On savait que certaines intelligences artificielles (IA) pouvaient rédiger des textes journalistiques simples (article de Marc Couture, février 2019). Cependant la vitesse à laquelle ces logiciels deviennent accessibles aux personnes étudiantes aura lieu d’étonner certains membres du personnel enseignant.
Ma collègue Sonia Morin se préoccupait déjà de tels outils et de leurs conséquences sur la lutte au plagiat en octobre 2019 et en avril 2020.
Peritz prend le temps d’expliquer le fonctionnement de telles lA…
« …[L]a personne étudiante introduit d’abord dans le programme un texte provenant d’une ou de plusieurs sources pour lancer le processus. Le programme génère ensuite du contenu en utilisant un ensemble de paramètres sur un sujet, qui peut ensuite être personnalisé selon les spécifications de l’auteur. Avec un peu de pratique, un étudiant peut utiliser l’IA pour rédiger son devoir en une fraction du temps qu’il lui faudrait normalement pour écrire une dissertation. »
…et de donner divers exemples en anglais (des dissertations sur les rapports politiques entre les États-Unis et la Chine, sur les changements climatiques ou sur la pièce Roméo et Juliette de Shakespeare – dernier exemple qui s’avère particulièrement troublant, alors qu’il inclut même certaines maladresses stylistiques typiquement adolescentes…).
L’article de Peritz devient particulièrement intéressant, à mon sens, lorsqu’il se débat à savoir si l’utilisation d’IA en rédaction scolaire tient plus du dopage sportif (« As a society and as a sporting culture, we’ve decided certain drugs are forbidden, as they provide the user unfair advantages. Further, the cocktail of drugs flowing through these competitors and malicious sports programs could cause real physical and psychological harm to the athletes themselves ») ou de l’utilisation d’équipement de pointe comme des raquettes de carbone au tennis ou des vélos ultralégers. Peritz rappelle d’ailleurs que…
« L’utilisation d’un programme d’IA ne constitue pas du plagiat au sens traditionnel du terme : la personne étudiante n’a pas copié un travail antérieur et les détecteurs de plagiat des enseignants ne peuvent donc pas détecter l’original. »
mais que…
« …[C]ertaines aides à l’étude sont généralement considérées comme acceptables. Lors de la rédaction de documents, il est parfaitement acceptable d’utiliser des produits de vérification de la grammaire et de la syntaxe standard sur Microsoft Word et d’autres programmes de création de documents. D’autres programmes d’IA comme Grammarly aident à écrire de meilleures phrases et à corriger les erreurs. Google Docs termine les phrases dans les brouillons et les courriels.
La frontière entre l’utilisation de ce type de programmes informatiques d’assistance et la tricherie pure et simple reste donc floue. »
Et Peritz – avec les personnes enseignantes qu’il interview – de rappeler que tout dépend évidemment des objectifs pédagogiques poursuivis qui doivent être balancés avec les besoins des personnes étudiantes…
Plusieurs personnes enseignantes verront certainement de la triche dans l’utilisation d’IA rédactionnelles. Par exemple, Ani Ross Grubb, chargée de cours à la Carroll School of Management du Boston College, qui résume deux objectifs des compositions écrites comme suit: “First is to test the learning, understanding, and critical thinking skills of students. Second is to provide scaffolding to develop those skills. Having AI write your assignments would go against those goals.”
Toutefois, pour Jade Wexler, professeure d’éducation spécialisée à l’Université du Maryland, l’IA pourrait devenir un outil précieux afin d’aider à égaliser les chances de certaines personnes étudiantes.
Considérant que l’IA est là pour rester, Peritz et ses interlocuteurs émettent quelques hypothèses qui pourraient contribuer à réduire la triche lors de rédactions:
- maintenir des classes de taille réduite et accorder une attention individuelle aux personnes étudiantes (“When a writing instructor is in a classroom situation where they are unable to provide individualized attention, the chance for students to phone it in—whether this is plagiarism, A.I., or just writing in a boring, uninvested way—goes up.”);
- davantage de travaux d’écriture en classe – sans écran – pourraient également aider (“AI is not a problem in the classroom when a student sits down with paper and pencil.”);
- une position plus agressive serait que les collèges et les universités déclarent explicitement que l’utilisation de l’IA sera considérée comme une violation des règles académiques;
- envisager d’utiliser d’autres moyens d’évaluation des apprentissages, comme des examens oraux, des projets de groupe et des présentations en classe.
Selon Jessica Chiccehitto Hindman, professeure agrégée d’anglais à la Northern Kentucky University, , “if a professor is concerned that students are using plagiarism or AI to complete assignments, the assignments themselves are the problem, not the students or the AI.”
Source: Peritz, Aki, « A.I. Is Making It Easier Than Ever for Students to Cheat », Future Tense, Slate, 6 septembre 2022.