Je poursuis mon rattrapage des textes 2019 du Thot Cursus, amorcé dans la dépêche précédente. Un autre texte de Denis Cristol intitulé “10 critères pour qualifier des formation d’innovantes” m’a intéressé au plus au point.
J’ai déjà écrit dans le passé sur le fait que je trouvais que le mot “innovation” était fort galvaudé dans nos milieux universitaires. Cristol va dans le même sens, évoquant le fait que des « dispositifs […] sont présentés comme innovants parce que numériques » ou qu’il faut « être attentif à ce qui tient lieu de découverte locale, d’effet de mode, de bricolage intelligent. ». D’après lui (et j’y souscris), pour parler d’innovation, il faut s’inscrire dans le temps long, voire très long.
Il propose ainsi les dix critères suivants pour qualifier l’innovation en formation. Il convient lui-même qu’ils sont “en discussion” et “pour réfléchir”, qu’il peut y en avoir d’autres, qu’ils « méritent certainement d’être débattus, complétés, outillés pour décrire, etc. » C’est également dans cette perspective dialogique qu’ils m’intéressent…
1- Entreprise/école formatrice vs entreprise/école capacitante: Qui permet l’action. « …[S]ortir de l’idée qu’apprendre signifie être complété par des savoirs extérieurs à soi, éloignés de ses aspirations profondes, déliés d’un contexte. »
2- L’inclusion des non-publics : « À chaque fois qu’un éducateur ou un formateur réussit l’inclusion, […] on est probablement face à un bon travail pédagogique voire à de l’innovation. »
3- L’ouverture et l’hospitalité des idées : « L’hospitalité des idées neuves, l’exploration ne sont pas la règle mais l’exception. Pourtant c’est dans l’art de la rencontre avec ce que l’on ignore que niche probablement l’intelligence. »
4- Interdisciplinarité et multiplicité des angles: « L’innovation c’est lorsque des ponts font se rejoindre des courants de pensées. »
5- Mélange des publics, sérendipité: « L’innovation c’est lorsqu’un dispositif décline in concreto l’idée que tout acte pédagogique est un acte coopératif, et que l’on peut espérer de surcroît un renforcement des liens démocratiques par l’effet d’une imprégnation coopérative dans son mode de penser et d’agir. » [NDLR: en gras dans le texte original]
6- Changement des finalités : apprendre pour la communauté plutôt que pour soi : « La véritable innovation est d’apprendre pour soi et sa communauté de travail et pas seulement pour sa carrière. »
7- Flux plutôt que stock de savoir : Des contenus en ligne ne se suffisent pas à eux-même. « [L]es apprenants [….] sont opportunistes et circulent dans les réseaux, cueillent des informations et grappillent en juste à temps des données qu’ils produisent et enrichissent. »
8- Posture orienté vers la projection de soi dans le futur : « La véritable innovation c’est de parvenir à faire se rencontrer une offre Inachevée plutôt que clôturée. […] Laisser de la place à l’apprenant, accepter une part de vide et d’incertitude provoque de l’envie de s’engager et oblige à investiguer car tout n’est pas joué d’avance. »
9- Questions ouvertes: « Ce qui a de la valeur est moins la donnée en elle-même que la capacité à en interroger le sens et à construire de nouvelles hypothèses à la faire évoluer. »
10- Contenus évolutifs : « Il est toujours innovant de renouveler les manières d’apprendre à penser avec les idées de demain plutôt que seulement avec les méthodes et les certitudes du passé. »
En conclusion, Cristol en appelle à de l’humilité face à l’innovation, voire à
“abandonner l’idée d’innover et promouvoir celle de diversifier”. Voilà qui me semble un impératif plus réaliste.
Source: Cristol, Denis, ” 10 critères pour qualifier des formation d’innovantes “, Thot Cursus, 26 février 2019 [m. à j. 4 avril 2019]