La linguiste que je suis regarde tout le mouvement de l’écriture inclusive avec un ébahissement certain. Quel chemin parcouru depuis la féminisation des titres et la référence explicite aux femmes dans les textes! Aujourd’hui, la diversité nous conduit à des expressions de plus en plus neutralisées : des personnes étudiantes, des personnes enseignantes. Plus de référence au genre pour respecter tous les genres possibles ou aucun genre. Personnellement, je ne m’y retrouve plus et c’est pourquoi le titre de cet article dans udemnouvelles a attiré mon attention : Nouvelle formation en ligne ouverte à tous : écriture inclusive 101. D’emblée, l’utilisation du masculin (tous) dans le titre de la formation me paraît curieuse. Mais allons voir de plus près sur quoi portera cette formation de 50 minutes sous forme de cours en ligne ouvert à tous (CLOT).
Martine Letarte a interviewé Monique Cormier, professeure de linguistique qui occupait jusqu’à tout récemment le poste de vice-rectrice associée à la langue française et à la Francophonie et directrice du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie à l’UdeM, qui a contribué à la réalisation de cet outil.
Le CLOT de l’UdeM, qui a été développé avec le soutien financier de l’OQLF, préconise une approche modérée afin de rallier le plus grand nombre de personnes à un premier pas dans l’écriture inclusive. À certains groupes qui trouvent que la formation ne va pas assez loin, Monique Cormier réplique que plusieurs organisations se tournent vers l’UdeM pour se former dans le domaine de l’écriture inclusive justement parce que son approche est modérée. «La formation ne va pas tout régler, dit Mme Cormier, mais elle est un très bon départ pour s’habituer à utiliser l’écriture inclusive au quotidien. Elle est aussi accessible à toute la francophonie et à mes yeux, c’est d’un grand intérêt parce que certains pays n’ont pas ces ressources.»
Pour la professeure, le grand principe de base reste la pensée épicène et ce, dès le départ : le corps professoral, le personnel professionnel, la population étudiante… Si l’on tient à utiliser le mot professeurs ou si le contexte l’exige, on préconise alors l’utilisation de doublets, donc professeures et professeurs. Ainsi, rien de bien nouveau sous le soleil académique, notamment de l’Université de Sherbrooke, qui possède depuis 2008 son Guide relatif à la rédaction épicène : respect des genres masculin et féminin (GUIDE 2600-410). Toutefois, depuis, la situation a continué d’évoluer au gré des mouvements vers la diversité sexuelle et de genre : on parle maintenant d’écriture non genrée. Ma collègue Véronique Bisaillon a d’ailleurs écrit en 2018 une dépêche à ce sujet et là, vraiment, on est complètement ailleurs!
APPARTÉ – Le cas du point médian pour alléger les textes
«Il y a beaucoup de confusion par rapport à l’écriture inclusive, particulièrement en France, où elle est en général associée au point médian», Elle fait référence ici à un nom masculin auquel on ajoute un point médian et une terminaison au féminin. «Le point médian est un signe graphique absent de l’orthographe et de la grammaire françaises, précise-t-elle. Situé non pas sur la ligne, mais au centre, il est aussi absent du clavier français, alors les gens le remplacent par le point, ce qui cause autant de difficultés de lecture que de difficultés de prononciation. Le ministre de l’Éducation nationale français, Jean-Michel Blanquer, en a d’ailleurs proscrit l’usage dans l’enseignement et l’administration scolaire.» Le Québec, selon Mme Cormier, ne voudrait pas non plus du point médian même si on a commencé à en voir la trace dans certains textes : étudiant.e., professeur.e., auteur.trice…
La situation n’a certainement pas fini d’évoluer…
Source
Letarte, Martine. Nouvelle formation en ligne ouverte à tous : écriture inclusive 101. udemnouvelles. 4 juin 2021.