Le professeur Fred Mulder, recteur de la Open University of the Netherlands (OUNL) de 2000 à 2010, visitait la TÉLUQ les 26 et 27 avril 2011 pour une série de rencontres (le terme open university est une expression qui désigne les universités à distance dans le monde anglophone). Le professeur Mulder est détenteur d’une chaire de l’UNESCO sur les ressources éducatives ouvertes (Open Educational Resources). J’ai eu la chance d’être invité à ces rencontres et je vous en fais un mini compte-rendu.
La première rencontre était un séminaire avec des professeurs et des étudiants de la maîtrise en éducation sur le positionnement et le plan de développement stratégique de la OUNL. Voici en vrac ce qui a le plus attiré mon attention :
- Depuis 2 ans, la OUNL est #1 des 14 universités des pays bas qui ont des activités de recherche, en terme de réputation. Auparavant, elle était #2. Les universités de formation à distance n’ont donc aucun problème de crédibilité là-bas. Elle est membre de leur conférence des recteurs qui se réunit aux 6 semaines et l’ a même déjà présidée. La conférence a été une belle façon de sensibiliser le milieu universitaire néerlandais aux enjeux de la formation à distance.
- Le financement vient à 90% du gouvernement. Il y a déjà eu un système de financement propre à la FAD, mais le financement est maintenant identique dans toutes les universités.
- Leur créneau de recherche le plus important (et celui pour lequel ils ont une reconnaissance) est celui des sciences et technologies de l’apprentissage. Leur plan stratégique de développement prévoit d’ailleurs mettre encore plus de l’avant ce secteur. Il est intéressant de constater un parallèle avec la TÉLUQ : les deux sont des universités de formation à distance, et les deux ont des activités de recherche importantes qui portent justement sur les sciences et technologies de l’apprentissage, et incidemment, sur la FAD elle-même.
- L’ancien « branding » de la FAD en anglais était Open Distance Education (ODE). Le nouveau branding est plutôt Lifelong Open Flexible Learning (LOF Learning). On y préconise trois « libertés » pour les étudiants : liberté de lieu, de moment et de rythme pour réaliser ses apprentissages.
- La OUNL est en démarche d’association avec des universités campus pour développer de la formation hybride (combinaisons formation à distance + présentiel) menant à des professions de sciences appliquées. C’est la formule Open Networked Polytechnic. Cette voie leur paraît très prometteuse. Des initiatives du même type menant à des professions bien définies sont en cours pour le domaine du droit et dans d’autres disciplines.
- Des incitatifs financiers ont été utilisés avec succès pour orienter le développement de la recherche et des études de maîtrise-recherche et de doctorat dans des créneaux d’excellence identifiés. Par exemple : financement de la recherche en sciences et technologies de l’éducation par la création de centres d’excellence. Autre exemple, l’université reçoit un montant de 90 000 euros pour la diplômation d’un PhD.
- Toutes les grandes open universities européennes sont réseautées (Royaume-Uni, Pays-Bas, Allemagne, Portugal, Barcelonne, Madrid), créant une communauté de pratique à l’échelle des institutions. L’Athabasca University est membre de ce regroupement et la TÉLUQ entretient aussi des liens avec.
- L’OUNL emploie des professeurs à temps partiel pour la supervision des étudiants à la maîtrise et au doctorat. Les postes de ces professeurs sont financés par des dons d’entreprises privées, mais sont entièrement gérés par l’université sans droit de regard de la part des entreprises qui font les dons.
- Le gouvernement des Pays-Bas est le premier gouvernement au monde à adopter une stratégie nationale pour les ressources éducationelles ouvertes.
- Le modèle de formation à distance par auto-formation en suivant un manuel et d’autres ressources axées sur les contenus (le cours par correspondance) est appelé à disparaître. Parce que les contenus deviendront de plus en plus ouverts et accessibles gratuitement, mais aussi parce que ce modèle est peu efficace et efficient en termes d’apprentissage et de motivation.
- Selon le professeur Mulder, l’avenir appartiendra aux universités bimodales et à distance qui adopteront les ressources éducatives ouvertes (et donc gratuites) sur le plan du contenu, tout en offrant des services d’apprentissage payants à haute valeur ajoutée pour compléter ces ressources libres (exercices et simulations, auto-évaluations, laboratoires virtuels et réels, tutorat/mentorat, accompagnement, évaluations/certifications, communautés d’apprentissages, rencontres). Les ressources libres serviront de carte de visite pour montrer la qualité de la production des universités, participant ainsi à l’effort de recrutement et de rayonnement. Les services d’apprentissage doivent être centrés sur l’apprenant, puisque le contenu sera librement accessible, mais aussi parce que l’expérience d’apprentissage doit être à la hauteur des connaissance modernes en ce domaine. « Less focus on content, more focus on learning » . Les universités qui n’adopteront pas le paradigme de l’apprentissage seraient selon lui condamnées à la perte de vitesse, voire à la disparition. Les professeurs présents au séminaire étaient tous d’accord que le cours par correspondance doit laisser place à de la FAD moderne centrée sur l’apprentissage plutôt que sur le contenu, et qui utilise tous les leviers pertinents pour y arriver.
- Sur les ressources éducatives ouvertes : elle sont gratuites pour le consommateur, mais elles coûtent quelque chose à produire et ce coût doit être assumé par quelqu’un. La proposition récente des USA est que tout contenu éducatif dont la production a été financée par des fonds publics devrait devenir ouvert et libre. Hors de stratégies nationales de ce type, le professeur Mulder croit que les ressources éducationnelles ouvertes ne pourront se développer à leur plein potentiel.
La deuxième rencontre était une conférence publique, que je documente dans un 2ème billet