Il ne m’a pas été possible cette fois de me joindre à l’équipe du Projet Columbus pour un atelier sur «Les spécificités de l’écriture pour environnements immersifs“, le vendredi 13 juin dernier. J’ai cependant lu avec attention toutes les références qui nous avaient été fournies en préparation de la rencontre.
Il en ressort assez clairement que les casques de réalité virtuelle sont sur le point de devenir accessibles aux consommateurs. D’abord avec le Rift de la compagnie Oculus, rachetée par Facebook pour 2 milliards $ en mars dernier et le Project Morpheus de Sony pour la PlayStation. On croit que Microsoft s’intéresse aussi à ce marché et qu’il pourrait éventuellement s’allier à Facebook pour sa XBox. Les premiers casques seraient disponibles dès la fin de cette année ou à tout le moins en 2015, au coût unitaire de 350$ (Cohen, 2014), alors que les contenus se vendraient de 0$ à 100$.
D’ici quelques années, les casques deviendraient plus petits (à peine plus gros que des lunettes de soleil) et autoportants. Pour le moment, il faut encore un ordinateur externe pour faire fonctionner les applications. Des gants permettant de contrôler certains mouvements étaient également en démonstration au Electronic Entertainement Expo (E3), le week-end dernier (Giardina, 2014)
La réalité virtuelle n’est pas un nouveau concept, mais les observateurs croient qu’elle est enfin mûre. L’enjeu est clairement la production de contenus adaptés à ce que l’on qualifie volontiers de “nouveau média”. Si les jeux vidéos semblent tout désignés (plusieurs titres en démonstration au E3), c’est l’industrie du film qui est courtisée.
“Because VR was nurtured in gaming devices and simulators, videogames have seemed like the most natural fit for the medium. But many developers are already using it for live-action experiences and trying to find the best way to fit it to narrative storytelling. “The original motto of Oculus was, ‘Step Into the Game,’ ” Chung says. “We’ve since modified it to letting people ‘Experience the impossible.’ ” (Cohen, 2014)
Mais la réalité virtuelle bouleverse les codes du cinéma:
- D’une part, c’est le spectateur qu contrôle où il pose son regard. Cela signifie un travail de design (de muséologue?) pour attirer son attention dans l’environnement, par l’éclairage, le son, le mouvement: “In moments, you’re on a gentle boat trip through lush wetlands. Look up and see the sky. Turn around, and the reeds recede behind you. You can’t dip your hands in the water — yet — but sight and sound will make you feel like you’re far away.” (Cohen 2014)”
- D’autre part, les déplacements rapides causent des hauts-le-coeur (pas de poursuites automobiles, comme pour le cinéma IMAX), par conséquent on envisage des scénarios plus intimes, avec moins de déplacement ou procédant par “sauts” d’un environnements à l’autre. ““The content will probably be richer in one space, but you won’t travel as much. Usually you’ll be confined to small environment.” Another challenge arises from a sense few people are even aware of: “Proprioception,” the body’s positional sense. Going into a VR world and being unable to see your own body and arms can quickly become disorienting.” (Cohen, 2014)
- Enfin, de telles expériences sont encore très solitaires pour le moment. On aimerait pouvoir partager ces univers parallèles à plusieurs: “Developers are hard at work making the VR experience social, adding avatars for multiple users, and the like. That may turn out to be crucial if VR is ever to rival TV and movies.” (Cohen, 2014)
Les utilisations sont frappantes. De Nonny de la Pena qui fait vivre des expériences de journalisme immersif (ex: se retrouver à l’intérieur de ce que l’on sait de Guantanamo, à partir des témoignages corroborés, en tenant compte de toutes les questions éthiques que cela pose) aux étudiants en art de l’Université de Zurich qui permettent de voler et de battre des ailes comme un oiseau (Ungerleider, 2014), en passant par des réalisateurs québécois qui font participer le spectateur à une séance d’enregistrement en studio du chanteur Patrick Watson (Zeitchik, 2014), à voir par les yeux d’un robot ou d’un drone ou à voir son activité cérébrale en temps réel (Eadicicco, 2014). Et que dire des applications en architecture…
Comme mentionné dans une dépêche récente sur cette question, les applications pédagogiques ne sauraient tarder.
Sources:
Cohen, David S. “Virtual Reality Poised for Mass Entertainment, but Can Hollywood Make It Happen?“, Variety, 28 mai 2014
Eadicicco, Lisa, “10 Amazing Ways People Are Using The Oculus Rift Today“, Business Insider, 6 mai 2014
Giardina, Carolyn, “E3: Is Virtual Reality The Next Revolution In Entertainment?“, The Hollywood Reporter, 11 juin 2014
Ungerleider, Neil, “Inside The Oculus Business Ecosystem“, Fast Company, 14 mai 2014
Zeitchik, Stephen, “Oculus Rift carves out virtual-reality spot in entertainment world“, Los Angeles Times, 14 mai 2014