Notre collègue Miguel Aubouy est conseiller à l’innovation au Groupe de partenariats d’affaires du Service d’appui à la recherche, à l’innovation et à la création de l’UdeS. Il est aussi chargé de cours à HEC Montréal où il enseigne notamment le cours « Innovation entrepreneuriale », au MBA. Il a été chercheur en physique, ingénieur, entrepreneur et écrivain.
Il a publié l’an dernier (2022) L’innovation comme science: une approche universelle aux éditions Nullius in Verba.
Pour lui, le processus d’innovation est le même en sciences de la nature, en ingénierie, en entrepreneuriat ou en art. Il est intéressant d’en identifier des fondamentaux, non pas de manière à reproduire une recette pour provoquer des innovations de rupture, mais davantage pour adapter nos organisations au besoin qu’elles ont de se renouveler pour s’adapter aux changements majeurs que nous vivons au XXIe siècle.
À partir des histoires de l’invention de l’aspirateur sans sac par James Dyson, de la découverte de la pénicilline par Alexander Flemming, de l’avènement du cubisme par Pablo Picasso ou de l’invention du micro-crédit par Muhammad Yunus, Miguel Aubouy développe une théorie de l’innovation basée sur un processus où une observation-clé (un détail négligé) mène à une idée-clé (la solution à un problème) qui se matérialise sous forme d’un objet-clé (le prototype d’un produit ou d’un service, premier état de ce qui se diffusera éventuellement dans la population). Chacun de ces éléments comporte certains attributs caractéristiques qui permettent de les repérer : l’observation-clé est méprisée, l’idée-clé est vivante, l’objet-clé est domestiqué, etc.
À chacune des étapes du processus, la personne innovatrice va vivre une tension et elle devra trouver un équilibre pour avancer : obsession vs. curiosité pour l’observation-clé, originalité vs. lieu commun pour l’idée-clé, identité vs. métamorphose pour l’objet-clé.
Par extension, le livre de Miguel Aubouy nous indique quoi ne pas faire si l’on veut favoriser l’innovation dans nos milieux : il présente notamment l’histoire du Segway de Dean Kamen comme un exemple de gestion inappropriée de l’innovation : « Pour changer les manières de faire, on a besoin de savoir comment fonctionne le changement », explique Aubouy en entrevue avec Pierre Sormany dans Québec Science (2023).
Dans cette même entrevue, il a des remarques fort pertinentes sur l’éducation qui, je crois, permettent de réfléchir à l’université et au genre de programmes qu’on veut y offrir :
« [C]ela nous dit quelque chose de très intéressant par rapport à l’éducation. On ne nous apprend pas à nous intéresser à ce qui est méprisé collectivement. Un innovateur ou une innovatrice, en ce sens, remet en cause une hiérarchie sociale. Ce qui est insignifiant fait soudainement l’objet d’une attention qui n’aurait pas lieu d’être.
[…]Avec l’éducation, il y a une domestication du savoir. On nous apprend le bien et le mal, la hiérarchie des valeurs, ce qui est vrai et faux, et c’est très bien ainsi. Mais il y a une autre dimension qui est l’émancipation : faire grandir les gens dans un savoir qu’ils peuvent mettre en doute. Et cette dimension est souvent négligée. Combien de cours avez-vous eus qui cherchaient à vous enseigner la curiosité, la remise en question des savoirs ?
Mais la créativité et l’innovation commencent à être à la mode pour des raisons économiques et écologiques. Je pense que cela va nous amener à repenser l’éducation. »
En ce qui me concerne, c’est une lecture qui va certainement continuer de m’habiter alors que je réfléchis à la nature de l’innovation pédagogique et aux meilleures manières de l’accompagner.
Sur une note plus personnelle, j’ai particulièrement aimé les courts encadrés aux titres percutants et aux contenus inspirants comme « Personne innovatrice versus personne créatrice », « curiosité versus culture » ou « L’objet clé est débile ».
Sources:
Aubouy, Miguel (2022), L’innovation comme science: une approche universelle, Les éditions Nullius in Verba, 220 p..
Sormany, Pierre (2 février 2023), « La recette universelle de l’innovation », Québec Science.
