La tendance aux programmes développés autour de l’idée de “Competency-Based Learning” (des formations basées sur la démonstration de l’atteinte de seuils d’habileté ou de compétence plutôt que sur le cumul de crédits) s’étend aux États-Unis. Devant la prise de position favorable du Département américain de l’éducation en ce sens, quelques universités privées ont rapidement annoncé leur volonté d’offrir ce type de formation (Southern New Hampshire University, Western Governors University).
Le mouvement s’étend maintenant aux institutions dites “publiques”; ainsi, le Chronicle of Higher Education fait état de l’expérience de l’Université du Wisconsin qui s’apprête à lancer sa Flexible Option, un type de programme où l’expérience professionnelle doublée d’une formation pratique très ciblée permettraient aux étudiants de se voir créditer de larges pans du programme. L’institution entend ainsi élargir son bassin de recrutement et favoriser la diplomation d’étudiants qui, souvent, peinent à compléter un programme de formation alors qu’ils sont déjà actifs sur le marché du travail.
L’article soulève plusieurs enjeux dignes de mention:
- Les nombreuses résistances à l’interne
Elles se manifestent notamment par des réserves émises quant au fait que les modalités d’évaluation envisagées suffisent à rendre compte du niveau d’habileté d’un individu. On craint également de perdre de vue l’importance du temps et des efforts consacrés dans le cadre d’un cours au profit d’une formation ponctuelle qu’on devine plus superficielle. Certains brandissent également le spectre de voir ces institutions se convertir en “usines à diplômes” ou le risque que ce mode de formation n’en vienne à accaparer des ressources (financières, humaines…) qui se font de plus en plus difficile à obtenir.
- Les multiples défis que pose l’implantation de ce nouveau mode de formation
On y trouve des défis techniques et logistiques, notamment la création d’un système administratif permettant de suivre la progression des étudiants selon la démonstration de leurs capacités et non en fonction des cours complétés. Il y a également les difficultés liées au besoin de découpler l’évaluation et l’enseignement, traditionnellement imbriqués. On évoque également l’ampleur de l’investissement requis sur le plan des ressources humaines, ne serait-ce que pour répondre à l’augmentation des besoins d’encadrement individualisé. Sur le plan pédagogique, l’article soulève la difficulté de définir le niveau de maîtrise exigé d’un sujet de même que d‘identifier des manifestations observables sur lesquelles reposeront l’ensemble des modalités d’évaluation prévues. Le corps enseignant va jusqu’à s’interroger sur la redéfinition du niveau de passation d’un “cours”, le seuil traditionnel n’apparaissant plus suffisant pour créditer des pans entiers de la formation.
Au final, l’article trace un bilan provisoire somme toute positif de l’expérience vécue à la University of Wisconsin. Il rapporte que l’exercice a mené à une réflexion approfondie sur la rigueur académique (et ce autant dans le cadre de la Flex Option que dans les programmes dits réguliers) de même qu’à un souci très net que les diplômes Flex ne soient pas des diplômes à rabais. Les responsables en arrivent au constat que la formation Flex ne s’oppose pas à la formation traditionnelle, ni ne la remplace; elle la complète.
Sources:
Carlson, Scott, “Competency-Based Education Goes Mainstream in Wisconsin“, The Chronicle of Higher Education, 30 septembre 2013.
Dubé, Jean-Sébastien, “Le Département américain de l’éducation encourage le “competency-based learning“, L’Éveilleur, 22 mars 2013.