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Si la formation désapprend la créativité et l’innovation, comment les raviver en classe?

Je poursuis mon exploration de l’enseignement de la créativité et de l’innovation grâce à des articles suggérés par Sonia Morin et Cynthia Lavoie, une ingénieure et conseillère en efficacité, créativité et innovation, qui m’a été référée par Éric Chamberland.

Premier constat, la créativité est une voix personnelle et elle s’applique à de nombreuses disciplines:

“Creativity in schools isn’t just restricted to the teaching of “creative” subjects; art, English etc. In fact even that definition of what subjects are creative is a misstatement of what creativity can mean.  […]

…[One of the core tenets of creativity [is] self-determination. Creativity gives a voice to a person’s thoughts, whether it be in writing a song or developing some new software for internal company use. It also, despite prejudices suggesting otherwise, contributes to the economy. […] A recent experiment saw that science students outperformed arts students on a creative writing task. […]. The creativity and innovation of these scientists push forward the organisations they work for, instilling the atmosphere of a startup company…” (Holden, 2014, notre emphase)

D’après Larry Vint, professeur de design à l’Université Griffith en Australie, des auteurs comme George Land (1992) et d’autres ont démontré que c’est la socialisation même, notamment celle acquise dans les institutions d’enseignement qui limite la créativité.  Il va très loin en ce sens, alors qu’il affirme que la connaissance serait l’ennemie de la créativité:

“…Within a school and at university, students choose major areas of study and become proficient, and sometimes expert, in that area. As we get older we find things in life that we like, to the exclusion of all else. We read the same sections of the newspaper. Read the same magazines. We watch the same style of movies. Narrow down the foods we eat. Socialise with the same friends. We tend to find ways of functioning within our lives that work for us. We use these modes continually without trying anything new, such as our thinking patterns, communication style, our view of the world, and our political thoughts. As we get older, instead of collecting ‘ideas’, we begin a process of information elimination. We continue to narrow down our relevance, concerns, curiosity, concentration and awareness as we get older.

…[W]e can conclude that creativity is theretore not learned, but rather unlearned. We as teachers need to reinforce and encourage student’s fresh thinking and promote high levels of creative behavior, enriching their thinking skills – critical thinking, problem solving and decision making.” (Vint, 2005)

“…Knowledge is in many ways the ennemy of creativity for once your brain finds what it thinks is the best solutions it stops looking. We look for solutions in our memory banks of what has worked in the past.  Finding an answer quickly is often not the best solution and undersells our ability and intelligence.  Unfortunately, these solutions might not be new, innovative or even good.  What we need to do is to train our brain to keep looking even when we have found an answer.” (Vint, 2005)

Selon Xavier Pavie, professeur à l’ESSEC Business School et directeur du centre iMagination, la créativité transcende même les disciplines:

“L’imagination est une qualité qui est spontanée chez tout un chacun, mais qui demande d’être entretenue et protégée, autrement, elle disparaît. Comment faire pour rester curieux ? Comment notre imagination peut-elle être perpétuée ? La voie la plus évidente est celle de la transdisciplinarité. […] La transdisciplinarité n’a pas la prétention de la discipline mais elle veut les relier toutes. Contrairement à la pluridisciplinarité (juxtaposition de différents regards experts) et de l’interdisciplinarité (dialogue entre les disciplines), la transdisciplinarité veut faire son miel de son écosystème. Comme le préfixe “trans” l’indique, il s’agit d’être à la fois entre les disciplines, à travers les disciplines et au-delà de toute discipline. Sa finalité est la compréhension du monde présent, dont un des impératifs est l’unité de la connaissance. ” (Pavie, 2016, nos emphases)

De même, pour Sébastien Tran (2017), directeur général adjoint Académie et Recherche, ISC Paris Business School, l’innovation concerne l’ensemble des départements d’une organisation et non seulement la recherche et le développement…

“Le processus d’innovation est par nature transverse à l’organisation. L’innovation ne se réduit pas aux seuls contenus techniques ou technologiques, elle met en jeu un ensemble de processus complexes, organisationnels, relationnels et cognitifs. […]  Par ailleurs, l’innovation exige un dialogue souvent difficile entre des fonctions aux objectifs et aux horizons temporels différents (marketing et finance, etc.). L’entreprise se doit alors d’adopter une organisation et des procédures adaptées : des structures moins hiérarchisées, en réseau ou l’interdisciplinarité est la règle.

Enseigner l’innovation oblige donc à penser de manière plus transversale l’organisation et à mettre en relation, voire à réinterpréter certains outils d’analyse issus de différentes disciplines… […]  Enseigner l’innovation participe donc à décloisonner les enseignements dans les établissements notamment via des jeux de simulation ou des business games par exemple.” (2017)

Il se demande d’ailleurs si “…l’innovation n’est-elle pas juste une nouvelle manière de repenser certains outils ou certaines méthodes existants dans une logique accrue de différenciation et de compétitivité des organisations ?” (Tran, 2017)

Pour Vint, les enseignants ont un rôle à jouer pour raviver cette flamme créative:

“To reverse the years of filtered thinking, we need to start connecting experiences and synthesising new ideas. We need to teach our students the creative steps to bring out new, innovative and imaginative ideas. Ideally, creative ideas that the students themselves thought they could never have previously conceived.” (Vint, 2005)

Vint propose sept techniques pour créer une culture d’innovation et de créativité dans sa classe…

  1. Connect and synthetize new experiences: amener les étudiants à vivre de nombreuses expériences et à les emmagasiner pour développer de nouveaux filtres
  2. Break old patterns: offrir aux étudiants de nouvelles ressources, de nouvelles lectures, de nouvelles manières d’aborder des théories
  3. Reinterpret needs which reflect the now: encourager les étudiants à recombiner des idées pour développer de nouvelles solutions
  4. Look at nature: observer et analyser une ou plusieurs formes naturelles peut révéler toute une richesse d’idées en structure, forme, géométrie, mécanisme unique, utilisation de la couleur, langage, agencement et stratégies pratiques.
  5. Force illogical assumption combinations: demander aux étudiants de proposer différentes réponses aux suppositions habituelles pour résoudre un problème, puis mélanger ces réponses; aller au-delà du problème en se demandant “qui”, “quand”, “quoi”, “pourquoi”, “comment”
  6. Build on the ideas of others: refuser les “mais” lorsqu’un étudiant réagit aux idées d’un autre; encourager les “d’accord, et puis…”
  7. Welcome creative tension: former de nouvelles équipes avec des styles analytiques, créatifs et personnels divergents.

Pour lui, il s’agit d’un effort constant afin de développer un cadre de fonctionnement qui permettra aux étudiants d’être couramment innovateurs dans leur vie professionnelle:

“Holding a few brainstorming sessions with a handful of students once or twice a year is inadequate. Instead you must inject innovation throughout the execution of each process, every day, by everyone. To spark innovation and deliver maximum results a teacher must look at innovation for student advantage, processes that enable innovation, create a culture of innovation, review teaching strategies and technology advancements, include innovation into assessment, target innovative students, simulate new models of learning, plan the journey, and always look to the future. From an industry point of view in today’s age of unprecedented access and unlimited competition, constant change is the prerequisite for survival. […]  It is no longer enough to inject innovation only at the design stage, which leaves the execution as mechanical. Students in today’s changing environment need to pull together critical concepts of process improvement, technology enhancement, innovation and creativity into a single framework; a holistic concept enabling students to perform optimally in activities that typically require fresh thinking…” (Vint, 20o5, nos emphases)

Sources:

Holden, Dan, “Creativity is the key to education, so why aren’t we pursuing it?“, New Statesman, 17 novembre 2014

Tran, Sébastien, “Faut-il enseigner l’innovation aux étudiants ?“, The Conversation, 16 février 

Pavie, Xavier, “Réapprendre aux étudiants ce qu’est l’imagination“, Huffington Post, 11 mars 2016

Vint, Larry, “Fresh Thinking Drives Creativity & Innovation“, Quick – Journal of the Queensland Society for Information Technology in Education, no.94, Automne 2005 [document PDF]

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À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

1 commentaire

  • J’ai beaucoup de difficulté avec les gurus qui viennent nous dire que la connaissance est l’ennemi de l’innovation. Ce n’est pas la première fois. On nous envoie 3 principes ou 7 vertus qui sont la plupart du temps non vérifiables. Ce sont des opinions bien énoncées, mais dangereuses. N’est-ce pas exactement le discours de Trump? Mes croyances ont autant de poids que vos connaissances, et même plus. La science est l’ennemie de l’avancement? Hum!

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