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Intégrité académique : encore une application qui force à la révision des modalités d’évaluation

Mon collègue Marc, qui veille sur l’intelligence artificielle (IA) m’a fait suivre la dépêche citée en source sur une application visant à aider les élèves et les étudiants à obtenir non seulement des réponses aux questions qui leur ont été posées à titre de travail scolaire mais également au travail qui a conduit aux réponses : Socratic by Google.  Développée à l’origine comme un forum de questions/réponses pour et par les élèves/étudiants, l’application a pris un virage plus tendancieux.  En effet, il est maintenant possible d’envoyer une photo du travail demandé et de recevoir une réponse rédigée par du personnel qualifié. 

Certains voient dans cette nouvelle application un incitatif à la tricherie et ont posé à l’un des créateurs de l’application une question portant sur l’enjeu de l’intégrité académique.  Sa réponse a été limpide :  [e]very student today goes to the Internet, goes to Google, to ask all of their questions — this is something that’s happening anyway.  Selon la rédactrice de la dépêche, Kiki Schirr, un tel rejet de toute responsabilité de la compagnie envers les codes d’honneur académiques devrait nous inquiéter. 

Par contre, Schirr ne soulève pas la responsabilité des enseignants dans le fait que les étudiants se tournent automatiquement vers Internet pour réaliser leurs travaux.  Comment se fait-il que cette évidence comportementale des étudiants ne soit pas prise en considération dans l’élaboration des moyens d’évaluation des apprentissages?  Lorsque la directrice de l’Academic Integrity Office, Tricia Bertram Gallant, a donné sa conférence sur l’intégrité dans la planification d’un cours, la première question qu’elle recommande aux enseignants de se poser est celle-ci : La modalité d’évaluation que j’ai choisie rend-elle la fraude facile?  Par exemple, si mes étudiants trouvent sur Internet les réponses à mon examen ou à un sujet de travail long, j’ai le choix : persister à utiliser le même outil d’évaluation et leur interdire d’aller sur Internet (sans toutefois avoir les moyens de les en empêcher) ou concevoir une modalité d’évaluation qui tiendrait compte de la disponibilité des réponses sur Internet, ce qui du coup susciterait de l’intégrité académique chez mes étudiants.  

La situation s’est corsée récemment lorsque l’outil Socratic by Google a commencé à recourir à l’intelligence artificielle pour fournir des réponses aux questions des étudiants.   

Socratic by Google n’est qu’une application parmi beaucoup d’autres qui se targuent toutes d’aider les étudiants à apprendre, à faire leurs travaux et à se préparer aux examens.  Et les étudiants les trouvent, les utilisent, les évaluent et témoignent de leur appréciation.  À preuve : pour Socratic by Google the #1 most helpful review titled “Freaking. Life. Saver.” says:

Saving yourself time looking up answers to some random question from the caption of a picture in a random textbook isn’t cheating. 🙂

Si on cherche la modalité d’évaluation derrière ce commentaire, on peut imaginer qu’il s’agissait d’une évaluation qui faisait appel à du « par cœur », une modalité qui met l’accent sur la performance, une modalité que les étudiants n’apprécient pas en général parce qu’elle ne leur permet pas de faire la démonstration de leurs apprentissages réels.

Schirr conclut sa dépêche en posant cette question : If our youth is growing up in a world where they don’t have to think, should we care?  J’aurais préféré qu’elle pose cette question-ci plutôt : Comment pouvons-nous former en tenant compte des facteurs d’apprentissage en profondeur* de manière à ce que nos étudiants grandissent dans un monde où ils pourront contribuer intelligemment, notamment parce qu’on leur aura permis d’apprendre à se servir d’internet avec discernement?

*  Facteurs d’apprentissage en profondeur

  • La motivation à apprendre est intrinsèque,
  • Les modalités d’évaluation visent à mesurer la compréhension, le développement et la maîtrise,
  • Les évaluations sont fréquentes afin de réduire les conséquences d’une mauvaise note ou d’un échec.
  • Les activités que l’on fait faire à l’étudiant lui permettent de bien estimer ses chances de réussir une évaluation.

Source

Schirr, Kiki.  What happens when AI does the homework? The ethics of cheating appsMarck Schaefer.  9 novembre 2019.

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Sonia Morin

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