Tendances sociétales

Les universités, lieux de débats à tout prix?

En mars 2015, le groupe UAlberta Pro-Life a organisé une manifestation sur le campus de l’Université de l’Alberta où figurait notamment des photos de foetus démembrés. Des contre-manifestants plus nombreux auraient encerclé le premier groupe afin d’empêcher le public de voir ces images. Le groupe pro-vie estimait que les services de sécurité du campus auraient dû sévir envers les contre-manifestants. L’avocat de l’Université de l’Alberta avait maintenu en cours que la plainte du groupe pro-vie avait été étudiée de manière impartiale et en un délai raisonnable, mais qu’aucun règlement universitaire n’avait été enfreint.

Par ailleurs, l’Université de l’Alberta avait demandé à ce même groupe de défrayer 17 500$ pour assurer la sécurité afin de tenir une manifestation similaire en 2016. Le groupe pro-vie estimait que l’Université brimait sa liberté d’expression. L’Université soutenait que “le propos de cette association était volontairement destiné à soulever et à activer la controverse. Pour cette raison, l’association devait assumer les coûts du maintien du bon ordre rendus nécessaires par ses activités controversées.”

La Cour d’appel de l’Alberta a rendu le 6 janvier dernier une décision à deux contre un à l’effet qu’il ne pouvait y avoir appel quant au travail des services de sécurité. Cependant, la Cour autorise l’appel en ce qui concerne les frais demandés dans le cas d’une éventuelle seconde manifestation.

Selon Pierre Trudel, professeur titulaire au Centre de recherche en droit public (CRDP) de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, les juges albertains se sont appuyés sur la Charte canadienne des droits et libertés pour rendre leur décision, mais celle-ci s’appliquerait aussi au Québec:

“Les juges rappellent le caractère fondamental de la liberté d’expression et ses liens étroits avec la mission des universités. Les universités n’ont donc pas le loisir de supprimer l’expression en ayant recours à un procédé comme celui consistant à faire assumer le paiement de frais de sécurité par ceux qui s’expriment. Imposer de tels frais pour la tenue de certains événements en se fondant sur leur caractère controversé revient à exclure arbitrairement certains discours. “

” La décision du plus haut tribunal albertain vient rappeler que les universités sont des lieux qui doivent demeurer ouverts aux débats d’idées. Dans ces institutions vouées à l’apprentissage, à la recherche et à la critique, les limites aux libertés expressives ne sauraient varier en fonction des allergies de ceux qui nient aux autres le droit d’exprimer des idées qui leur déplaisent. Chacun doit endurer les propos qui ne contreviennent pas aux lois, même si ces propos sont éminemment contestables. Personne n’est tenu d’aller les écouter ! ” [NDLR: nos emphases]

Sources:
Canadian Press, « Appeal Court rules on anti-abortion protest at the University of Alberta », CTV News, 6 janvier 2020

Cotter, John (The Canadian Press), « Group challenges University of Alberta’s handling of anti-abortion protest », CTV News , 9 juin 2017

Trudel, Pierre, “L’université, espace de libre expression“, Le Devoir, 14 janvier 2020

Démission et grève de la faim pour le désinvestissement des énergies fossiles
Le multi- et l’hyper-authorship : du sable dans l’engrenage des analyses d’impact des publications scientifiques
+ posts

À propos de l'auteur

Jean-Sébastien Dubé

Laisser un commentaire