Dans un continuum éducatif où chaque ordre d’enseignement estime que les compétences informationnelles auraient dues être acquises au niveau précédent, il apparaît troublant de constater que peu semble fait pour remédier à la situation là où il y a possibilité d’intervenir… Ainsi, la formation des maîtres pourrait être un levier par lequel les institutions universitaires font valoir aux ordres d’enseignement primaire et secondaire l’importance qu’elles accordent au développement de ces habiletés…
Selon un article paru l’automne dernier dans la Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire (RITPU), une “majorité des participants ont [sic] précisé avoir reçu une formation aux compétences en recherche d’information nettement insuffisante au cours de leurs quatre années de baccalauréat en enseignement. Nos résultats montrent que la formation s’est principalement déroulée en début de baccalauréat sous forme d’ateliers dans le cadre de certains cours, en plus d’avoir été centrée sur l’utilisation des outils de recherche de la bibliothèque de l’université…” [notre emphase] On aurait aimé connaître le pourcentage de cette majorité, mais l’article ne le précise pas…
Dumouchel et Karsenti confirment ce que d’autres ont observé avant eux, les compétences informationnelles des étudiants universitaires sont prises pour acquis par certains enseignants et la formation à la recherche d’information vise surtout à préparer les étudiants pour un éventuel passage aux cycles supérieurs.
Les opportunités d’apprentissage en stage ne sont guère plus encourageantes, alors que seuls 9.8 % des 353 répondants avaient eu l’occasion d’enseigner la recherche d’information. Dumouchel et Karsenti notent cependant que plus du quart des répondants (27,2 %) n’avait pas encore effectué de stage au moment de remplir le sondage. Sans doute parce qu’il s’agissait d’étudiants de première année en enseignement. Même en soustrayant ces derniers, les opportunités en stage restent rares.
Passons rapidement sur le fait que les méthodes pédagogiques que les futurs maîtres se proposent d’employer pour enseigner la recherche d’information ne soient pas toujours les plus appropriées (recherches basiques et très encadrées). “Aucune approche ouverte comme l’apprentissage par problèmes n’a été notée dans les réponses des participants.”
“[B]ien que les futurs enseignants de notre étude aient majoritairement affirmé qu’ils souhaitaient enseigner la recherche d’information, il reste qu’une minorité non négligeable d’entre eux (17,8 %) signalent qu’ils ne le feront pas…” Dumouchel et Karsenti précisent qu’il s’agit vraisemblablement d’étudiants et étudiantes en début de parcours, mais on reste troublé par la confusion entourant la réponse d’un interviewé:
Il faudrait que je re-regarde le programme du ministère pour voir si on est sensé évaluer la recherche d’informations, car souvent on a eu dans nos cours, des cours de mathématiques pures on va dire et là, ils nous disaient voici ce qu’il faut évaluer. On a vraiment épluché le programme, mais en informatique on ne l’a pas vraiment épluché, ou du moins, je ne m’en rappelle plus trop donc je ne sais pas du tout si dans le programme, il faut évaluer ça. (E006)
Cela sans compter certaines réponses où des étudiants confondent Google ou Wikipédia avec des bases de données…
Il n’est donc pas étonnant que Dumouchel et Karsenti recommandent “de bonifier la formation aux compétences en recherche d’information en contexte de formation initiale, notamment en la centrant davantage sur les aspects
pratiques en enseignement. Par conséquent, nous recommandons une formation initiale qui soit à la fois transversale, progressive et complémentaire. […] Par ailleurs, la formation initiale aux compétences en recherche d’information devrait être proactive, c’est-à-dire intégrer les nouvelles technologies (ex. : tablettes tactiles) et les nouvelles approches pédagogiques (ex. : classe inversée) au fur et à mesure qu’elles s’imposent en milieu scolaire et universitaire.”
Sur son blogue, Dumouchel affirme:
“Je souhaite tout particulièrement que les recommandations soient considérées par les instances concernées au Québec. […] …[J]e constate que les compétences informationnelles demeurent essentielles, que les étudiant(e)s soient en début ou en fin de formation des maîtres. Il faut prendre le temps de leur faire explorer les mécanismes de la recherche d’information, d’être confrontés à de l’information de qualité diverse et de savoir l’utiliser adéquatement. Ce n’est pas simple de faire tout cela au sein du seul et unique cours (3 crédits, 45 heures) qu’ils auront lors de leur baccalauréat en enseignement de quatre ans. Le pire, c’est que l’écosystème informationnel va continuer à évoluer pendant leur baccalauréat et par la suite…”
Sources:
Dumouchel, Gabriel, “Comment les futurs enseignants sont-ils formés aux compétences informationnelles et comment prévoient-ils les enseigner? Une étude exploratoire menée au Québec (Canada)“, Gabriel Dumouchel, Ph.D., 11 novembre 2018
Dumouchel, Gabriel et Thierry Karsenti, “Comment les futurs enseignants sont-ils formés aux compétences informationnelles et comment prévoient-ils les enseigner? Une étude exploratoire menée au Québec (Canada)“, Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, vol. 15, no.2, 8 novembre 2018