Le 13 juillet, The Chronicle of Higher Education rapportait la publication d’un nouvel article constatant l’inflation continue des notes universitaires de premier cycle dans les dernières décennies. En 2009, la note A était accordée dans 43% des cas au sein des 200 établissements étudiés (contre 15% en 1960 et 31% en 1988). La tendance serait encore plus marquée dans les institutions privées, qui accordent globalement plus de A et de B combinés que les institutions publiques qui ont les mêmes critères de sélection. D’autres variables entrent en ligne de compte, tels que la localisation géographique ou la spécialité enseignée.
L’auteur principal, le professeur retraité Stuart Rojstaczer (sciences de l’environnement, Duke University), a déjà publié à ce sujet auparavant et il tient un site web dédié à cet objet d’étude qui affiche cette tendance à l’inflation sur de nombreux graphiques très éloquents.
L’auteur rapporte deux conséquences négatives possibles : 1) les notes perdent de leur valeur motivationnelle pour les étudiants et 2) elles ne sont plus un outil d’évaluation aussi valable pour candidatures aux études supérieures, ni pour les employeurs. L’auteur de l’étude conclut en parlant d’une perte de sens des notes accordées si des balises ne sont pas établies. Il est clair pour lui que l’inflation est causée par une évaluation trop laxiste.
Si le professeur Rojstaczer explique (depuis longtemps) cette inflation par des évaluations de plus en plus laxistes, cette interprétation n’est pas acceptée par tous. Les scores aux tests d’intelligence et aux SAT n’ont cessé d’augmenter eux aussi alors qu’il s’agit, en principe, d’évaluations objectives (il y a tout un débat à ce sujet aussi, mais c’est une autre histoire pour un autre billet…). D’autres spécialistes expliquent plutôt cette inflation par une meilleure préparation des étudiants d’aujourd’hui aux études universitaires. Ils auraient de meilleures notes tout simplement parce qu’ils les méritent.
Mon commentaire
Les données sont formelles pour nous montrer l’inflation des notes. C’est l’interprétation de ce mouvement à la hausse qui fait l’objet de débats. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose que les notes augmentent continuellement? C’est une bonne chose si les notes plus fortes témoignent d’apprentissages en progression, mais pas si elles témoignent de critères d’évaluation à la baisse. Si les notes sont méritées et qu’elles continuent d’augmenter, il viendra peut-être un moment où l’on devra faire la sélection de candidats sur une autre base que les notes. Cela pose la question de la fonction de l’évaluation : sert-elle essentiellement à faire état des apprentissages réalisés ou à discriminer des niveaux de performance? Si tous les étudiants apprennent ce qui est attendu d’eux, mais qu’il reste des individus qui vont au-delà des attentes, comment peut-on en rendre compte sans pénaliser qui que ce soit?
On assiste à une reprise du débat entre une certaine conception de l’évaluation normative des apprentissages où l’on cherche à « départager les forts des faibles », contre l’évaluation critériée, qui vise plutôt à vérifier jusqu’où les connaissances attendues ont bel et bien été acquises. Malheureusement, les données et analyses présentées dans les travaux du professeur Rojstaczer ne permettent pas de savoir sur quelle base les notes sont accordées dans les établissements (évaluation normative ou critériée?). Et comme il existe des variations au sein même des établissements, c’est loin d’être une question simple. D’autant plus qu’il y a de farouches défenseurs de chaque approche évaluative (normative vs critériée).