en est-il des amphithéâtres? Est-ce qu’on peut encore enseigner à des grands groupes (80 étudiants et plus) dans les mêmes locaux qu’avant?
Des enseignants se questionnent suffisamment là-dessus pour interpeller le Chronicle of Higher Education dans le cadre du projet Re: Learning où le journal tente de “cartographier” les changements que subissent actuellement les universités dans leurs façons d’enseigner.
Leurs journalistes sont donc allés enquêter du côté de la Oregon State University (OSU) où de tels locaux ont été aménagés. Des professeurs ont travaillé quatre ans avec des architectes de Portland pour développer de nouveaux modèles de salles de classe inspirés de lieux no académiques: passerelles pour défilés de mode, boîtes de nuit, clubs lounge, édifices gouvernementaux, salles de concerts, comedy clubs et arénas sportifs… Le résultat, livré l’an dernier, est le Learning Innovation Center:
“The final building includes several experimental classroom layouts. There’s one inspired by the British Parliament, one where the seating arrangement is fan-shaped, several flexible studio-style rooms, and the LInC100 arena, along with a smaller 300-seat version with a similar floor plan.”(Ruff, 2016)
Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’amphithéâtre du 21e siècle est fait pour en mettre plein la vue et retenir l’attention de la génération multitâches :
“…The largest [lecture hall] is a 600-seat arena named LInC100. It looks more like a TED talk venue than a lecture hall. The seats encircle a central stage, and large screens wrap around the room, surrounding participants. The professor is free to roam with a headset microphone, much like a pop star would wear during a concert. The arena’s nickname is the “Phil Donahue room” because it was partly inspired by the talk-show host known for a roundtable studio with audience members in the background.” (Ruff, 2016)
On s’est inspiré d’études en proxémique pour s’apercevoir que les étudiants qui sont près du professeur apprennent davantage. L’objectif était de recréer la convivialité trouvée autour d’un feu de camp mais dans de grands locaux. Il y a quatre allées qui permettent à l’enseignant de s’approcher des étudiants pour les solliciter davantage et l’acoustique est étudiée pour permettre à tout le monde d’entendre les questions d’un bout à l’autre de la salle.
Mais ce n’est pas que le local qui contribue à l’aspect spectaculaire de tels cours, les professeurs semblent avoir décidé de s’y investir dans le même sens: “It’s a wow room,” […] “It would be a total waste of time to do something that’s not dramatic in appearance.”
[Merci à Marc Couture de m’avoir suggéré cet article.]“[Lesley M. Blair, a senior instructor of integrative biology at Oregon State] thinks of each lecture like a play, with multiple acts and scenes played out with props on the stage and animations on the large screens. Before walking out on stage, she preps in the adjacent green room. She assembles her PowerPoint slides, but she also chooses a costume and props relating to the theme of the day. She sometimes wears a plushy brain hat when lecturing on the human body. And she has dressed up like Snow White when lecturing on ecological relationships and how forests shape cultural icons.
[…]The engaging elements of her lectures take a lot of work. For a 50-minute lecture, she says, she prepares for a full week and practices the hour before the lecture.
The course is taught with another professor, and it also has the support of 10 teaching assistants as well as staff members in the campus technology department.” (Ruff, 2016)
Source: Ruff, Corinne, “The TEDification of the Large Lecture“, The Chronicle of Higher Education, 10 mai 2016
L’article du Chronicle a suscité des réactions… (comme il fallait s’y attendre):
“Is it so outrageous to ask that instead of trying to educate and engage the population of a small town with costumes, multi-media presentations, and other gimmicks, we might simply hire two or three more full-time professors?” Paul Spalletta, Ph.D. Candidate, Brandeis University
Le reste de la lettre peut être trouvée au http://chronicle.com/blogs/letters/theres-a-simple-way-to-make-large-classes-feel-small/?cid=wc&utm_source=wc&utm_medium=en&elqTrackId=0d2c6948370d42d4b3d9a3f1db7bd43e&elq=af8e0e50c9b94431a932a8d111343e27&elqaid=9078&elqat=1&elqCampaignId=3138
Ma collègue Sonia Morin me fait suivre ce billet du blogue de Jean-Charles Cailliez, le besoin de repenser l’utilisation des amphithéâtres à l’ère d’Internet est aussi ressenti de l’autre côté de l’Atlantique…:
Cailliez, Jean-Charles, « La conférence inversée ! Comment hacker l’amphithéâtre et le passer en mode 2.0 ? », Le blog de JC2, 21 mai 2016
Enfin, cet article d’Educpros.fr montre bien que la préoccupation pour les espaces d’apprentissage ne se dément pas chez nos cousins Français. Ici, il est plutôt question de “salles actives”, de “salle de spectacle multidisciplinaire”, d’un “carrefour de l’information”, et de “fablabs”:
Blitman, Sophie, « Université : cinq espaces qui boostent la vie de campus », Educpros.fr, 25 mai 2016