Article fort intéressant que m’a signalé Marc cette semaine. Il s’agit d’une présentation de son travail par Paul Wallace, professeur d’Instructional Technology à la Appalachian State University parue dans le dernier numéro du EDUCAUSE Quarterly (no. 3, 2011). L’intérêt pour nous de ce que fait M. Wallace provient du fait qu’il amalgame plusieurs tendances actuelles en enseignement universitaire dans une activité pédagogique qu’il a réalisée avec ses étudiants. Dans “Student-Community Collaboration to Construct Mobile Learning Games“, il explique en effet demander à ses étudiants de bâtir des jeux pour appareils mobiles, utilisant la réalité augmentée, dans une approche de service learning où des experts-terrain externes au cours peuvent être sollicités par les étudiants. Au-delà de la pléthore de buzzwords, le projet n’est pas trop mal ficelé :
In the spring 2011 semester students in my course partnered with the Watauga River Conservation Partners, a local community organization working to protect the Watauga River. Student groups received on-site tours, supplementary educational materials, and advice on possible wetlands game ideas from the organization during the construction of mobile learning games. By the end of the semester, these games were available for the community to play on mobile phones and tablet devices at a wetlands area adjacent to the Boone Greenway Trail, a popular recreation area in town.
L’article de Wallace nous en apprend peu sur le service learning sinon pour rappeler les bénéfices mutuels qu’étudiants et communauté y gagnent. Plus fondamentalement, le choix de cette approche participe de la stratégie d’apprentissage expérientiel situé de Wallace.
Outre son intérêt pour le service communautaire et les plateformes-mobiles, Wallace dit s’appuyer sur des théories d’instructionnisme et de contructionnisme (à ne pas confondre avec le constructivisme, dont il s’inspire cependant), théories nouvelles pour moi qui suis encore peu familier avec l’instructional design. Reste que l’idée de “concevoir des jeux pour apprendre” plutôt que de seulement y jouer – notamment pour de futurs concepteurs pédagogiques – m’apparaît pour le moins judicieuse :
“Constructionist learning theory holds that learning is most effective when students are engaged in making or constructing objects and artifacts [NDLR : l’auteur cite ici le livre Constructionism de Idit Harel et Seymour Papert (1991)]. Yasmin Kafai discussed two perspectives related to educational games:instructionists focus on the design of games for the purpose of instruction, and constructionists believe in providing opportunities for students to construct knowledge through the making of games. She pointed out that “fewer people have sought to turn the tables: by making games for learning instead of playing games for learning.”“
Une partie de l’article s’attarde aux dimensions techniques du projet. Je bornerai ici à mentionner avec l’auteur que, dans le monde changeant des plateformes mobiles, trouver des outils-auteurs assez robustes, conviviaux et faciles d’accès pour permettre à des étudiants de se les approprier reste périlleux. Wallace semble néanmoins y parvenir, constatant qu’il existe des sites Web gratuits qui permettent de réaliser des jeux simples pour mobiles. C’est d’autant admirable que Wallace encourage ses étudiants à développer des interfaces de réalité augmentée. Je retiens également son utilisation des codes QR (dont j’entrevoyais le potentiel pédagogique ici) d’usage assez universel puisque les utilisateurs n’ont qu’à les photographier avec leurs cellulaires.
Si j’ai une critique à formuler en lien avec l’article de Wallace, c’est bien au niveau de l’évaluation qu’il fait de son activité pédagogique. En effet, les résultats du sondage d’appréciation qu’il a demandé à ses 19 étudiants de remplir nous en apprennent peu quant l’efficacité sur l’apprentissage de ces multiples dispositifs innovateurs. Ses questions de recherche m’apparaissent passer à côté de vrais enjeux… Il y a certainement des façons plus simples d’améliorer la perception que les étudiants ont de l’engagement communautaire et du travail collaboratif en équipe et avec des experts externes. Le gain doit être ailleurs.
À grande échelle, l’intégration de tels outils technologiques et la mise en place de tels partenariats nécessitent d’importantes ressources en temps, en énergie et en argent. Quelles plus-values la création de jeux “communautaires” par les étudiants leur apporte-t-elle? Je ne doute pas qu’il y en ait; je dis simplement que Wallace en parle trop peu. Les commentaires libres offerts par les étudiants sont déjà plus instructifs. Par exemple, “The field trips helped me realize that the game could teach so many different things to students and how we could use the game to show citizens and students alike how important the wetland area is to the town and the environment.” Ou encore : “Our game had very little direction until speaking with her. Her insight made us think about reaching our kids more effectively, and making it more fun for them.”
Sur une note finale, je dois avouer qu’il y a un certain plaisir pour le veilleur à constater que des formateurs intègrent à ce point les récentes tendances technologiques et pédagogiques que nous nous évertuons à traquer et à faire connaître. Cette multiplication de “couches d’innovation” rend toutefois plus complexe la mesure de l’impact réel de tous ces ajoûts à l’enseignement. Cela nous ramène bien humblement à l’objectif premier de notre veille : améliorer l’apprentissage.