Dans le Chronicle, un article qui ressemble étrangement à une annonce gratuite pour un produit éducatif : le zyBooks. Il s’agit d’une plate-forme Web qui permet aux enseignants d’ajouter des animations ou des questionnaires aux textes qu’ils soumettent à leurs étudiants pour les dynamiser. Une affirmation de Frank Vahid, un professeur d’informatique à la University of California at Riverside et fondateur de la compagnie, fait toutefois sursauter le lecteur: D’après lui, “Every time students see a wall of text, they skip it”. La plupart des 51 commentaires qu’a suscités l’article réagissent aussi à cette citation, se demandant si des étudiants qui ne sont pas prêts à lire des “murs de textes” sont à leur place dans une université…
L’article explique toutefois que si les livres électroniques ne sont pas nouveaux, « the “next step” is for such textbooks to personalize information and to encourage interactivity and collaboration with other students » [nos emphases]. Dans un billet d’opinion, le consultant et blogueur Michel Guillou évoque cette même crise d’attention des récepteurs (dont les étudiants). Par exemple, on rappelle que « En 2014, le temps de lecture accordé à un article de presse était cinq fois moins important qu’il y a dix ans. » (Frank, 2015)
Ainsi, les médias sont confrontés, depuis un bon moment déjà, au grave problème de la rareté de l’attention de leurs lecteurs, auditeurs, spectateurs… à tel point qu’on parle d’un modèle économique propre. Wikipédia cite à juste titre Herbert Simon dans son article pour définir l’économie de l’attention :
« Dans un monde riche en information, l’abondance d’information entraîne la pénurie d’une autre ressource : la rareté devient ce qui est consommé par l’information. Ce que l’information consomme est assez évident : c’est l’attention de ses receveurs [NDLR: sic]. Donc une abondance d’information crée une rareté d’attention et le besoin de répartir efficacement cette attention parmi la surabondance des sources d’informations qui peuvent la consommer.
[…] De leur côté, les enseignants, les professeurs sont confrontés aussi aux mêmes difficultés. Si les élèves disposent d’une attention, elle n’est que rarement disponible pour les apprentissages alors qu’elle est fortement mobilisée au service du microcosme et de ses interactions sociales… » [gras dans le texte original]
Guillou souligne que différentes stratégies existent pour répondre à cette rareté de l’attention:
« L’autre solution consiste à booster l’impact de ses contenus en optimisant la contextualisation et la personnalisation des contenus créés. » dit-on sur le […] blogue [Mediaculture] en évoquant les possibilités nouvelles de géolocalisation, d’optimisation de la fidélité mentale et temporelle… qui tiennent comptes des moments de la socialisation et concourent à éclairer davantage les contenus d’information de leur contexte, d’un contexte personnalisé. »
Afin de “restaurer l’attention” des étudiants, Michel Guillou invite les institutions d’enseignement à « rénover de fond en comble les modalités d’enseignement, les espaces, les lieux, les temps, les services, les missions… » « …pas pour dans dix ans, ni pour demain, mais pour tout de suite, aujourd’hui. » (emphase dans le texte original)
Est-ce que les stratégies présentées par Cyrille Frank de Médiaculture pourraient être appliquées à l’Université? Peut-on imaginer de la formation dont les contenus seraient géolocalisés, ciblés chronologiquement à différents moments de la journée et sélectionnés en fonction des besoins d’interactions avec les autres apprenants ou de réflexion critique plus individualisée?
Sources:
Bernhard, Meg, « Web Platform Seeks to Give Students an Alternative to the ‘Wall of Text’ », Wired Campus – The Chronicle of Higher Education, 14 juillet 2015
Frank, Cyrille, «Economie de l’attention : au delà des contenus, il faut cibler et contextualiser davantage ! », Médiaculture, 16 juillet 2015
Guillou, Michel, « Mobiliser pour de bon l’attention des élèves, un défi pour l’école d’aujourd’hui », Culture numérique – Étonnants microcosmes,