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Clair, N.-B., témoin du changement de paradigme en formation

Il y avait un certain temps que je n’étais pas allé lire le blogue Triplex de Radio-Canada.  Or, le chroniqueur Martin Lessard revient du village de Clair au Nouveau-Brunswick. Près de 300 personnes y étaient réunies du 29 au 31 janvier dernier “pour échanger sur les façons d’utiliser efficacement la technologie en classe”.  C’est la sixième année que ce colloque se tient.  La thématique de cette année était “Voir l’éducation autrement”.

Il se passe quelque chose à Clair.  Christophe Batier de Lyon 1, Marcel Lebrun de l’Université Catholique de Louvain y étaient cette année, comme d’ailleurs le blogueur Mario Asselin.  À chaque année, l’enthousiasme des participants qui en reviennent est palpable dans leurs commentaires.

Bien qu’il soit surtout question de l’enseignement au primaire, je pense que nous devrions nous sentir concernés comme formateurs universitaires par les changements qui se profilent là-bas… et qui risquent d’influencer les prochaines générations d’étudiants qui se présenteront dans nos universités: “À l’école Clair, il y a un « labo créatif » qui permet aux jeunes du primaire d’apprendre au moyen des nouvelles technologies : imprimante 3D, radio étudiante, studio d’enregistrement, lunettes de réalité virtuelle…” (Lessard, 2015a)

Comme le remarque assez judicieusement Lessard:

“Il faut savoir aussi que les professeurs venus à Clair ont souvent d’abord testé sur eux-mêmes ces technologies. Ils ont bien vu comment la technologie pouvait les aider à parfaire leur propre formation.

Internet, les outils mobiles et les réseaux sociaux mettent ces professeurs en lien les uns avec les autres pour s’échanger des stratégies pédagogiques innovantes.

S’ils voient que cela marche pour eux, il est normal qu’ils tentent de voir comment ces avantages peuvent aussi s’appliquer à leurs élèves.” d,(Lessard, 2015a)

Mais au-delà du réseautage et de la formation continue que permettent ces rencontres, il y a l’actualisation d’un changement de paradigme fondamental en formation, dont il m’apparaît que l’on ne prend assez acte dans nos institutions de haut-savoir:

“Dans le passé, lorsque le contenu était (relativement) plus rare, l’école était une oasis dans un désert de connaissances.

Aujourd’hui, l’information est partout. L’accès aux connaissances n’est plus limité. Le problème est plutôt de savoir comment filtrer l’information et sélectionner le bon contenu. À ce jeu, l’école n’est pas dépassée.

Mais on voit bien qu’elle n’a plus le monopole de l’éducation. Je crois que l’usage de la technologie est une voie possible pour « voir l’éducation autrement » (thème de Clair cette année).” (Lessard, 2015a, nos emphases)

Et encore…

“L’école doit devenir un lieu de socialisation (où on apprend à vivre ensemble) et d’éducation (où on apprend le discernement). Cependant, elle doit accepter d’avoir perdu sa place comme lieu privilégié de l’instruction (soit de la transmission des connaissances).

[Marc-André Girard, spécialisé en gestion du changement, auteur d’un livre sur le changement dans le réseau scolaire québécois] déplore que la formation à l’intégration des technologies en pédagogie dans la formation des enseignants laisse à désirer. À ce constat s’ajoutent des forces réfractrices qui selon lui empêchent le changement plutôt que de le soutenir. Pourtant, écrit-il, « le monde de l’éducation est le monde des possibilités. [Et ce] monde est aspiré par un impératif de changement […] »!” (Lessard, 2015b, notre emphase)

Cette nouvelle fonction de l’école – mais aussi de l’université, de toutes les institutions de formation – passe par une intégration des technologies en classe… pour s’assurer de développer chez l’étudiant/ l’élève un réflexe critique face à cette même technologie et au rapport au savoir qu’elle change:

“Dans le monde de demain, il semble qu’il ne sera pas suffisant de connaître la réponse à une question. Il faudra aussi apprendre à poser correctement des questions à nos outils pour obtenir des réponses.

Cette compétence sera impossible à acquérir si on ne familiarise pas nos enfants avec la technologie en classe.

Apprendre à apprendre, c’est ce que l’école a toujours essayé d’enseigner. Et c’est ce qu’elle doit faire plus que jamais.” (Lessard, 2015a)

Et à ceux qui croient que l’on s’ajuste bien assez vite, que l’on est attentif à tous ces changements, le blogueur Bruno Devauchelle ressort un texte vieux de 35 ans qui se voulait étonnamment visionnaire…

« Ce n’est pas en refusant de faire de l’informatique en classe que l’on préservera les élèves »[…] »Il faut au contraire leur apprendre ce que c’est, comment on s’en sert, ce qui est possible avec ces appareils, démonter à la fois l’appareil lui-même et la société dans laquelle il se développe, et montrer le réseau de toute l’informatique, pour apprendre à l’élève à se méfier et à critiquer cette évolution. C’est le seul moyen de limiter le contrôle social par l’informatique »” (Jacque Ellul, 1981, cité par Bruno Devauchelle, 2015)

En espérant qu’il ne nous faudra pas un autre 35 ans pour entendre le message…

Sources:

Devauchelle, Bruno, “Retrouvons nos esprits face au numérique !“, Veille et Analyse TICE, 15 février 2015

Lessard, Martin, “Clair 2015, épicentre d’une nouvelle pédagogie“, blogue Triplex, 11 février 2015(a)

Lessard, Martin, “Le numérique doit-il changer le milieu de l’éducation?“, blogue Triplex, 12 février 2o15(b)

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Jean-Sébastien Dubé

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