Ce titre du Times Higher Education a forcément attiré mon attention… Pour le professeur de leadership en enseignement supérieur Peter Ghazarian de l’Université d’état de New York (Oswego), la fosse des inscriptions (enrolment cliff; [que Deepl.com traduit par « falaise des inscriptions » (sic)]) représente une « menace bien plus fondamentale et à long terme » que les attaques de la nouvelle administration Trump contre les milieux universitaires américains.
Ce que l’on entend par « enrolment cliff » ? « Le plus grand nombre de naissances dans l’histoire des États-Unis a été enregistré en 2007, ce qui signifie que 2025 est l’année où l’on s’attend à une « fosse des inscriptions ». (Jack, 2025; traduit avec DeepL.com) Les récentes années ont été caractérisées par une population étudiante importante parfois qualifiée d’ « echo-boom », soit la génération des enfants des baby-boomers. Les années à venir verront nécessairement cette population décliner.
Toujours selon le professeur Ghazarian, « Les changements de politique représentent des tempêtes pendant le voyage – la fosse des effectifs est une question de baisse du niveau de la mer et de navires qui se retrouvent piégés et s’échouent. […] Le déclin du nombre de personnes étudiantes en âge de fréquenter l’université n’est pas un problème politique temporaire ; il s’agit d’une réalité démographique à laquelle les établissements devront faire face au cours des prochaines décennies. » (Jack, 2025; traduit avec DeepL.com)
Le professeur Ghazarian note cependant que les décisions politiques à court terme peuvent exacerber l’impact de la baisse démographique: « Les politiques d’immigration isolationnistes et les attaques politiques continues contre l’enseignement supérieur pourraient aggraver la crise en diminuant la confiance et l’intérêt du public pour l’enseignement supérieur » (Jack, 2025; traduit avec DeepL.com)
C’est sans doute ce qui amène Michael Nietzel, ancien recteur de la Missouri State University, à affirmer « Je pense que le temps sera très orageux pour l’enseignement supérieur au cours des quatre prochaines années. […] Il faudra réduire les budgets et les effectifs des universités, probablement moins de programmes académiques et certainement moins de personnel, pour qu’elles puissent survivre à cette période.» (Jack, 2025; traduit avec DeepL.com)
Et chez nous?
La situation est assez différente au Canada où la faible population étudiante et la baisse du financement de l’enseignement supérieur ont amené les institutions à s’appuyer de plus en plus sur le recrutement international au fil des années…
« Avec le ralentissement des inscriptions nationales, de nombreux établissements se sont tournés de plus en plus vers les inscriptions de personnes étudiantes de l’international pour combler la différence. Entre 2007-2008 et 2016-2017, les inscriptions d’étudiants internationaux ont augmenté de 123 %, tandis que les recettes provenant des frais de scolarité internationaux ont augmenté de 218 %. Cette explosion des inscriptions de personnes en provenance de l’international s’est également traduite par un nouveau financement de 3,25 milliards de dollars, alors que les inscriptions d’étudiants nationaux n’ont rapporté que 2,34 milliards de dollars. » (Owens, 2020; traduit avec DeepL.com; nos emphases)
Or le recrutement de personnes étudiantes internationales diminue partout sur la planète. Déjà en 2020, Graeme Owens, PDG de la firme Boreal Education, annonçait des années difficiles pour l’enseignement supérieur canadien, compte tenu de la baisse alors remarquée des inscriptions internationales:
« Un sondage réalisé par Collèges et Instituts Canada avant le semestre d’automne [2020] montrait que les collèges s’attendaient à une réduction d’environ deux tiers des nouvelles inscriptions internationales par rapport à 2019-20. Leurs craintes se sont concrétisées. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a constaté une baisse de 60 % des permis d’études entre avril et juin [2020] et seulement 10 % du volume de visas traités à la même période l’année précédente. » (Owens, 2020; traduit avec DeepL.com; nos emphases)
Et la journaliste Moira MacDonald du magazine canadien Affaires universitaires confirmait ce déclin en décembre 2024:
« Les universités de partout au pays doivent serrer les cordons de leur bourse après la chute vertigineuse – parfois de plus de 50 % – des inscriptions étrangères. Et ce n’est pas fini : le fédéral resserrera encore les exigences d’immigration dans les deux prochaines années. […] « Attendez-vous à d’importantes coupures dans les programmes et services, prévient [Steve Orsini, président du Conseil des universités de l’Ontario]. Les services étudiants (encadrement, orientation de carrière, santé mentale, logement, activités parascolaires) représentent une part de plus en plus importante du budget. Tout ça risque d’en pâtir. » (MacDonald, 2024; nos emphases)
Quand on se compare… on se console?
« La situation est moins alarmante au Québec, où les inscriptions étrangères à l’université n’ont diminué que de 1 %. La province n’est pas hors de danger pour autant : la moitié des universités québécoises comptent sur les inscriptions étrangères pour pallier le manque d’étudiantes et d’étudiants canadiens, indique un rapport de la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université » (MacDonald, 2024)
Dernière heure: Au moment d’écrire ces lignes, la ministre québécoise de l’enseignement supérieure, Mme Pascale Déry, confirme un quota de recrutement à l’international pour les universités et les collèges:
« Comme pour les cégeps, Québec donne un coup de frein dans le nombre d’étudiants étrangers admis dans les universités en plafonnant la délivrance des certificats au niveau de 2024. Or, il s’agit d’une année où le nombre d’admissions a connu « une légère baisse », notamment en raison des actions du gouvernement fédéral, qui a plafonné pour une période de deux ans le nombre d’étudiants étrangers admis au pays. Selon la ministre, il s’agit d’une mesure « responsable, équilibrée et balancée ». […]Selon elle, le décret va « encourager et même pousser » les établissements universitaires « à mieux recruter des étudiants » pour être « certains qu’ils vont vraiment venir au Québec ». Mme Déry estime que leur « autonomie institutionnelle » est conservée, puisque les établissements vont « gérer la distribution » de leur quota. » (Lévesque, 2025)
Sources:
Jack, Patrick (25 février 2025), Enrolment cliff ‘more fundamental’ threat to colleges than Trump, Times Higher Education, United Kingdom.
MacDonald, Moira (16 décembre 2024), Baisse des inscriptions étrangères: une crise sans précédent chez les universités, Affaires universitaires, Ottawa, Canada.
Lévesque, Fanny (26 février 2025), Étudiants étrangers – Québec impose un plafond aux établissements, La presse,
Owens, Graeme (17 novembre 2020), Postsecondary Enrolment in Canada is Set to Stagnate Until the 2030s, LinkedIn.