À la suggestion de notre collègue Maryse Beaulieu, nous avons lu et vous offrons un résumé de cet article scientifique sur un sujet qui préoccupe toujours beaucoup les enseignants, soit les conséquences de l’utilisation des appareils électroniques en classe. La principale découverte des auteurs est que la présence de ces appareils ne nuit pas nécessairement à la compréhension de l’exposé magistral, mais plutôt à la rétention des faits à long terme. Extrait de l’abstract:
…In a two-section college course, electronic devices were permitted in half the lectures, so the effect of the devices was assessed in a within-student, within-item counterbalanced experimental design. Dividing attention between an electronic device and the classroom lecture did not reduce comprehension of the lecture, as measured by within-class quiz questions. Instead, divided attention reduced long-term retention of the classroom lecture, which impaired subsequent unit exam and final exam performance. […] Exam performance was significantly worse than the no-device control condition both for students who did and did not use electronic devices during that class.
Après une revue de littérature sur la division de l’attention entre diverses tâches, on expose notamment le fonctionnement de la mémoire limbique. En plus des “coûts” occasionnés par la sélection de l’information pertinente entre les tâches (selection effect) et l’alternance d’une tâche à l’autre (switching effect), Glass et Kang présentent l’effet de la division de l’attention sur la rétention de l’information.
…Both selection and switching immediately degrade performance on at least one, and usually both tasks, causing an immediate effect of divided attention. However, there is a third, delayed effect of divided attention on retention. When attention is divided between two tasks, fewer targets of a study task are subsequently remembered (Mulligan & Picklesimer, 2016). Even when there is little or no selection or switching effect, divided attention reduces retention of the targets for both tasks.
D’intérêt pour les enseignants, on présente également l’importance de questions-réponses pour acquérir de l’information à long terme:
…[Q]uestion-answering does not increase performance on immediate or short-term but only on long-term retention because its effect is mnemonic. It does not facilitate learning but long-term retention. The specific effect on only long-term retention has been confirmed by both laboratory (Karpicke & Roediger, 2007, 2008) and classroom studies (Glass, Ingate, & Sinha, 2013).
118 étudiants ont participé à l’étude. 72 dans une section et 46 dans l’autre. Ils ont reçu les mêmes cours de psychologie cognitive à la suite les uns des autres: 25 cours de 80 minutes composés de leçons magistrales, de quiz et d’examens. Les étudiants n’avaient le droit de consulter leurs appareils électroniques que lors de la moitié de ces cours. À la fin de chaque séance, on posait quelques questions en ligne (et alors on permettait l’utilisation de l’appareil). Chacune de ces questions avait un équivalent qui serait posé aux examens de fin de module et de fin de semestre. Ce sont ces questions après chaque cours et celles aux examens plus formels qui distinguaient entre compréhension et rétention à long terme.
Les étudiants déclaraient eux-mêmes s’ils avaient consulté leurs appareils pendant un cours. Les résultats à cette dernière question nous semblent intéressants:
- 79 étudiants (presque 67 %) considéraient avoir consulté leurs appareils pour plus de la moitié des cours où les appareils étaient permis.
- Sur ce nombre, 43 (36 %) avouaient les avoir consulté à chaque fois que c’était permis.
- 30 étudiants (25 %) évaluaient avoir utilisé leurs appareils moins de la moitié des fois où c’était permis.
- 6 étudiants (0,05 %) déclaraient n’avoir jamais utilisé leurs appareils.
D’après les auteurs, il s’agirait de la première étude qui démontre directement en classe que l’utilisation des appareils électroniques nuit non seulement à la rétention long terme des utilisateurs, mais aussi à celle des étudiants environnants, alors que la vaste majorité des étudiants avait choisi de les utiliser (87 contre 6). Alors que la différence entre les étudiants ayant utilisé régulièrement leurs appareils et ceux l’utilisant plus rarement n’est pas significative dans les quiz après les cours, le groupe ayant utilisé plus souvent les appareils a eu des notes plus faibles d’environ 5 % aux examens semestriels.
Il nous semble toutefois important d’examiner les résultats de cette étude de manière critique, en les replaçant dans le contexte de la formation au XXIe siècle. Jamais l’étude n’interroge la méthode de formation (ce n’est pas non plus son but). N’y a-t-il pas lieu de se demander si les leçons magistrales et les quiz pendant 80 minutes sont la meilleure manière d’enseigner à ces étudiants facilement distraits par leurs appareils? De même, dans un monde où la connaissance est facilement accessible en ligne, à quel point la rétention à long terme de certains éléments théoriques est-elle nécessaire? Il ne s’agit pas de cesser d’enseigner des notions fondamentales – la rétention à long terme de fondamentaux demeure essentielle – , mais bien de se demander si le temps de contact en classe ne serait pas plus utilement consacré à l’enseignement de savoir-faire et de savoir-être, qui requièrent une grande rétroaction. Se repérer dans la masse d’information disponible et savoir où trouver l’information nous semblent devenus au moins aussi importants que de retenir des faits.
Source: (2018) “Dividing attention in the classroom reduces exam performance”, Educational Psychology, DOI: 10.1080/01443410.2018.1489046