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Diplômes nationaux contre diplômes d’établissement (France)

Une enquête de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France) publiée le 16 juillet 2014 dénonce 33 universités qui sélectionnent les étudiants à l’entrée de la licence et du master. Or « [l]e code de l’éducation garantit à l’ensemble des bacheliers l’accès à la formation universitaire de leur choix, à l’exception des IUT, BTS, écoles, grands établissement et préparation aux concours. Les licences ne font pas partie de ces exceptions et la sélection y est donc illégale », a déjà mentionné l’UNEF, qui impute cette pratique à un contexte budgétaire difficile pour les universités.

Interpelée, la secrétaire d’État à l’enseignement supérieure, Geneviève Fioraso, voit la sélection à l’université comme un symptôme d’une maladie plus grave liée à un manque d’information sur les débouchés professionnels de toutes les filières de l’enseignement supérieure. Selon sa lecture de la situation, pas assez d’étudiants choisissent les STS (sections de techniciens supérieurs) et le IUT (instituts universitaires de technologie) ou, autrement dit, trop d’étudiants choisissent l’université.

C’est en lisant l’article de Nathalie Brafman du 18 juillet qu’on comprend le lien entre la sélection et la délivrance d’un diplôme national : un avis du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (Cneser) du 26 mai avait souligné l’incompatibilité entre la délivrance de diplômes nationaux de licence et la sélection à l’entrée des parcours de premier cycle.
« Le ministère nous a dit que nous n’avions qu’à transformer nos licences nationales en licences d’établissement donnant le grade de licence », indique Laurent Batsch, président de Paris-Dauphine. C’est ce que Paris-Dauphine a fait. En fait, l’article de Nathalie Stromboni du 22 juillet apporte d’autres précisions : Si les deux premières années de l’établissement dauphinois étaient déjà dans cette configuration [avec le DEGEAD  et le DEMI2E], ce sera ainsi l’intégralité du premier cycle qui sera, à compter de la rentrée 2015, estampillé “seulement” Dauphine. C’est là un fait très rare pour une licence et qui soulève la question de la reconnaissance d’une licence d’établissement pour entrer dans un master.

La CPU (Conférence des présidents d’universités) et certaines universités, comme Toulouse et Avignon, avancent que tout est question de bon sens selon les filières. Les exigences d’un programme ou le nombre de places disponibles pour un programme peuvent justifier une sélection.

Enfin, pour compliquer encore plus la situation, la Conférence des grandes écoles vient de déposer une requête contre l’État sur le diplôme national de master réservé aux établissements privés. Si l’État a le monopole de la collation des grades et des titres universitaires, cela signifie que lui seul peut accréditer des établissements à délivrer des diplômes nationaux de licence ou de master, reconnaît la CGE, mais cela ne permet pas pour autant que ces diplômes nationaux soient réservés à une catégorie déterminée d’établissements. (de l’article de Sylvie Lecherbonnier)

À cette question épineuse de la sélection de la nature des diplômes se greffe celle des frais d’inscription. Si les frais sont règlementés pour les diplômes nationaux, ils ne le sont pas pour les diplômes d’établissement. On craint une envolée des coûts pour les diplômes d’établissement.

Toute cette tempête serait-elle un signe des temps à rattacher à deux phénomènes : les coûts de la formation universitaire et les fameux palmarès des meilleures universités?

L’automne, voire l’année, qui vient promet d’être mouvementé.

Sources –

Floc’h, Benoît. L’UNEF dénonce 42 universités pratiquant frais illégaux et sélection. Le Monde. 16 juillet 2014.

Nourry, Marie-Anne. Sélection à l’université : entre illégalité et bon sens. L’Étudiant – Educpros. 16 juilllet 2014.

Brafman, Nathalie. L’université Paris-Dauphine opte définitivement pour la sélection. Le Monde. 18 juillet 2014.

Floc’h, Benoît. Geneviève Fioraso : « Notre objectif n’est pas d’augmenter la sélection à l’université ». Le Monde. 18 juillet 2014.

Stromboni, Camille. Licence : l’université Paris-Dauphine en quête du grade. L’Étudiant – Educpros. 22 juilllet 2014.

Lecherbonnier, Sylvie et Stromboni, Camille. Confidentiel. Master : les grandes écoles attaquent l’État. L’Étudiant – Educpros. 22 juilllet 2014.

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Sonia Morin

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