Un article paru dans le Journal Métro le 12 juillet 2016 me donne l’occasion de revenir sur la question du décrochage universitaire abordée par différents médias l’hiver dernier…
D’abord, rappelons que la statistique qui avait suscité la nouvelle était une baisse de diplomation au baccalauréat de 81,3% en 2008 à 79,6 % en 2015. On parle d’une différence de 1,7 % en sept ans. Toutefois, l’économiste Pierre Fortin évalue un taux de décrochage universitaire général plus près de 30 % pour le Québec (en incluant les étudiants à temps partiel) contre une moyenne canadienne plus près de 20 % (Dion-Viens, 2016).
Ce qui frappe, c’est la recherche tous azimuts des causes de ce décrochage alors que la recherche sur le sujet fait cruellement défaut. Pour le Journal de Montréal, les compressions en éducation, le travail étudiant et les faibles frais de scolarité (faible coût d’entrée et de sortie) sont les hypothèses les plus probables. L’éditorialiste étudiante d’Impact Campus (Université Laval) accuse plutôt l’endettement étudiant avec la conciliation études-travail et les compressions. Réjean Parent estime plutôt que c’est le manque de services d’orientation qui en est le responsable. Le ministère ajoute de l’argent dans les services de soutien à la réussite, c’est donc que l’on estime qu’un tel soutien était déficient…
Pour Mario Barrette du Journal Métro, « trop d’étudiants ne peuvent pas être admis dans le programme de leur choix. […] choisissent alors un autre programme par dépit et perdront éventuellement de l’intérêt pour leurs études par la suite »; par ailleurs « trop d’étudiants sont mal préparés à la rigueur de bien des programmes universitaires »
« Il y a peut-être une troisième raison, moins évidente mais plus dérangeante. Les étudiants désirent d’abord et avant tout que l’université les prépare à l’emploi. Pourtant, beaucoup de programmes leur semblent déconnectés des réalités du marché du travail. Plusieurs de leurs professeurs sont des chercheurs plutôt que des professionnels ou des praticiens d’expérience. Bien des étudiants en viennent alors à se demander si l’université est vraiment un passage obligé vers le marché du travail, surtout lorsque bien des modèles de réussite qui leur sont présentés par les médias sont des entrepreneurs qui ont décroché de l’université. (Charette, 2016) »
Tant que des chercheurs ne se seront pas penchés spécifiquement sur les causes du décrochage universitaire au Québec, tous et chacun auront beau jeu d’interpréter la baisse de diplomation à leur guise.
Autre démonstration que de la recherche manque, Éric Bauce de l’Université Laval se base sur un taux de diplomation datant de… 2008! Barrette cite des statistiques de la défunte CRÉPUQ en… 2012. Le Ministère compile les taux de diplomation des universités québécoises, mais selon quels critères? Est-ce le succès doit nécessairement se mesurer ici d’un point de vue quantitatif?
Combien d’acteurs d’autres secteurs d’activités pourraient fonctionner sans connaître précisément – et régulièrement – les résultats de leurs efforts?
Sources:
Breton, Brigitte, « Décrocher du cégep et de l’université » (éditorial), Le Soleil, 18 mars 2016
Castadère-Ayçoberry, Margaud, « Décrochage universitaire: ce que vous ne dites pas M. Bauce » (éditorial), Impact Campus (journal étudiant), 22 février 2016
Charette, Mario, «Les raisons du décrochage universitaire », Le journal Métro, 12 juillet 2016
Dion-Viens, Daphnée, « Encore plus de décrocheurs dans les universités », Le Journal de Montréal, 1er février 2016
Parent, Réjean, « Baisse de diplômation universitaire : orientation déficiente » (blogue), Le Journal de Montréal, 2 février 2016
Schneider, Malika, « Décrochage universitaire: l’UL constate une baisse de la persévérance », Impact Campus (journal étudiant), 16 février 2016
Pas facile d’expliquer la différence avec le reste du Canada. Comme c’est une situation complexe, il ne doit pas y avoir un remède miracle. Il faudrait examiner les différences entre les systèmes. Les plus importantes sont les droits de scolarité bien sûr (près du double) mais surtout le bac de 4 ans au lieu de trois (donc l’absence du Cégep). A priori, c’est la plus grosse différence.
Jean