J’ai récemment fait un survol global (en « haute altitude ») de la recherche sur la classe inversée. Si l’exercice est quelque peu impressionniste (son approfondissement dépasserait la portée attendue d’un article de L’éveilleur), il révèle tout de même des informations utiles et intéressantes. Voici comment je m’y suis pris et ce que j’en ai retenu.
D’entrée de jeu, il faut souligner que l’expression « classe inversée » est récente, et donc que les principales publications savantes à ce sujet le sont aussi. Bien que la formation hybride (blended learning), dont la classe inversée fait partie, existe depuis beaucoup plus longtemps que l’expression « classe inversée » elle-même, je n’ai pas fait non plus la démarche fastidieuse d’identifier les publication portant sur le blended learning qui traitent en fait de classe inversée sans la nommer ainsi.
J’ai entré le mot-clé flipped classroom sur le portail éducation de l’éditeur de publications savantes Springerlink et dans l’outil de découverte du Service des Bibliothèques de l’UdeS et fait un balayage des premiers résultats (les plus récents) et de résumés d’articles. Voici un aperçu préléminaire de ce qui ressort de cet exercice. Je n’ai consulté que les références anglophones, puisque c’est là que se situe la majorité des publications.
Premier constat : selon les résultats de recherche avec l’outil de découverte du Service des bibliothèques de l’UdeS, le nombre de publications scientifiques et révisées par des pairs répondant à l’expression « flipped classroom » prend son réel envol seulement à compter de 2012 ou même 2013 :
- 43-91 articles/an entre 2004-2011 (il ne s’agit pas d’une progression, mais plutôt de variations en dents de scie d’une année à l’autre);
- 161 articles en 2012;
- 262 articles en 2013;
- 376 articles en 2014;
- 255 article à ce jour en 2015 (il faudra attendre les statistiques complètes de 2015 pour savoir si la croissance s’est poursuivie).
Quelques constats supplémentaires liés à la « récence » du sujet :
- Une grande quantité d’articles décrivent ce qu’est une classe inversée, comment elle peut-être bénéfique, et comment l’implanter. Ces articles ou chapitre de livres rapportent généralement peu ou pas de nouvelles données de recherche.
- Plusieurs auteurs soulignent que même si la formule de la classe inversée est relativement récente (du moins sous ce nom), les principes sur lesquels elle repose sont eux-mêmes fort bien documentés par la science.
- Il y a beaucoup d’anecdotes, de comptes-rendus et de recherches publiés depuis que l’expression est à la mode, avec divers degrés de qualité méthodologique.
- Il faut quand même rester nuancé : la majorité des articles qui rapportent des résultats nouveaux font état d’une expérience bien précise dans un contexte spécifique (ex. un seul cours avec comparaison pré-post). Il faudra donc quelques années, des études comparatives à plus large échelle et des méta-analyses pour tirer des conclusion globales « en béton ».
- D’ici là, des contradictions surviennent parfois entre certains résultats rapportés pour des expériences différentes de classe inversée. Elles s’expliquent vraisemblablement par des variables contextuelles, que la recherche précisera éventuellement.
Quelques exemples d’articles récents dans des revues savantes qui documentent ce que la classe inversée améliore (je n’ai pas analysé la méthodologie des études et ne peut donc pas poser de jugement sur leur rigueur) :
- Plus efficace et motivante que la formation par simulations informatisées. http://link.springer.com/article/10.1007/s11423-013-9305-6
- Plus stimulante pour les étudiants, aide les étudiants à apprendre et améliore le « self-efficacy », par rapport à une classe traditionnelle. http://link.springer.com/article/10.1007/s11528-013-0698-1
- Améliore la perception du cours par les étudiants, mais pas nécessairement leur performance. http://link.springer.com/article/10.1007/s10639-015-9393-5
- Apprentissage plus en profondeur avec plus grand engagement et motivation pour des lectures supplémentaires, pour encore mieux comprendre la matière. http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-10482-9_18
- Amélioration des résultats aux évaluations d’apprentissages. Expérience subjective d’apprentissage améliorée et intérêt rehaussé pour le sujet du cours. http://link.springer.com/article/10.1186/1472-6920-14-181
- Meilleure performance des étudiants, plus grande appréciation du cours par rapport au format traditionnel du même cours les années précédentes. http://link.springer.com/article/10.1007/s40670-014-0092-4
Il s’agit donc d’un créneau à surveiller, dont les résultats de recherche les plus intéressants sont à venir.