Marc me signale un article de Kent Anderson du site Scholarly Kitchen (« Concerns Over the Higher Education Bubble Continue to Grow and Evolve »). À la suite de divers articles (voir celui-ci tiré du Huffington Post) et particulièrement de celui de Malcolm Harris, du magazine littéraire n + 1 (« Bad Education »), Anderson rappelle certains faits troublants quand à l’ampleur que prend le coût des études supérieures aux États-Unis et ses corollaires l’endettement des étudiants et la marchandisation de la formation :
In August 2010, student loans surpassed credit cards as the nation’s single largest source of debt. Since 1978, the price of tuition at US colleges has increased over 900 percent, 650 points above inflation. Default rates for the class of 2008 are projected to reach 13.8%, about double the usual level.
Anderson évoque de nouveaux signaux qui vont dans le même sens comme le fait que, d’après le Département américain de l’éducation, les administrateurs seront bientôt plus nombreux que les enseignants dans les collèges à but non lucratifs de quatre ans. Pour Harris :
The goal for large state universities and elite private colleges alike has ceased to be (if it ever was) building well-educated citizens. . . . Instead we have, in Bousquet’s words, “the entrepreneurial urges, vanity, and hobbyhorses of administrators: Digitize the curriculum! Build the best pool/golf course/stadium in the state! Bring more souls to God! Win the all-conference championship!” These expensive projects are all part of another cycle: corporate universities must be competitive in recruiting students who may become rich alumni, so they have to spend on attractive extras, which means they need more revenue, so they need more students paying higher tuition. For-profits aren’t the only ones consumed with selling product.
Anderson fait le parallèle avec la bulle immobilière alors qu’il existe aux États-Unis un système de spéculation sur les prêts étudiants similaires à celui des papiers commerciaux viciés (PCAA) dont la crise a précité le krach immobilier récent. Il voit dans la « bulle » éducative un mème en train d’évoluer et de se propager.
De mon côté, j’ai découvert via mon réseau Twitter, un billet de Laurent Chambon sur Rue89 « L’éducation, la nouvelle bulle spéculative aux États-Unis ». Si ce dernier article a tendance à fleurter avec une certaine paranoïa (on y parle de « crise de civilisation totale »), il a le mérite de pointer vers des sources intéressantes (le New York Times sur les facultés de droit américaines, The Economist à propos des collèges privés) et de soulever quelques questions troublantes :
«Les universités mentent autant sur les salaires des futurs diplômés que les vendeurs de crédit immobiliers ont pu mentir sur l’augmentation infinie et garantie du prix de la pierre. Nous sommes dans une pyramide de Ponzi géante, avec pour gogos les jeunes qui veulent faire quelque chose de leur vie. »
« Pourtant, au niveau politique, on assiste à la fois à une volonté de privatisation, et à la fois à une tendance fétichiste sur la question de l’éducation. Avec la crise, les gouvernements sabrent dans les budgets de l’éducation partout en Occident, et surtout essayent de faire peser le coût de l’éducation sur les personnes. »
De manière générale, les commentateurs s’interrogent sur la valeur des diplômes dont on ne cesse d’affirmer la nécessité dans une « économie du savoir », mais dont la qualité et la pertinence ne justifient pas toujours l’investissement personnel et financier majeur. On rappelle que le poids des dettes d’études amène des individus à retarder l’achat d’une voiture ou même d’une maison, la fondation d’une famille.
Mes 2 sous comme disent les anglophone… 😉
Je distingue 3 variables, soit le coût des diplômes, leur valeur économique (anticipation de revenus futurs, de meilleurs emplois) et leur valeur intrinsèque (connaissances/compétences).
Tous ces articles (ou presque) sur la bulle nous disent que le coût des diplômes universitaires aux États-Unis est probablement devenu trop élevé. Plusieurs affirment également qu’alors même que leur coût a augmenté, leur valeur économique a diminué à cause de la surproduction de diplômés. Certains laissent même entendre que la valeur intrinsèque n’est pas nécessairement toujours au rendez-vous, comme si ça n’allait pas déjà assez mal.
Imaginons un instant que le coûts des études universitaire baisse aux É-U, on devrait alors, en principe, observer une détérioration de leur valeur économique, puisque cela empirerait la surproduction de diplômés. Quel paradoxe dans une économie dite du savoir! Mais peut-être qu’un point d’équilibre finirait par être atteint après une certaine période.
Pour moi, cette bulle est un argument en faveur d’un investissement massif dans la qualité et dans la pertinence de la formation à tous les niveaux, soit le rehaussement de la valeur intrinsèque des diplômes universitaires. Si les diplômés universitaires ne peuvent pas suffisamment entrer le marché du travail dans des emplois qui correspondent à leurs études, c’est peut-être parce que leurs études ne correspondent pas aux besoins du marché. On doit bien entendu garder une place pour des experts dans des domaines qui ne sont pas de gros vendeurs économiques, parce que la société a d’autres besoins que ceux des marchés (travail, biens, services, etc), mais il faut tenir compte des marchés.
Comme ces articles font principalement état de la situation aux É-U, je m’interroge sur notre propre situation au Québec et au Canada. Le coût des études universitaires au Québec et au Canada me paraît raisonnable et j’espère qu’il le restera. J’aimerais lire un article sur l’influence de cette bulle américaine (du moins pour le moment) sur le milieu universitaire Canadien et Québécois. Risque-t-on d’être entraîné dans cette vague? Y a-t-il une occasion à saisir pour agir avant d’être frappés de plein fouet?