Pour faire suite à mon billet précédent, voici mon résumé de la conférence publique du recteur sortant de la OUNL, le professeur Fred Mulder. Cette conférence était une intitulée Open universities working with open educational resources (résumé PDF 1 page français et anglais). Les meilleurs moments, à mon avis, en vrac :
- Valeur : la connaissance est un bien public. Si sa découverte est financée par des fonds publics, elle doit être accessible librement.
- L’initiative Open Courseware du MIT (suivie par d’autres grandes universités) n’a jamais produit de matérial d’auto-apprentissage. Il s’agit de matériel qui accompagne de la formation en classe. Le risque était donc faible pour le MIT d’ouvrir son matériel puisque ce n’est qu’une partie des cours. Le risque est beaucoup plus élevé pour le matériel de formation à distance traditionnel, puisqu’il est conçu pour être auto-portant. Si on le rend disponible gratuitement, beaucoup moins étudiants paieront pour suivre le cours. Pour que l’adoption des ressources éducatives ouvertes se fasse sans désavantager les universités à distance, il faut deux conditions selon M. Mulder (qui reprenait un thème abordé dans le séminaire de l’avant-midi).
- Les gouvernements doivent adopter des stratégies nationales visant à favoriser la production et l’utilisation de ressources éducatives ouvertes (REO). Certains l’ont déjà fait. L’Inde s’est donnée un telle stratégie en 2007. Les Pays-Bas aussi pour la période 2009-2013 avec un financement de 8 million d’euros, ayant pour but de généraliser (mainstream) les REO à tous les ordres d’enseignement, même au primaire, grâce notamment au programme wikiwijs avec utilisation obligatoire de la licence Creative Commons la plus ouverte (simple attribution). Les États-Unis ont engagé 2 milliards de dollars pour la période 2011-2014 pour financer le développement de REO. Le comité sur les politique éducatives de l’OCDE vient d’adopter une proposition devant mener à une déclaration formelle selon laquelle les ressources d’apprentissage financées publiquement devraient être ouvertes (proposé par les USA, approuvé par tous les pays présents, incluant le Canada).
- Revoir le modèle de cours à distance. La solution pour les universités à distance se découpe en deux temps. Premièrement, séparer le contenu des activités et services d’apprentissage. Deuxièmement, rendre des contenus de haute qualité disponibles librement et offrir comme service payant des activités d’apprentissage et des dispositifs d’accompagnement des étudiants de haut niveau. Les contenus alors publics peuvent exercer un pouvoir d’attraction pour recruter des étudiants. Le pari des services payants autour des contenus gratuits n’a pas encore vraiment été mis à l’épreuve. Certains expriment des réserves, voire du scepticisme; d’autres considèrent le virage avec enthousiasme.
- Pour réussir la FAD, il faut du matériel d’apprentissage de haute qualité, une expérience d’apprentissage de haute qualité (activités, accompagnement, encadrement, etc) et d’excellentes approches didactiques et pédagogiques.
- M. Mulder a présenté un triangle dont les pointes représentent l’accessibilité, l’efficience et la qualité. Dans un modèle de FAD traditionnel, améliorer l’une de ces dimensions a invariablement un effet délétère sur au moins l’une des autres, parfois les deux autres. Si on appuie la FAD sur des contenus de type REO, on peut alors améliorer les trois dimensions simultanément et même ajouter une 4ème dimension en plein centre : l’innovation.
- Le passage vers la formation appuyée sur les REO ne coûterait pas plus cher, mais il impliquerait de répartir les budgets existants autrement.
- Les REO peuvent paver la voie à des collaborations internationales très riches pour adapter les ressources à des cultures, à des langues et à d’autres facteurs locaux propres à chaque pays et à chaque discipline.
- La diversité des REO est une clé de succès. Elle permettra de répondre à des besoins divers et de puiser parmi différentes ressources abordant un même sujet de façon différente.
- Le mouvement de transition vers les REO sera lent. Il faudra être patient pour voir le changement à grande échelle, mais les pionniers auront une longueur d’avance. Ils peuvent en faire une marque distinctive.
- D’ici un éventuel virage REO, il faudra continuer de gérer les droits d’auteur à la pièce, ce qui est très coûteux et bureaucratique, mais nécessaire.
- Le coût global de la formation ne devrait pas baisser en prenant ce virage, mais la qualité devrait augmenter. Les coûts d’opération liés au présentiel qui seront économisés par le passage à la bimodalité seront compensés par d’autres coûts propres aux nouvelles réalités de FAD ou de formation hybride.
- La manière d’évaluer la qualité du cours en ligne est loin d’être un problème réglé pour de bon. Il y a de bonnes pistes et ça demeure un domaine fort intéressant à développer.
Pour en savoir plus, on peut consulter le rapport suivant au format PDF A Golden Combi?! – Open Educational Resources and Open, Flexible and Distance Learning, Final report from the ICDE Task Force on Open Educational Resources (Fred Mulder and Jos Rikers, December 2008).
Lors d’une conférence pendant l’ACFAS le 12 mai 2011, Michel Umbriaco, professeur responsable de la formation sur mesure (continue) à la TELUQ, avait sensiblement le même discours :
« Le contenu n’a plus d’importance (il vient souvent de l’externe, d’experts qu’il faut « confesser »). Les universités vendent un service. »
À une participante qui lui demandait de préciser sa pensée, il disait : « Le contenu explose, ce qui rend sa valeur relative. Le nombre de publications qui paraissent en un mois dans un domaine pointue prendrait plusieurs années à lire. En faisant un doctorat, tu apprends ce que c’est que de produire de la connaissance. Cela te permet de cheminer avec des étudiants là-dedans. En tant que prof., tu n’es plus un expert-contenu. »
Il comparaît avec la mode des années 1970 de placer les bibliothèques au centre des campus avec l’espoir que tous accèdent à tous les domaines. C’est devenu impossible de tout connaître.