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Le labyrinthe des revues prédatrices : un nouvel article pour tenter de s’y retrouver

Le sujet des revues prédatrices a souvent été traité dans L’Éveilleur mais, un peu à la manière des nécessaires rappels de prudence sur la route, il faut souvent répéter pour que la vigilance ne baisse pas sa garde.  C’est dans cet esprit que la présente dépêche s’est intéressée à un nouvel article sous la plume d’Alex Gillis de L’actualité qui ratisse large et profond dans le monde des revues prédatrices.

Dans un premier temps, j’ai été contente de savoir ce qui était arrivé à Jeffrey Beall, le bibliothécaire de l’Université du Colorado à Denver et créateur du défunt site Scholarly Open Access, qui publiait des listes de prédateurs dans le monde de la publication scientifique (août 2016, 18 janvier 2017) et qui mettait en lumière le caractère douteux de certaines relations entre des éditeurs et des chercheurs universitaires.  Lorsque son site a fermé et que lui-même a disparu de la circulation, nous avons été nombreux à nous inquiéter.  Gillis nous apprend que [t]outes ces révélations ont mis énormément de pression sur Jeffrey Beall. Même son université a ouvert un dossier pour inconduite en 2017, après qu’un éditeur (qui figurait dans la liste) eut allégué qu’il avait inventé des faits à son sujet. Le bibliothécaire a gagné sa cause — des accusations sans fondement, dit-il —, mais il a pris sa retraite avant l’heure et fermé son blogue, en partie à cause des attaques personnelles provenant du monde universitaire. « Je n’en pouvais plus », confie-t-il.

Le journaliste a rencontré le professeur Eduardo Franco, directeur du Département d’oncologie de la Faculté de médecine de l’Université McGill pour documenter son article.  Le professeur Franco se dit très préoccupé de ce qu’il appelle la corruption de la recherche par une épidémie de tricherie, notamment par la prolifération de publications pseudo-scientifiques, dont le modèle de publication en ligne, qui a ouvert la porte à un nombre incalculable de chercheurs et, au passage, à des milliers de tricheries.  […] Pour la première fois de l’histoire, soutient Eduardo Franco, il se publie plus d’études déficientes ou même frauduleuses que de recherches sérieuses — peut-être 10 fois plus. Environ 10 000 revues « trompeuses » — des revues-poubelles, selon certains — sévissent dans le monde, et des milliers d’autres sont sous la loupe, selon la société américaine spécialisée en services d’édition Cabell’s International, qui a créé sa liste noire.  Cette liste, Cabell (18 août 2017) l’a prise de Beall, l’a enrichie et l’a scindée en deux listes : la blanche et la noire.  Comme l’accès à ces listes est payant via moyennant un abonnement qui se chiffre en milliers de dollars, faut-il s’étonner que peu d’établissements universitaires canadiens s’y soient abonnés?

L’article de Gillis aborde beaucoup d’autres sujets relatifs à la publication scientifique trompeuse, dont …

  • les raisons qui poussent des chercheurs à publier dans des revues prédatrices (sujet déjà abordé ici le 9 décembre 2017);
  • les alliances économiques entre les grands éditeurs et de petites revues en ligne;
  • la publication scientifique en libre accès;
  • la condamnation d’Omics à une amende de plus de 50MUS$;
  • les colloques prédateurs;

Le sujet reste d’actualité, comme une maladie dont on cherche encore le remède… S’il en existe un, il réside dans une sensibilisation qui ne se relâche pas.  C’est du moins l’expérience du professeur Franco.  En 2017 il a vérifié si les CV et les évaluations de rendement des 220 personnes de son département contenaient des publications dans des revues prédatrices ou des participations à des pseudo-colloques.   Deux mois après l’envoi de son courriel à ses collègues de McGill en 2017, Eduardo Franco a informé les dirigeants de la Faculté de médecine que 220 professeurs figuraient dans la liste de « rédacteurs, collaborateurs et conférenciers » d’Omics.  En 2018, il n’en a trouvé aucune dans les 150 CV et évaluations de rendement dans son département à McGill.  Autre exemple d’effort de sensibilisation : la Faculté de médecine de McGill a aussi ajouté un paragraphe à toutes ses lettres de nomination et de renouvellement de mandat, rappelant de ne traiter qu’avec des revues et des organisateurs de conférences bien établis et crédibles.

Source – Gillis, Alex.  Le cancer qui ronge la scienceL’actualité.  6 novembre 2019.

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Sonia Morin

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