Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je pose une question j’aime bien recevoir une réponse. Et pourtant en classe, il arrive que le silence d’un groupe devienne assourdissant après qu’une question leur soit lancée. Alors, comment inciter les étudiantes et étudiants à prendre la parole, à donner leur opinion, à expliquer leur compréhension de ce qui leur est présenté? Comment faire pour que les mains se lèvent et ce, sans leur forcer la main?
Floyd Cheung, professeur au Smith College, nous propose quelques techniques qu’il a glanées ici et là, pour chatouiller les esprits et faire émerger la participation des personnes étudiantes.
Tiédir les ardeurs
Lorsqu’on enseigne on peut questionner notre auditoire à froid, à chaud ou tiédir les ardeurs. À froid, on pige au hasard le nom d’une personne participante pour qu’elle réponde à la question (ce qui provoque un certain stress dans l’assistance). À chaud, on lance une question et on pointe une des quelques mains qui se lèvent (ce qui prend souvent les allures d’un quiz où seules quelques personnes – souvent les mêmes – participent). Lorsqu’on tiédit les ardeurs, on demande à chacun de réfléchir quelques instants, de griffonner sa réponse ou d’en discuter avec son voisin. Par la suite, on sonde l’opinion de certaines personnes (idéalement réparties dans la classe). Cette tiédeur permet à tous de se positionner sur le sujet et facilite l’émergence d’un débat.
Parler en pensant
Cette technique permet à toute la classe de réfléchir tout haut sur une notion ou un concept que vous leur présentez. Ici, la personne enseignante joue le rôle d’animateur qui invite les personnes étudiantes à faire du pouce sur les idées des autres ou à énoncer tout haut se qui se forme dans leur esprit à ce propos. Bien que la technique favorise l’émergence d’une pensée collective, Cheung tient toutefois à nous mettre en garde :
Il est vrai que cette stratégie donne lieu à des conversations désordonnées dont les conclusions ne sont pas toujours claires. Je préviens les personnes étudiantes à ce sujet et je les rassure en leur disant que la résolution de vrais problèmes nécessite des expérimentations, des faux départs, des échecs et des risques.
Traduit avec l’application DeepL, nos ajustements.
Croire et douter à la fois
Cette technique permet d’explorer rapidement les tenants et aboutissants de points de vue opposés par rapport à une affirmation ou un concept. Vous pouvez demander aux personnes étudiantes de tracer sur une feuille un tableau à trois cases et d’inscrire dans la première case l’énoncé ou l’affirmation que vous leur dictez. Ensuite, individuellement, elles doivent rédiger dans la seconde case quelques raisons de douter de cette affirmation, puis dans la troisième case, des arguments qui à l’inverse permettent d’y croire. Un retour en plénière vous permet de sonder les opinions et d’inscrire les principaux commentaires au tableau. Cette technique offre l’occasion aux personnes étudiantes d’élargir leurs horizons et d’amorcer une réflexion en groupe.
Cartographier les opinions
Vous aimeriez avoir un aperçu de ce que vos personnes étudiantes ont remarqué dans l’article que vous leur avez demandez de lire? La technique de cartographie pourra vous permettre de faire ressortir les convergences et divergences d’opinion et ainsi d’alimenter la discussion en classe. Il s’agit pour vous de distribuer quelques notocollants (post-it) à vos étudiantes et étudiants une fois leur lecture complétée afin de noter les passages qui les ont le plus instruits, intrigués, laissés perplexes ou même fait rire? Les personnes étudiantes inscrivent le numéro de la page avec une courte explication et viennent coller leurs notocollants au tableau sur lequel figure une sorte de ligne du temps graduée avec les numéros de page de l’article en question (par exemple, les chiffres1 à 20 correspondants au nombre de page de l’article). Une fois tous les notocollants en place sur les numéros de page, vous pouvez animez un retour en plénière en invitant les personnes étudiantes à commenter le agglomérats de notes ou les notes disparates qui s’affichent alors devant elles.
Accueillir les demandes spéciales
Il peut s’avérer très profitable d’intégrer à vos présentations en classe des interrogations, des remarques ou des découvertes que font vos personnes étudiantes. Demandez-leur de vous acheminer un courriel expliquant ce qui les préoccupent ou ce qu’elles aimeraient vous partager. Vous pourrez voir émerger des questions que plusieurs se posent ou un commentaire singulier qu’il serait bon de partager avec le reste de la classe à la prochaine séance – si la personne est à l’aise que vous le fassiez -. Le tout doit cependant être fait dans le respect afin que les personnes étudiantes se sentent reçues et prises en compte dans votre cours. C’est certes une charge supplémentaire pour vous, mais qui peut engendrer une dynamique pédagogique intéressante pour approfondir certains thèmes du cours.
Remarque importante
Toutes ces techniques d’animation, et toutes celles que vous pourrez expérimenter, ont comme objectif de créer une saine participation des étudiantes et étudiants. Il demeure toutefois possible que des personnes introduisent dans leur intervention, intentionnellement ou non, un propos hostile qui fasse glisser le débat hors des balises pédagogiques. Cheung nous propose de s’y préparer à l’aide d’outils pour mieux gérer cette éventualité.
En conclusion
Je dois dire qu’entre un désert de voix et une forêt de mains levées, je préfère la seconde, même si quelques bras de fer peuvent surgir. Quand on y pense, les mains qui se lèvent en classe ce sont les mains de demain qui prêteront main-forte, qui offriront une main aidante ou qui inciteront d’autres mains à se lever! Est-ce que j’ai aperçu votre main qui se lève?…
Cheung, F., Five Techniques for Better Class Discussions, Faculty Focus, 23 mars 2022.
Daniel a longtemps été occupé à analyser et concevoir des formations tous azimuts. Il essaie aujourd'hui de faire connaître ses découvertes pédagogiques aux personnes formatrices à la recherche de solutions concrètes.
C’est plein d’idées vraiment géniales, cet article! J’ai envie d’en appliquer une ou deux en classe. Merci, Daniel!
C’est bien gentil de ta part de le souligner. Merci!
Si je comprends bien, tu réenfourches le rôle de chargé de cours?