J’ai été un peu surpris de me faire suggérer par l’édition de Medium de la semaine dernière un article datant de juillet 2018, paru initialement dans le magazine Inc. Comme le concept d’innovation continue de m’apparaître extrêmement galvaudé, mais qu’il me semble nécessaire afin de dynamiser la pédagogie universitaire, je m’y suis plongé.
L’auteur commence par évoquer les nombreuses recettes proposées pour innover:
“The truth is that there is no one path to innovation. Everybody has to find their own way. Just because someone had success with one strategy doesn’t mean it’s right for the problem you need to solve. So the best advice is to gather as many tools for your toolbox as you can.“
Les quatre conseils qu’offre ensuite l’auteur sont provocateurs et rafraîchissants, mais il utilise des expressions anglophones très particulières pour les désigner. J’ai tenté de les adapter à notre contexte québécois et de les appliquer à la pédagogie.
1. Vos réussites pourraient vous nuire (Your Success Often Works Against You) – Une excellente production où tout fonctionne sur des roulettes ne favorise pas vraiment l’innovation. Les conditions nécessaires à la première pourraient même nuire à la seconde. Il s’agit de modes de pensée différents. Pourtant l’innovation devient un impératif pour se démarquer. Un gestionnaire doit arriver à trouver le juste équilibre entre optimiser les choses dans le présent, mais garder un oeil tourné vers l’avenir.
“…Running efficient operations requires standardization and control to yield predictable outcomes. Innovation, on the other hand requires experimentation. It means trying a lot of new things, most of which are going to fail. “
Si un cours ou un programme fonctionne bien, il y a peu d’incitatifs à le réformer. Pourtant, il le faudra bien si l’on cherche à se distinguer de ce qui est offert par les autres institutions. Comment conserver un regard neuf et ouvert aux possibles tout s’assurant d’une prestation de cours efficace et stable? Voilà un beau dilemme.
2. Trouver où ça saigne (Look For A Hair-On-Fire Use Case) – L’innovation est extrêmement risquée à grande échelle. Mieux vaut partir d’une situation problématique où une solution sera la bienvenue, même si elle est imparfaite.
“A better strategy is to identify a hair-on-fire use case — someone who needs a problem fixed so badly that they are willing to overlook the inevitable glitches. They will help you identify shortcomings early and correct them. Once you get things ironed out, you can begin to scale for more ordinary use cases.”
On ne dira jamais assez combien il est périlleux de vouloir transformer son cours ou son programme au complet d’un coup. Il est toujours plus facile de choisir un élément plus petit qui pose problème (une notion, une activité pédagogique) et de tenter quelque chose de nouveau pour améliorer les choses à cette échelle plus restreinte.
3. Commencer là où le bât blesse (Start With the Monkey) – L’innovation est faite d’idées lumineuses que l’on se sent capable d’actualiser… mais surtout de problèmes épineux auxquels il faut s’attaquer. La difficulté est de résoudre le problème pas d’actualiser ce qui nous apparaît vendeur et consensuel. En fait, le temps investi sur l’idée lumineuse est perdu tant que le problème n’est pas résolu.
“…Innovation isn’t about ideas, it’s about solving problems. The truth is that nobody cares about your ideas, they care about the problems you can solve for them. The reason most people can’t innovate isn’t because they don’t have ideas, but because they lack the perseverance needed to stick with a really tough problem until it’s cracked.“
Les gadgets technologiques ou les nouvelles méthodes pédagogiques sont bien attrayantes, mais s’ils ne résultent pas en un meilleur apprentissage des étudiantes et étudiants, c’est beaucoup d’énergie et de ressources déployées pour très peu de résultats…
4. Patience et longueur de temps… (Sometimes the World Isn’t Ready Yet) – Une réelle innovation requiert aussi de la maturation et l’adhésion progressive de ses utilisateurs.
“We always think the next big thing will be obvious, but in truth, it often starts out looking like nothing at all. When something truly has the power to change the world, the world isn’t ready for it. It needs to build advocacy, gain traction among a particular industry or field, and combine with other innovations before it can make an impact. …[I]nnovation is never a single event. It is a long process of discovery, engineering, and transformation that usually takes about 30 years.“
Pour moi, ce conseil parle de l’importance de partager les innovations pédagogiques, voire d’en faire une certaine promotion. Si une nouvelle façon d’enseigner, d’évaluer ou de faire participer les étudiantes et étudiants fonctionne et vous tient à coeur, ne la gardez pas pour vous. Parlez-en à vos collègues, rédigez des articles sur le sujet, présentez des communications dans des colloques spécialisés. Les échanges avec vos pairs ne peuvent que vous aider à améliorer votre innovation pédagogique.
Source: Satell, Greg, “Innovation Isn’t About Ideas“, Medium, 6 octobre 2018